Tout le monde ne connaît pas forcément l'ambiance si particulière qui flotte dans les établissements bien spéciaux que sont les marinas : moi-même, j'ignorais encore tout de leur fonctionnement il y a à peine quelques mois de ça. Aujourd'hui nous sommes en escale technique de moyenne durée à la Marina de
Bas-du-Fort,
Pointe-à-Pitre,
Guadeloupe, et c'est pour moi l'occasion de revenir sur la bouillonnante vie des marinas de plaisance.
Mais revenons d'abord au pourquoi de tout cela. Fanny retournée au pays, nous avons regardé notre planning des trois prochaines semaines bien en face et la vérité nue s'est imposée à nous comme une rondelle de citron vert dans un ti-punch : il nous reste en gros une dizaine de jours pour préparer Grégal à la traversée de l'Atlantique retour, et une petite semaine pour nous diriger vers Saint-Martin d'où nous projetons pour l'instant de décoller entre le 5 et le 10 mai direction Les Açores.
Concernant les escales techniques auxquelles pratiquement personne ne peut couper, n'importe quel plaisancier en croisière sabbatique aux Antilles vous le dira : point de salut si on ne passe pas par la case obligée de la marina du Marin en Martinique, autrement dit la Mecque du plaisancier francophone. En effet, la marina du Marin est fort bien pourvue en services nautiques en tous genres, chantiers, professionnels, shipchandlers, et que dire des possibilité d'avitaillement grâce à la présence de plusieurs grands supermarchés hard-discount ou pas, vous le voyez, rien ne manque, et certains iront même jusqu'à affirmer que le Marin est devenu le plus grand centre de services nautiques de toute la Caraïbe (peut-être même avant Trinidad). Sauf que nous, nous n'avons jamais mis les pieds au Marin, si ce n'est une journée en voiture avec Kim et Nico pour aller acheter un nouveau détendeur et dire bonjour à Gérard au passage (Gérard de Betty Boop qui nous avait passé le sien, de détendeur). C'est un peu notre fierté. C'est comme être japonais en vacances à Paris et ne pas aller voir la Tour Eiffel. Cependant, Grégal n'est pas le dernier en matière de réparations diverses et nous ne pouvions nous contenter de repartir sans le bricoler un peu. La flemme de redescendre en Martinique pour nous agglutiner aux milliers de voiliers mouillés là nous a donc conduits à essayer de tout faire ici en Guadeloupe.
A ce sujet, la marina de Bas-du-Fort n'est pas si mal faite que ça. On y trouve beaucoup de services et le chantier nautique regroupe des professionnels compétents, tous plus sympathiques les uns que les autres (un autre point dont nous traiterons plus tard : en Guadeloupe, même après 5 semaines de grève dure, les gens sont super aimables et avenants). Ça sera parfait pour nos travaux de carénage, de réparations diverses d'accastillage, de changement des deux derniers câbles du gréement qu'on n'avait pas pu remplacer à Grenade et autres. Car comme le dirait notre ami Wouter (ou Walter comme on l'avait noté dans un précédent post en nous méprenant sur l'orthographe) : "One day sailing, one day sightseeing, one day repairing" (un jour pour naviguer, un jour pour visiter, un jour pour réparer).
