27 janvier 2008

Où le favori nippon s'incline devant le challenger d'outre-Manche

Nous avons donc deux visites prévues aujourd'hui : un deuxième tour du Karaté de Gruissan, et en début d'après-midi, un tour en mer avec le fameux "Contention 33". Tom a fait des recherches toute la semaine pour savoir ce que cache cette création des chantiers "Southern Ocean Shipyard". Il s'agit donc d'un bateau anglais. Voilà qui n'est pas pour me déplaire ! Mais il y a bien peu d'exemplaires en vente en Europe. Les chantiers SOS ont apparemment cessé leur activité, et les Contention 33 encore en circulation se font rares. Les deux seuls que nous trouvons, sur des sites d'annonces en anglais, sont très chics à l'intérieur et très chers sur le prix. Coïncidence bien pratique : les deux bateaux en lice se trouvent au port de Gruissan. A l'heure-dite au bout du ponton en question, nous trouvons le discret navire britannique. Discret, son nom l'est moins, il s'appelle "Grégal". Les jeux de mots vaseux vous viennent immédiatement à l'esprit avec un nom pareil... "Grégal-le-goût"... Le propriétaire nous accueille avec le sourire. La cinquantaine dynamique et la mèche en bataille, il a l'air tout à fait sympathique. Ce qui l'a rendu encore plus sympathique aux yeux de Tom, c'est son impératif de tour en mer "livré" avec toute visite du bateau. "Voilà qui est sérieux" pense le Tom. Après un petit thé partagé sur le cockpit, nous partons tirer un grand bord entre Gruissan et Port-la-Nouvelle. Tom est ravi. Il dévore les "beaux gros winches" des yeux. Moi, toutes les ficelles emmêlées sur le pont me donnent le tournis. Mais surtout, il fait froid. Il fait TRES froid. Le thé au rhum - petite spécialité du propriétaire apprendrais-je à mes dépens- de 16 heures ne parvient pas à me réchauffer. D'ailleurs, je ne le termine pas, au bord du mal de mer. De retour au ponton, Tom pose toutes les questions de l'acheteur sérieux. Et plus nous visitons, plus je trouve qu'il fait très sérieux, comme acheteur. Il sait poser les vrais questions techniques comme s'il s'agissait de demander le prix de la baguette. Tant mieux, ainsi les vendeurs nous prennent souvent en sympathie. Surtout lorsque nous glissons négligemment dans la conversation quel est notre projet en gestation. L'intérieur de Grégal est propre, sans fioritures. Les banquettes sont couleur locale : en carreaux écossais vert foncé, les boiseries sont plutôt bien conservées. Il y a quelques voiles, cirés, lampes à pétrole rouillées ou bougies ça et là. C'est au moins un bateau qui sert à naviguer. Ce n'est pas une caravane de port bien lustrée, avec télé, comme on a eu notamment l'occasion d'en voir depuis quelques temps.
La visite suivante est celle du Karaté NV. Je suis à nouveau éblouie par cet intérieur digne d'un vrai petit appartement. Mais Tom semble avoir déjà choisi son destrier. Et puis un bateau sans enrouleur de génois, ça peut être ennuyeux. Pas forcément dangereux, mais je comprends qu'il faut une vigilance supplémentaire et la manip de changement de voile peut être fastidieuse.
Sur le trajet du retour, pas réellement de débat, car à prix égal (15000 €) les prestations respectives ne souffrent pas la comparaison : Grégal est très bien équipé en voiles, il est robuste, marin, il se comporte bien en mer, son pilote ST 4000 marche au poil. Pour le prix, c'est le bateau le mieux équipé et le mieux entretenu que l'on ait visité. L'autre n'a rien de tout cela si ce n'est un étai largable et une grande voile d'origine. Je tire en silence un trait sur le bel intérieur et la cuisine spacieuse en L du Karaté... De toute façon, aurais-je pu espérer mieux qu'un bateau anglais, venu de ma petite île pluvieuse et brouillardeuse préférée ?

25 janvier 2008

Chronique d'une année sabbatique annoncée

Tom a annoncé aujourd’hui son intention de partir pour un an à son chef de projet. L’accueil n’a pas été très amical. On peut même dire qu’il a été un peu glacial… J’ai tenté de le rassurer en lui expliquant que si sa boîte est si réticente à le voir partir, c’est qu’elle voit mal comment le remplacer. On peut comprendre que pour une entreprise d’informatique, ce n’est pas évident de trouver un ingénieur sérieux et compétent en un claquement de doigts… Par extension, on voit que dans le privé, quand une entreprise a confiance en l’un de ses collaborateurs, elle le lui montre en lui faisant comprendre que son départ ne l’enchante pas. Y-aurait-il réellement un fossé entre la fonction publique et le privé ?

