25 juillet 2009

La vie "facile"...

Il n'est jamais évident de se réintégrer en société après un an de navigation sabbatique, vous êtes nombreux à vous vous en être douté et à nous avoir demandé des nouvelles de notre acclimatation dans notre nouvel-ancien environnement. Sans doute s'imagine-t-on un retour atroce peuplé de coups de spleen, de doutes et de cauchemars. Dieu merci nous n'en sommes pas (encore) là. Pour l'instant, le retour à une existence traditionnelle ne paraît pas plus compliqué, sur le coup, que de larguer les amarres pour un an. L'adaptation est un phénomène subtil. C'est toujours avec un temps de retard que, passée la surprise du changement, viennent les premiers désagréments. Voilà donc où nous en sommes depuis que Grégal a retrouvé sa place de port et nous notre appartement montpelliérain...

En une semaine, nous n'avons eu que très peu de temps morts dans notre nouvelle vie, ce qui semble être un bon dérivatif pour ne pas trop penser à feu-notre-belle-vie-de-bohème... Alors, que peut-on apprécier, de retour sur la terre ferme, me direz-vous ? Bien sûr, il y a eu les retrouvailles avec les proches. Bien sûr, il y a eu la joie du confort moderne, avec salle de bain, télé, Internet à la maison, frigo. Mais c'est comme si un petit quelque chose n'était pas tout à fait comme avant.

D'abord, quand on ouvre le robinet, on ne l'ouvre pas en grand, comme si toute cette eau qui s'échappe au rebut nous faisait un petit coup au cœur. Aujourd'hui, on ne cherche plus la pompe d'eau de mer du pied mais on se dit qu'il est bien dommage d'utiliser de l'eau de premier choix pour bien des taches ménagères. Ensuite, autre attrait incontournable de la vie "facile" : le frigo. Après l'avoir branché nous avons observé, ébahis, la formation d'une mince couche de givre dans le compartiment congélateur. Puis nous avons entrepris de le remplir. Alors que notre caddie nous paraîssait empli de denrées fraîches, quand on les a disposées dans le frigo, il restait encore un maximum de place. Phénomène inexplicable au demeurant car il est bien connu que chez tout ménage moyen, le frigo manque toujours de place. Ensuite nous avons dû, et c'est peut-être ce qui a été le plus délicat, augmenter notre vitesse moyenne de fonctionnement. En bateau, au fil des mois, nous étions devenus lents. Très lents. Très calmes. Sans vraiment s'en rendre compte. De retour dans la civilisation, les gens autour de nous nous ont paru très rapides. A l'hypermarché, nous avons été pris de vitesse. L'impression d'être catapultés dans une fourmilière. Pour autant, nous ne nous sommes pas départis de notre flegme. Nous avons survécu à l'épreuve avec brio. Pas même une migraine en sortant. Idem en ville. Les soldes : vous imaginez la frénésie dans la ruche ! On y a survécu aussi. Quel talent.

Finalement ce qui nous marque le plus, dans la "vie facile", c'est de ne plus rien à avoir à surveiller, en tout cas rien qui ne soit directement lié à notre survie. Pas d'inquiétude sur l'approvisionnement en eau ou en énergie, pas d'angoisse sur la sécurité de notre habitation, pas de nécessité de prendre la météo à chaque déplacement, pas d'inquiétude de disparaître en mer sur le coup d'une mauvaise chute, pas d'obligation de veille à un mille à la ronde ni d'écoute permanente des bruits qui nous entourent. En fait, la "vie facile" est une vie dépourvue de tout danger potentiel. C'est sans doute ça qui rend les gens plus désœuvrés qu'ils ne le seraient dans une vie plus "sauvage". N'avoir à se préoccuper de rien qui soit en lien direct avec sa survie. Reporter donc l'inexistence du danger sur des externalités non indispensables : le boulot, la crise, l'inflation, les impôts, le gouvernement... Serait-ce là la secrète origine des dépressions et autres stress chroniques ?

En tout cas, notre vie de (presque) bons sauvages en mer, toute dangereuse et compliquée qu'elle fût, nous a insufflé, en un an de vie, un flegme inouï. Un calme intérieur inébranlable. Mieux que 15 jours de méditation chez les moines. Plus aucun petit pincement au cœur d'angoisse, plus aucune pensée noire non indispensable, plus aucune rumination stérile. Nous sommes zen. Pour vous donner une échelle, multipliez par cent le "bénéfice" que vous procurent 3 bonnes semaines de vacances estivales. La question qui demeure est : combien de temps allons-nous le rester ? Combien de temps va-t-il falloir à la société pour nous avaler à nouveau dans son tourbillon ?