Mais revenons sur le concept de marina. "Marina" est le terme chic et moderne pour désigner ce qu'on appelait jadis "port" en Méditerranée. En réalité, c'est un peu plus compliqué. Les marinas sont des aménagements hybrides, à mi-chemin entre le port de plaisance, le complexe touristique hôtelier et le parc d'attraction, qui ont été construits dans les vingt dernières années tout au plus (nombreuses sont celles qui ont moins de 5 ans). En Méditerranée et sur la côte Atlantique française, les ports de plaisance se sont la plupart du temps greffés sur les ports de pêche ancestraux (eux-mêmes automatiquement accolés à un charmant petit village côtier) pour permettre le développement du tourisme de plaisance (ex : Saint-Tropez, Cassis...). Aux Canaries ou aux Antilles, les ports de pêche ne sont pas légion, ou en tout cas les villes côtières ne sont pas toujours équipées d'un port. C'est ainsi que sont nées les marinas, là où il y avait besoin d'une structure d'accueil pour les navires de plaisance et là où ne préexistait pas un port suffisamment développé pour accueillir les infrastructures. Les marinas sont donc souvent créées de toute pièce. Elles comportent dans pratiquement tous les cas : une capitainerie avec un toit en tuiles rouges, un local à poubelles, une station-service, de jolies petites allées blanches serpentant entre les palmiers, des sanitaires et une laverie automatique, une banque, des dizaines de restaurants à thème comme chez Disneyland Paris, des dizaines de boutiques de vente de t-shirt et de souvenirs pittoresques, un parc immobilier de locations saisonnières dans de jolis petits immeubles blancs avec balcon, des bars à cocktails et de faux-pubs irlandais branchés, un supermarché, un office du tourisme. Pour les complexes ultra-développés (cf. l'énorme "Marina Rubicon" à Lanzarote, Canaries), on trouve un casino, des salles de jeu, des bowlings, des boîtes de nuit, des traiteurs allemands, des dentistes, des coiffeurs de renom.
Les marinas sont souvent des endroits chics parce que les gens chics qui ont un gros bateau les affectionnent particulièrement (mais pourquoi diable laisser son bateau au mouillage sans eau courante ni électricité ??? On n'est pas des bêtes !). En effet, elles offrent, outre l'eau et l'électricité au ponton, le loisir d'aller au restaurant en arpentant les allées de palmiers chaussé de mocassins marines et de bermudas crèmes, sans se mouiller les fesses lors d'un trajet en annexe. Elles offrent aussi le loisir de déjeuner sur la terrasse du cockpit et se faire admirer par tous les badauds qui passent. Enfin, elles permettent d'avoir l'impression de vivre sur l'eau même quand le bateau ne quitte jamais sa place. Moi, j'aime bien les marinas, parce qu'elles donnent un peu l'impression de se promener à
Walibi. C'est toujours distrayant après plusieurs jours de mer ou d'ermitage dans des mouillages déserts. Cependant, ici à
Bas-du-Fort, nous n'avons pas pris de place au ponton. En fait nous n'en prenons jamais. Heureusement pour nous, il existe toujours, devant les marinas, des lieux de mouillages forains où l'on peut lâcher son ancre sans payer un
copec, et profiter des services de la marina en s'y rendant en annexe.
Voilà, ainsi avons-nous pris rendez-vous pour sortir le bateau de l'eau mercredi pour un carénage de trois jours : grattage complet de la coque, ponçage, et antifouling (en effet, notre précédent antifouling est pratiquement mort, remplacé par une moelleuse couche d'algues et de pousses-pieds : dur-dur les eaux tropicales). On a aussi trouvé, chez les shipchandlers du coin, un nouveau palan de hale-bas de la marque Lewmar en promotion (car modèle de l'an dernier) (notre ancien avait explosé dans un grain), on va faire refaire les deux parties basses des galhaubans et enfin, on a pris rendez-vous avec un professionnel pour une révision du moteur. En attendant, entre deux couches de peinture, nous aurons tout le temps d'aller prendre le petit déjeuner au bar-lounge du coin à la déco Buddah Bar qui fait zone wifi gratuite, puis laisser 10 kg de linge sale à la laverie, déjeuner au restaurant japonais, avaler une glace Haagen-Dazs sur le coup des seize heures avant de démarrer l'apéro au café créole "Le Pirate Caribéen" - déco bois flotté et déluge de plantes vertes - , avant de dîner au "Trésors de Rome", l'italien dont la façade peinte de bas-reliefs fleuris est ornée de moulures de plâtre en rosaces. Tout un programme.