22 janvier 2008

Pourquoi partir ? (1/2)

Mais au fait, pourquoi partir ? Pourquoi lâcher deux boulots qui assurent une subsistance confortable, un joli petit appartement avec terrasse pour lequel il ne reste que 19 ans de remboursement de prêt, la présence des amis, la joie de vivre diffuse de Montpellier... Il faut savoir que si l'on se décide parfois sur un coup de tête, on ne choisit jamais de partir par dépit. Partir est donc une démarche qui coûte, qui donne à réfléchir, qui fait faire des calculs savants coûts-avantages sur ce que l'on laisse et ce que l'on va trouver là-bas.
Par chance, Tom et moi avons le même virus du voyage. Ce délicieux appel de l'inconnu qui vient vous caresser la joue justement quand le confort de votre quotidien commence à endormir votre vigilance et votre sens de la découverte. Partir est aussi une forme de lâcher-prise de fond, quand le voyage en question vous emmène plus longtemps que quelques jours de simples vacances, où vous savez que quoi qu'il arrive vous rentrerez chez vous.
Ma première expérience du lâcher-prise avec mon mode de vie a eu lieu quand je suis partie vivre un an en Angleterre, alors que j'étais encore étudiante à l'IEP. Ce fut une expérience à la fois brillante et grisante : perte de repères, pratique d'une langue étrangère, découverte de qui l'on est quand on se trouve à l'étranger (et non, on n'est pas exactement la même personne quand on s'exprime dans une autre langue), découverte d'une autre culture, de façons de faire différentes ("Qu'est-ce donc que ces petites tranches de jambon carré et pleines d'eau vendues sous vide ? Où est donc le Madrange ?"...) Peut-être est-ce parce que j'ai toujours eu une affection maladive pour ce petit bout d'île d'Albion, il n'empêche, cela m'a transformée en aiguisant mon sens de la liberté, ma capacité d'adaptation et mon goût du voyage. Sans dire que c'est en Angleterre que j'ai rencontré Tom. Et non, rien n'est fortuit voyez-vous.
Partir maintenant, alors que nous semblons bien "installés", salariés, pacsés, empaquetés, est aux yeux de beaucoup une belle hérésie. Bien sûr, partir un an en voilier a un côté furieusement aventurier. Tels deux Christophe Colomb, ils étaient sales et ne se nourrissaient que de papayes crues et de poissons séchés, parcourant les mers du Globe...
Que néni, en un an de voilier, on ne peut pas se permettre de faire le tour du monde.
Par ailleurs, quand vous annoncez votre projet de partir en bateau, trois types de réactions, que nous avons à présent bien eu le temps d'identifier, s'offrent à vous :
Option 1 : "- Oh, c'est bien... Mais vous n'avez pas peur ?!". Si, car la mer est toujours dangereuse, mais la préparation, la prudence et la vigilance de chaque instant sont les antidotes à la peur. Et puis, le jeu en vaut la chandelle, non ?
Option 2 : "Mais c'est absolument génial ! Alors là, vous avez bien raison de vous lancer, il faut le faire tant qu'on est encore jeune, sans enfants... Rhâ là là, bande de veinards !" No comment : nous, on adore entendre ça.
Option 3 : "Ah bon ? Ah ouais... Mais bon, est-ce bien raisonnable ?" (Quid du refrain déroulé ensuite, puisant dans les divers arguments : Et votre carrière ? Et Aude qui ne sait pas naviguer ? Et votre bateau, il ne prend pas l'eau ? Et votre appartement ? Et savez-vous qu'on n'est pas sûrs de pouvoir vous réintégrer sur le même poste ?...)
Il est fort triste de constater que statistiquement, c'est l'option 3 qui l'emporte largement.

21 janvier 2008

Vous contenterez-vous d'un Contention ?