19 juillet 2009

Ils étaient là !

Mercredi 15 juillet 2009, 15h30 : il fait un temps superbe, Tom et moi arrivons tranquillement sous voile vers le port de Gruissan... Il y a beaucoup de voiliers autour de nous, ça circule dans tous les sens et on regarde les allées et venues de plaisanciers d'un œil un peu distant puisqu'on se dit que dans quelques minutes, nous sommes à terre et que c'est ici que se termine le GAT 2008-2009. Tout à coup, un très bel Océanis 411 bleu outremer décide de se lancer dans un virement de bord un peu aproximatif juste sous notre nez. On manque de s'étrangler mais on prend sur nous pour ne pas faire les aigris. On ne va pas commencer à peine arrivés, non ? Pour preuve, le capitaine, très zen, ne lui manifeste même pas un geste d'exaspération. Les deux personnes à bord nous font coucou. On répond mollement en se disant que la Méditerranée, c'est du grand n'importe quoi. Puis l'un d'eux nous exhorte à aller sur le 8 à la VHF. Tom descend, à la limite de l'énervement, et essaye de le contacter. Entre-temps le voilier est passé devant nous et on aperçoit son nom : "Quizas". Quizas, ça nous dit bien quelque chose, puisqu'un des inscrits du blog porte ce nom... C'est alors que surgissent en hurlant les passagers clandestins du Quizas - demeurés jusqu'alors cachés à l'intérieur. Voilà notre comité d'accueil surprise ! Cécile, Marie, Nico, Carla et Ollia enfoncées dans leurs petits gilets, ainsi que Peter (qui possède le Quizas) et Paul nous font des signes à s'en décrocher les bras. On est super émus, d'autant plus qu'on ne s'y attendait pas du tout !

Peter nous escortera jusqu'à notre place de port (la fameuse qu'on loue depuis un an mais qu'on n'a vue qu'une fois, le jour où on est venus acheter le bateau puis qu'on l'a transféré au chantier de Sète). C'est moi qui me colle à la manœuvre. Impeccable. Je jubile. Fanny et Gégé sont là sur le quai pour nous aider à nous amarrer. Puis arrivent Mick, Lorène et Naële et Kim et Nico, Danielle et Simon. On s'embrasse. Tout ça fait beaucoup d'émotions pour nous qui sommes flappis avec tous ces jours de près et de moteur dans les pattes.

On est en train de déguster une bonne bière fraîche à bord quand arrive notre maitre à tous : Grégalfan (Daniel), la banane aux oreilles, accompagné de sa famille. Il fait le tour de Grégal - qu'il n'a pas revu depuis la vente - et, contre toute attente, ne le trouve pas si changé ! On sort le matos pour les ti-punchs. C'est la fête. Une autre surprise nous attend : Peter nous invite tous chez lui à son chalet sur pilotis de Gruissan (vous savez, là où a été tourné 37°2 !) pour un barbecue d'accueil. On est ravis. La soirée est super. Grégalfan fait pêter le champagne et le plateau de fromages digne des Frères Troisgros. On a droit à deux discours si chaleureux qu'on se sent comme des héros. Peter est le meilleur des hôtes qui soit.

Merci à tous pour cette arrivée inoubliable !

Et bien sûr, merci aussi à vous tous, qui nous avez suivis sur le blog pendant toute la durée de notre périple, merci pour tous vos commentaires réguliers, pour vos encouragements, merci de nous avoir fait rire et nous nous avoir témoigné votre confiance et votre intérêt renouvelé, merci d'avoir fait vivre le GAT, merci de nous avoir donné une raison de mettre à jour nos billets aussi souvent que possible et une motivation sans faille pour squatter les réseaux wifi de toute la Caraïbe !


Ceci n'est pas le dernier post, nous avons encore en stocks quelques petits bonus :)

PS: Si vous avez des photos, faites les passer qu'on les mette en ligne.

15 juillet 2009

20 milles

Arrivée aux alentours de 15h30 !

14 juillet 2009

78,9 milles de l'arrivée

La stratégie d'hier a payé. En attrapant un vent d'ESE frais, Grégal a bombé toute la nuit : 70 milles plein cap en moins de 12 heures. Par contre depuis ce matin c'est pas la même. On a tiré des bords dans la brise NNE dans le nez, entre 3 et 4 nœuds, jusqu'à ce soir ou l'on approche du cap de San Sebastian au moteur.
Reste à parcourir : 78,9 milles.