Les visites de ce weekend ont été décevantes. Il faut dire qu'avec le peu de temps qui nous est imparti, toute visite prend un tour crucial. A chaque rendez-vous, nait l'espoir fugace de découvrir la perle rare. Derrière le maigre descriptif des annonces on cherche à déceler ce qui aurait pu échapper au regard aiguisé de l'acheteur potentiel et qui contiendrait les germes d'une future heureuse surprise. Mais pour l'instant il n'en est rien !
J'apprécie les visites de bateaux, surtout que ce mois de janvier presque printanier donne des airs de vacances à chaque weekend d'investigation. Tom en retient moins le côté ludique, car il ressent davantage la pression. D'ailleurs, à peine de retour ce lundi soir, le voilà plongé dans les annonces sur Internet. D'un air pénétré il me montre soudain une petite annonce libellée de la sorte : "Bateau solide de près serré, annexe neuve, survie de 2 ans, Sarat 2 tangons, 3 spis Four, GPS, VHS, pilote auto, bonne croisière de charme nautique sur un bateau qui ne craint pas la tram". 15000 €. L'unique photo présente un voilier fuselé, serti de deux liserés verts, sagement arrimé à sa place de port. Le nom du modèle n'a rien de poétique : "Contention 33"... J'aime surtout la mesure : 9,98m. Plus grand que ce que l'on a vu jusqu'à présent. Il faut croire que Tom a flairé quelque chose : même s'il est tard et que je me désintéresse vite de cette trouvaille, il envoie un email au propriétaire pour caler une date de rencontre.

20 janvier 2008

Cotre acier marseillais

Nous avons du mal à maintenir notre motivation. Tom s’inquiète de ne pas trouver quelque chose de sérieux dans notre petit budget avant longtemps. Nous sommes fatigués par les recherches non stop, l’esprit tendu vers le seul objectif d’écumer Internet dans l’espoir de trouver notre bonheur. Mais si nous voulons partir au mois de juillet, nous n’avons que six mois avant le départ ! Il faut donc le trouver ce voilier, histoire de pouvoir le préparer correctement…

A chaque fois que nous abordons la question avec notre entourage, qu’il s’agisse d’un interlocuteur plus ou moins familier du milieu marin ou d’un total novice, c’est le même étonnement : « 15 000 € ??? Mais à ce prix là vous ne trouverez qu’une ruine pour la taille que vous recherchez ! ». Mauvaise passe. Je me dis qu’il faut tenir et que ça risque de ne pas être la première, de mauvaise passe. Tom a seul l’angoisse du choix, le poids de la vigilance, étant donné que moi, je n’y connais rien, même si au fil des visites je m’améliore. J’ai un peu l’impression de ne servir à rien sur ce coup, si ce n’est à remonter le moral des troupes.

Cet après-midi, nous allons à l’île du Frioul visiter un grand cotre acier de 11 mètres. Au prix auquel le bateau est annoncé, nous ne nous faisons guère d’illusion… Effectivement, le bateau ne semble pas convenir à un projet comme le notre. Il est entretenu sans zèle et la rusticité du moteur, l’état de la coque, le pied de mât plein d’électrolyse ne nous inspirent pas. Le temps de boire le thé avec les vendeurs et nous reprenons le chemin du retour. Pas de grande découverte pour aujourd’hui ! Que sera, sera…

Acheter un bateau : la délicate question des questions à se poser

Acheter un voilier d'occasion est une opération délicate. Sinon risquée côté investissement, l'aventure peut aussi prendre un tour compliqué lorsqu'il s'agit de comparer entre eux des voiliers d'occasion de plus de vingt ans d'âge, qui plus est quant on les souhaite équipés pour la grande croisière... Je pense qu'il doit être encore plus difficile de s'y retrouver lorsque l'on n'y connaît absolument rien. Fort heureusement, ce n'est pas tout à fait notre cas puisque Tom possède tout de même de bonnes bases. Voici quelle a été notre démarche, au cas où cela puisse être utile à d'autres investisseurs en herbe non tout à fait spécialistes.
En premier lieu, déterminer le budget. Plus précisément au delà du prix maximum que nous souhaitons mettre lors de la transaction, ne pas oublier de rajouter le prix des aménagements annexes et autres rénovations. Pour nous, la fourchette se situe entre 12000 et 15000 euros. En effet en dessous de notre prix minimum, nous avons vite constaté que les bateaux à disposition relevaient plus de la ruine que de l'embarcation navigable. Ou bien, il faut être prêt à tout refaire, ce qui ne nous est pas possible puisque nous nous sommes données 6 mois, achat et préparation du bateau comprise. Ensuite, déterminer la taille du bateau. Nous concernant, nous savons, au regard de notre projet, que nous ne pouvons descendre en dessous des 9 mètres. S'offre donc à nous une ribambelle de voiliers des années 70, parmis lesquels figurent en bonne place les Arpège, Folie Douce, First 30 et autres Brin de Folie...
Ensuite, deux stratégies sont possibles : soit voir un peu plus large sur le budget, disons, jusqu'à 20 000 euros, en comptant sur une négociation osée, soit on se cantonne à la tranche des 7500 € - 15000 € (tranche qui comprend vous vous en doutez beaucoup de déchets). Nous avons pratiqué les deux avec plus ou moins de bonheur, mais nous nous sommes tout de même aperçus que les estimations des vendeurs variaient considérablement. Parfois, le prix proposé est largement au-dessus du prix du marché pour l'état du voilier présenté, et là la négociation ne sert qu'à revenir à un prix correct, parfois le prix proposé est juste et finalement la négociation sera presque impossible en dessous d'une certaine marge. Même si nous décelons tout de même une tendance des particuliers à proposer un prix "affectif" (= élevé) pour leur bateau, les professionnels ne sont pas en reste pour partir sur des estimations douteuses.

En dehors des considérations de prix global, se pose ensuite un ensemble de questions dont la première est sans doute : quel type de coque ? Il existe sur la toile un nombre impressionnant de débats sur ce point dans les forums spécialisés. Nous aurions bien aimé une coque en acier ou en aluminium, pour la solidité et le côté aventureux, mais dans notre temps de recherche aucune bonne occasion ne s'est présentée. Nous nous sommes donc rabattus sur la bonne vieille coque polyester. TOUT LE MONDE vous dira de vérifier en tout premier lieu que celle-ci n'est pas OSMOSEE (cette vérification ne peut se faire qu'en sortant le bateau de l'eau, ce qui vous en coûtera, outre une centaine d'euros, une bonne séance de Kärcher / grattage et scrutage des petites cloques). Ensuite, vient la question de l'âge du moteur, de sa marque, de son nombre d'heures en marche, de la qualité des gréements (courants et dormants), de l'état des voiles, et de tout un ensemble d'équipements que nous avons à chaque fois considéré comme des valeurs ajoutées (pilote automatique ou non, sondeur, radar, BLU / Navtex, GPS, équipements de sécurité (balises satellite), panneaux solaires, et autres). Bien sûr, AUCUN des navires visités ne possède tout, dans notre prix. Ce serait trop facile. Il faut donc composer. Nous avons de fait réalisé une petite liste des points de vérification, liste que nous décidons d'emporter à chaque visite. Les vendeurs en général se plient avec patience à notre déroulage de questions. Ensuite, nous nous sommes bricolés, en annexe, une petite étude de marché maison avec le coût potentiel des différents équipements à installer.

19 janvier 2008

Radar à saisir

Nouveau weekend de visites. Un samedi décevant (visite de deux Folie Douce, dont un en ruines, et un First 30), aucun des voiliers visités n’est réellement sorti du lot. Il y a toujours un détail ou un aspect plus significatif qui sont rédhibitoires. Tom attendait beaucoup du First 30. Le propriétaire nous avait proposé un tour en mer. Malheureusement, un problème impromptu de moteur ne nous a pas permis de quitter le port. Pas moyen d’enclencher la marche avant, ni même la marche arrière. Nous avons peiné 20 minutes à empêcher le bateau de cogner contre les autres bateaux à coups de gaffes et à la force des bras. Même si le problème n’est peut-être pas si grave, ce n’est pas rassurant.

Seul bon point de la journée de samedi : nous avons investi dans notre première pièce de voilier ! Un radar Furuno 821 en excellent état, que nous sommes allés chercher à côté de Marseille.

15 janvier 2008

Annonce de disponibilité

Aujourd’hui j’ai fait le grand saut. J’ai annoncé mon intention de poser une disponibilité de un an à mon chef de service, puis à mon directeur. J’étais très angoissée de savoir quel accueil ma nouvelle allait recevoir. J’ai été bluffée. C’était, pour l’un et pour l’autre, l’enthousiasme. « Il faut le faire tant que vous n’avez pas d’enfants… C’est un beau projet personnel, en aucun cas nous ne nous y opposerons… Cela ne nous facilite pas la tâche au niveau de l’équipe, mais on trouvera une solution. A certains moments, il faut savoir privilégier la vie personnelle… ». Je crois rêver. Ce jour là, j’ai vraiment envie de leur dire merci. C’est dans des moments comme celui-là que l’on a besoin de soutien. Je me sens ragaillardie mais un sentiment étrange me saisit : plus question de revenir en arrière maintenant ! Il faut le réaliser ce projet ! Pas toujours évident de se jeter à l’eau. Je goûte aux premiers parfums du risque et du doute : n’est-ce pas pure folie ? Il faut à présent louer l’appartement, trouver un maître adoptif pour le chat… Et si on n’y arrivait pas financièrement ?