Arrivée prévisible demain en milieu/fin d'après midi ! Wouhou ! :)

13 juillet 2009

C'est mou tout ça, mais on arrive !

Hier nous étions pourtant partis sur les chapeaux de roues, en bluffant tous les bateaux de plaisance autour de nous. En 2 temps 3 mouvements le spi était envoyé et nous avancions fond de caisse. Rapidement le vent a tourné au ENE, donc du près pour nous. Puis NE... On a tiré des bords toute la nuit alors que la météo nous prévoyait un vent ESE. Nom d'un chien ! J'ai repris donc un grib vers les 3 heures du mat. Pas très cool : une minuscule dépression se creuse juste au dessus de Majorque et du coup en remontant vers le Golfe du Lion en passant à l'Ouest des
Baléares on est inexorablement rabattus sur les côtes espagnoles par des vents d'Est. Résultat des courses on a dû tirer un grand bord sur 50 milles plein Est en direction du Nord de Majorque pour pouvoir remonter ensuite des vents plus favorables (ESE). Passé la pointe Nord-Est de Majorque (ce soir), on refera du cap en tirant encore légèrement plus à l'Est d'une dizaine de degrés (si possible) histoire de ne pas se retrouver dans la pétole ou encore pire avec du NE en plein dans le nez.
Sinon la mer c'est du grand n'importe quoi : une sorte de pseudo houle timide de l'Est, très courte, limite déferlante par moments ?!? Le tout dans la pétole bien sûr... On s'est pris un seau d'eau par le hublot avant, ça m'a foutu en rogne !
Ouh la capricieuse Méditerranée !

Bref, on a donc bien fait de partir en prévoyant large ! Reste à parcourir à 19h30 (Heure locale française) : 198 milles. Si on ne se prend pas du Nord au passage du cap Creux (comme annoncé dans le grib) on pourrait bien arriver le 15 dans l'après midi.

11 juillet 2009

A la vôtre !

Amis du Grégal, après un an d'aventures sur l'eau nous voilà presque de retour sur le plancher des vaches ! Vous tous qui nous avez suivi sur le blog, timides visiteurs comme fidèles commentateurs, familles, amis, collègues, soyez là le jour de notre arrivée pour de chaleureuses retrouvailles autour d'un interminable apéro ! Objectif : vider les cales remplies de Rhum !
Evidemment, tout bon navigateur ne vous donnera jamais une heure exacte d'arrivée. On ne faillira donc pas à la règle. Néanmoins on prévoit une arrivée au port de Gruissan le 15 juillet en milieu d'après midi (si les vents nous sont favorables) après 300 milles de traversée depuis Formentera aux Baléares.
Rendez-vous donc au ponton D place 51 (GregalFan tu confirmes que c'est la bonne place ?). Suivez le blog pendant ces derniers jours, nous y préciserons notre heure d'arrivée.

A très très bientôt ! :)

Mare Nostrum nous a trompés (l'arrivée à Formentera, Baléares)

Allez, j'étais allée un peu vite en besogne dans l'apologie lyrique de cette bonne vieille Méditerranée. En quittant Estepona, la météo nous prévoyait pour deux jours un bon vent de Sud-Ouest entre 15 et 17 nœuds. Nous nous sommes réjouis. Nous avons été deux gros naïfs. Nous avions oublié qu'ici, le grib météo indique au jugé, à l'inspiration, à l'à-peu-près. Ici, c'est la Méditerranée et ses caprices de madone. Nous l'avons eu notre S/O, certes, mais pendant une demi journée. Ensuite... Vous ne devinez pas ? La pétole. La bonne vieille pétole méditerranéenne, avec pas un souffle, et, inévitablement, le moteur. Pour accompagner cette dramatique dévente, une jolie petite mer bien hachée, houle rapprochée erratique et fatigante... Grégal se remet à rouler, on se prend à revivre la traversée de l'Atlantique aller, mais non, à 15 milles, nous aperçevons les côtes espagnoles. Tom peste. Ca fait bien longtemps que je ne l'ai pas entendu pester en navigation.

Corneguidouille ! Nous n'allons pas nous laisser mener par le bout du nez par la Petite Bleue et ses minauderies de starlette. Toutes voiles dehors bien qu'au moteur, nous ouvrons l'oeil, surtout la nuit, et dès que la grand voile se creuse un peu plus, que le génois tire sur son écoute, que la brise soulève notre pavillon, que l'éolienne se résout à tourner mollement, on coupe le moteur. Et on regarde Grégal l'artiste tirer partie de 9 noeuds de vent au bon plein. On taquine les 5 noeuds de vitesse. C'est une prouesse. Ce qu'il y a de chouette, c'est la lune, pleine, et la visite nocturne des dauphins. Ils sont devenus ma nouvelle passion en un an de visites impromptues et joyeuses.

En alternant voile et moteur, on arrive poussivement à rejoindre Formentera. A dix milles des côtes, on manque de s'encastrer dans un petit chalutier qui nous fonce dessus à toute vapeur. On le regardait s'approcher en face de nous depuis 10 minutes, on pensait qu'il nous avait vus comme le nez au milieu de la figure vu que nous étions les deux seuls bateaux en mer. On le regarde s'approcher en se demandant quand il va bifurquer, vu qu'on est sous voiles. Que dalle ! Au dernier moment, on doit enrouler le génois et abattre de 20 degrés pour ne pas nous le prendre. Les deux seuls cocos à bord sont à l'arrière en train de ranger leurs filets. Ils lèvent la tête quand ils passent à 5 mètres de nous. Personne en cabine. La dulce vida. Tom repeste. C'est mauvais signe.

L'entrée de la marina de Formentera est hypra fréquentée en cette haute saison. Les navettes Ibiza-Formentera, les glass-bottom boats, les énormes yachts, les petites vedettes à moteur et les voiliers se bousculent dans la plus parfaite anarchie. Un tel avance en marche arrière, l'autre est planté au milieu, gênant le ferry qui sonne sa trompe à tout va, sans compter le balai des annexes qui surgissent de toutes parts. On est directement orientés par la marina sur une place libre. En fait, des places libres, il y en a pléthore. C'est louche. On est aidés par un gars du port, lunettes noires, polo blanc, casquette blanche, baggy short et micro-casque. En regardant bien, il y a des gars du port de partout. On se croirait sur le plateau d'Ardisson. Tom part faire les papiers. Il revient 10 minutes plus tard : "On se casse !". Je ne lui demande même pas pourquoi, ça tombe sous le sens quand on regarde le mouillage bondé à l'extérieur du port. On aurai dû se méfier davantage. Ici, c'est 120 euros la nuit. Du délire. Même à Palma de Majorque où ils ne nous avaient extorqué "que" 50 euros, on trouvait ça indécent.

On va donc au mouillage. En arrivant d'une nav' de 15 jours, c'est compliqué. Tout est rangé. Il faut ressortir l'ancre du coffre du cokpit, sortir le moteur d'annexe enfoui à l'intérieur sous les voiles, gonfler l'annexe, se rendre compte qu'une des rustines a lâché, la recoller, attendre pour regonfler et constater que ça fuit encore. Tom peste non-stop. "Ah ça, c'est bien la Méditerranée ! Non mais c'est pas croyable !". Heureusement, au mouillage, on est bien. Ca nous rappelle les Antilles. Et puis, le coin est assez joli. Par endroits, on a des patches d'eau turquoise pour contraster avec le bleu profond. On se sert un ti-punch, et on arrive finalement à se détendre.

Aujourd'hui, on profite de la journée pour ranger le bateau. Les grandes lessives, l'avitaillement, et le ménage. Le rituel d'arrivée de traversée auquel on est habitués. Mais celui-là, il a déjà un goût de rentrée. L'avitaillement se réduit à trois tomates et de l'eau minérale, les vêtements propres seront bien pliés et rangés dans les placards pour être évacués sous peu. Le ménage sera pour remercier Grégal de sa fidélité sans faille, et pour qu'il patiente mieux, tout propre, entre deux sorties.

Détroit de Gibraltar


Capitaine Aude enchaîne les empannages à une vitesse moyenne de 7.5 nœuds dans le détroit de Gibraltar. Pendant ce temps je pionce profondément, confiant. :)



7 juillet 2009

Estepona (côte Sud Espagnole) -> Baléares

Nous voilà bien ragaillardis par une longue nuit de sommeil. Ici, la chaleur est suffocante, et le souffle d'air chaud qui descend des montagnes désertiques alentour ne contribue qu'à nous recuire sous le soleil brûlant. Quel contraste avec la verte fraîcheur des Açores ! Estepona est trop artificielle, avec ses barres d'immeubles oranges et ses bar lounges à la pelle. Nous repartons aujourd'hui vers les Baléares, qui sont à 340 milles, soit 3 jours de navigation. De là, nous ne serons plus qu'à un peu plus de 300 milles de Gruissan, soit encore 3 jours.