Une longue discussion avec Tom le soir me permet de décompresser en trinquant à cette belle perspective d’obtention de disponibilité.

13 janvier 2008

L'art de réaménager un intérieur

Un seul bateau à voir pour aujourd’hui. C’est un Karaté NV de 1977. Très peu de détails sur l’annonce. Le bateau est au port de Gruissan. Ce dimanche il fait gris, froid et il y a du vent.

On retrouve le propriétaire au ponton. On fait le tour des extérieurs : gréement courant et dormant en bon état, pied de mât OK, moteur satisfaisant, grand voile correcte. Seul hic : pas d’enrouleur de génois. Tom échange avec le propriétaire sur son inquiétude face aux étais largables. Il y a bien une trinquette dans le jeu de voiles, mais on se sent un peu désœuvrés au niveau de la pratique. Et si le vent fraichit vite ? « C’est évident qu’il faut être vigilant, il faut anticiper un peu plus » nous informe le vendeur. On passe à l’intérieur. C’est une excellente surprise. Le propriétaire est du métier, il a entièrement repensé l’aménagement intérieur. Au lieu du couloir central, carré, toilettes et placard au fond juste avant le triangle, on a un bel espace ouvert jusqu’au fond. Le coin WC est déplacé à l’avant derrière une petite porte en lambris blanc et forme une mini-chambre avec la couchette du capitaine. La cuisine est spacieuse. On respire. C’est la première fois que je me dis « Sur ce bateau, je me sentirais bien d’habiter pendant un an ». Nous discutons encore un long moment avec le propriétaire. Il navigue sur ce bateau depuis 11 ans et n’est pas un amateur. Sa franchise et son jugement nous rassurent. Comme à chaque fois, on explique notre projet. Cela nous permet toujours d’avoir des éclairages plus précis, et comme à chaque fois, un « De toutes les manières, il faut le faire votre projet » sonne comme un encouragement de plus à nous lancer dans l’aventure.

12 janvier 2008

Folie Douce : Est-ce bien raisonnable ?

Nous avons passé la semaine à éplucher les petites annonces de voiliers à vendre dans la région. Aujourd’hui nous avons rendez-vous avec P. qui possède un Folie Douce de 1973. Sur l’annonce, il apparaît bien équipé, et le prix défie tout concurrence… Le voilier est à quai sur le canal jouxtant le port de Frontignan. Les voiles sont en bon état, le génois est récent, il y a plein d’accessoires que P. cède : deux moteurs d’annexe, un panneau solaire, trois batteries, un pilote automatique, un Navtex et même un radar… P. a procédé lui-même à un carénage « à nu » en 2007 avec plusieurs couches d’époxy. Première immersion dans le débat sans fin sur l’osmose. P. est un sacré phénomène : il se sépare de son bateau à regret à cause de problèmes familiaux. Il vit en fait à bord depuis un moment. A l’intérieur, c’est difficile de se faire une idée : le bateau est sans dessus dessous. Pas évident de repérer les différents points de contrôle dans ce joyeux bordel. « Un de plus où il faudrait tout refaire » me dis-je. La visite terminée nous laisse un sentiment mitigé. Tom est intéressé par tout l’équipement et le gréement récent, mais la situation difficile du propriétaire nous conduit à douter sur l’entretien du bateau au cours des derniers mois. Reste la question du Folie Douce. Si Alain Barinet ne nous avait pas enthousiasmé avec son aventure sur le « Popote », on aurait un peu tendance à considérer ce modèle comme la Twingo des 9-10 mètres des années 1970. Or on aspire quelque part à trouver la bonne Volvo des mers, rustique mais de construction solide.

Les deux autres visites de la journée, respectivement un Arpège et un Gib Sea 90 + « régate », chez un concessionnaire de la Grande Motte, ne sont pas concluantes.

8 janvier 2008

Sloop vermillon

La fin de semaine morose côté météo, où pluie et grisaille sont venus gâcher nos derniers jours à la montagne, nous encourage à reprendre le chemin de Montpellier somme toute contents. Nous avons prévu aujourd’hui de visiter le premier voilier de notre liste : un sloop acier de 1974 rouge de 9 mètres, qui se trouve au port à sec de Frontignan. La propriétaire doit partir sous peu en Australie, le prix a été sans cesse revu à la baisse depuis quelques mois. Une fois au port, qui est de taille modeste, on repère assez vite la coque vermillon qui se distingue des pâles polyesters en cale sèche. Nous sommes pleins d’entrain, galvanisés par cette première visite et ce rouge pétant qui nous réchauffe les pupilles. Les clefs du bateau ont été laissées au comptoir d’une boutique ce qui nous autorise à voir l’intérieur en l’absence de la propriétaire. Mais une fois entrés… c’est un peu la déception : intérieur très spartiate, minimum d’aménagement et de confort, isolation / étanchéité douteuse… « Il ne faut pas s’arrêter à ça, l’intérieur, ça peut être tout refait, il faut voir le potentiel » me suggère Tom. On reste un long moment. Si bien qu’une passante en vélo s’arrête et nous interpelle : « Alors, vous l’avez acheté ? ». On apprend vite que cette dame habite sur un voilier de 14 mètres un peu plus loin avec sa petite famille, dans l’attente de mettre les voiles pour un long voyage autour du monde… Elle nous invite à prendre le café. Nous finissons d’ailleurs la visite avec un autre habitant du port, Jean, qui lui aussi vit sur son petit voilier depuis des années. Il inspecte la coque, nous fait remarquer un ensemble de petits détails que son œil aguerri sait déceler, là où le notre aveuglé par le coup de peinture écarlate n’a finalement rien vu. Ces échanges sont précieux et nous déchantons assez vite. Ce bateau n’est peut-être pas une excellente affaire. Le café offert par Yvette nous réchauffe le cœur et nous encourage à poursuivre notre projet : après tout eux le font, tout lâcher, partir, et en plus en famille. Deux propriétaires de voiliers qui passaient par là se joignent à nous. On évoque les plus et les moins des coques en acier (celui de Yvette, un superbe 14 mètres suréquipé, en est un), qui ont semble-t-il leurs partisans affectueux et leurs détracteurs ironiques. Le petit monde des ports m’apparait tout de suite chaleureux et j’aspire sincèrement à le connaitre un peu mieux.

1 janvier 2008

L'équipage

Qui sont donc les heureux équipiers prêts à embarquer sur Grégal 7 pour une année sabbatique à la voile ?
Il y a Aude, 28 ans, et Tom, 31 ans.

Aude a fait le choix, à l'issue de ses études en sciences politiques, d'investir ses compétences pour l'intérêt général et non pour le Grand Capital. Elle a donc opté pour la branche du non marchand, et plus précisément du service public. Au départ, l'idée était de travailler dans les politiques environnementales au niveau local, mais son premier poste titulaire a été dans la formation professionnelle, au Conseil Régional du Languedoc-Roussillon, à Montpellier. Sa demande de disponibilité pour partir un an intervient deux ans et demi après son entrée en poste.
Tom est ingénieur en informatique. Il est aujourd'hui programmeur dans le service R&D d'une société américaine leader dans le secteur de la mesure dans les sciences de la vie, la chimie et l'électronique. Il travaille lui aussi à Montpellier. La société qui l'emploie a proposé à Tom une année sabbatique "gracieuse", car cela fait moins de deux ans qu'il travaille dans cette entreprise.

Aude aime les sushis (les faire puis les manger), les bivouacs en montagne, l'air humide de l'Angleterre et ses pubs rétros avec des armoiries, le cinéma en VO, jardiner sur douze mètres carrés et aller dans des endroits qu'elle ne connaît pas. Elle n'aime pas les hommes d'affaire en costume gris, s'enterrer en snowboard dans une cuvette de poudreuse, les grosses voitures qui polluent et le fatalisme défaitiste.
Tom aime les logiciels libres, compiler le dernier kernel Linux, faire la vaisselle, le snowboard et sa petite station de ski natale de l'Alpe du Grand Serre, le génépi (le ramasser et puis le boire), et les gnocchis. Il n'aime pas aller au boulot en vélo sous la pluie quand Aude a pris la voiture, se lever le matin, les gens vénaux, la routine au boulot, les bons Bourgognes malencontreusement bouchonnés.

Tom a grandit avec la voile et Aude espère que son apprentissage de la voile la grandira. Ils sont tous les deux en quête d'aventure, de couleurs, de rencontres, de petits verres de rosé frais sirotés au mouillage, de rupture avec le quotidien.