Merci pour tous vos messages et encouragements qui nous réchauffent le coeur et nous aident à tracer notre route sur le chemin du retour ! Effectivement, nous essayons de positiver et fourmillons de projets nouveaux pour éviter à tout prix de tomber dans un petit train-train ennuyeux. Mais je concluerai sur une citation de Mischka (voire le post afférent sur le personnage), encore elle, qui disait, ô combien à juste titre (ce qui illustre bien notre difficulté de sortir du voyage) : "le regard que nous portons sur notre quotidien prend une toute autre signification quand ce que les autres appellent "vacances" devient pour nous "la vie""...



6 juillet 2009

Transat retour Açores - Gibraltar : J+8

Il est minuit et je surveille, depuis l'extérieur (on n'est jamais trop prudent et l'entrée du Détroit exige une veille constante), le balai incessant des cargos qui croisent autour de nous. Tout à l'heure, nous avons dû nous dérouter au dernier moment. On croit toujours que ces géants nous ont vu, qu'ils vont changer de cap à la dernière minute pour nous passer négligemment sous le nez à un mille, mais certains, que dalle, ne bougent pas d'un iota. C'est là qu'un AIS est utile, pour les appeler par leur petit nom et leur immatriculation et se rappeler à leur bon souvenir quand ils font mine de nous ignorer. La lune est quasi pleine, ce qui est rassurant, et je regarde évoluer les petites lumières blanches, rouges et vertes qui déambulent autour de nous, un œil sur le radar.

Demain matin, nous passerons Gibraltar, et retrouverons la Méditerranée ! Ahhh... La Méditerranée ! Son soleil, son accent, Marseille, la Madrague, Sète et Colioure, l'aïoli et la bourride, la criée, l'anchois, les pins et les oliviers, les sardines ! La garrigue, la lavande, les cyprès et le thym, Rhodes, Ephèse, Carthage et Santorin ! Trois mille ans d'histoire autour d'un bassin bleu dans la lumière blanche, les rues pavées, les villes romaines, la tapenade, les dolmas, les demis en terrasse !

Déjà Tanger se rapproche et l'on croit presque entendre le fourmillement du souk, sentir la coriandre, le cuir et le cumin, l'agneau et le jasmin, le thé à la menthe fumant...

Nous aimons la Méditerranée et l'Atlantique, ce grand Océan, superbe et mille fois renouvelé, s'il nous a émerveillés, inquiétés et surpris, ne nous manquera pas tant. Finis la marée, la houle de 6 mètres, les courants, les Alizés, les grains ! Finies aussi les barrières de corail, le sable rose et les tortues, me direz-vous, mais toutes les bonnes choses ont une fin. La chaleur de l'Afrique toute proche nous réchauffe à nouveau. Les cirés et les pulls marins retournent au placard. Le plus difficile, au fond, ce qui nous arrache le cœur, c'est de devoir nous préparer à perdre notre liberté chérie, qui nous manquera soit dit en passant, bien plus que les cocotiers.

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Tout allait pourtant si bien dans le détroit ! Tom parti se coucher, j'enchaînai avec verve les empannages pour progresser dans la bande Sud du Détroit de Gibraltar au grand largue par force 4-5 Bft à plus de 7 nœuds (la circulation dans le Détroit est très réglementée et surveillée : les bateaux qui sortent vers l'Atlantique doivent naviguer dans la bande Nord côté Espagne, ceux qui entrent en méditerranée doivent rester dans la bande Sud côté Maroc). J'étais presque arrivée au bout, il ne restait plus qu'à tracer une longue diagonale direction l'Espagne à la sortie du Rocher, quand le capitaine s'est réveillé. Il a été très fier de mes manœuvres réussies de capitaine-en-second. Sauf que, manque de pot, à peine était-il debout depuis 10 minutes que le vent a forci dramatiquement. Les départs au lof devenaient difficilement maîtrisables avec 2 ris. On était réduits à prendre le 3e en urgence. C'est là qu'au moment de rehisser la grand voile, la drisse nous lâche ! La voile reste en bas et la manille vient se coller en tête de mas, comme pour nous naguer... Heureusement rien de grave, juste une manille défaite, mais du coup, plus de grand voile.

On a continué au génois seul dans un vent à plus de 35 noeuds pour rejoindre le port le plus proche après Gibraltar, à savoir, Estepona, pour pouvoir : 1) profiter d'une bonne nuit à terre, 2) remettre notre grand voile en état de marche.

20h : On était installés à la terrasse d'un petit resto en train de regarder passer la faune des vacanciers du coin, sur son 31 (Marbella, le St Tropez espagnol, est toute proche), à moitié chic, à moitié beauf'... Mais quel plaisir quand même de poser le pied à terre !