30 avril 2009

L'effet papillon

Enfin ! Voilà un nouveau round de travaux achevé ! Après deux jours de répit à l'ilet Gosier ce weekend, on est retournés à la marina de Bas-du-Fort pour finaliser deux choses : terminer le changement des câbles du gréement (galhauban, partie en dessous des barres de flêche) qu'on avait pas pu changer à Grenade, Prickly Bay, parce qu'ils n'avaient pas les bons embouts pour nos ridoirs (le système métrique n'est pas prêt d'être universel...) et restratifier le carter à la résine epoxy. Aujourd'hui mercredi tout est terminé, mais on peut dire qu'on n'est pas mécontents de retourner au mouillage : Dieu que c'est fatiguant la vie en marina ! Cette fois ci, pour nous faciliter la vie côté travaux, on avait pris une place au ponton. Je vous assure que c'est pire que le camping. Toutes les cinq minutes, des gens s'arrêtent, soit pour savoir de quel type de bateau il s'agit, soit pour discuter le bout de gras (ce qui prend en général 3/4 d'heure), soit, s'agissant des dames chics des gros bateaux, pour jeter des œillades horrifiées quand elles nous voient faire la lessive dans un seau sur le pont ou poncer une pièce, tout couverts d'huile moteur.

Le plus drôle c'est que par deux fois, deux types se sont arrêtés pour nous interpeller : "C'est un des bateaux de Pechet, non ? (? sur l'orthographe) Tous ses bateaux s'appellent Grégal. Il doit en être au 15e ou 16e maintenant !". Nous d'avoir l'air ignorant, et eux de reprendre : "Mais si, Pechet, il est sur Lorient, il a un 54 pieds maintenant. Vous savez, j'ai navigué sur votre bateau dans le temps !"...Dingue ! On vient jusqu'en Guadeloupe pour s'entendre dire par le premier venu qu'il a navigué sur notre Grégal ! En même temps, imaginer toute la série des bateaux qui portent ce nom nous a mis un coup au moral, en détruisant l'impression d'unicité qu'on avait de notre fier navire. Enfin, d'autres personnes se sont arrêtées, confondant souvent le Contention 33 avec un Nicholson 33, et beaucoup nous ont lancé, l'air sérieux : "C'est un très bon bateau que vous avez là" ou "Ah, ça faisait longtemps que j'avais pas vu un aussi bon bateau sur ce ponton", puis on les regarde s'éloigner et monter dans leur gros 45 ou 50 pieds flambant neuf... Serait-ce la nostalgie des 70's ?

Autre bonne surprise, on a retrouvé nos imbattables compagnons du Kiss Mi (Baptiste et julie) qui sont arrivés lundi. L'occasion de se faire à nouveau une bonne petite soirée tous les quatre, mais cette fois je crois la dernière côté Antilles, car eux partent de Guadeloupe le 21 mai et nous de Saint-Martin avant le 15. Remarque, ils n'ont mis que 13 jours la dernière fois pour faire Cap Vert - La Barbade, alors il se peut qu'on se recroise aux Açores !
Sinon dans un autre registre, on s'est fait un nouveau copain : il s'appelle Jordan, il est métis, il a neuf ans et il traîne toute la journée à la marina, à tchatcher avec tous les plaisanciers, parce que c'est les vacances et que sa maman qui travaille au Cora du coin le laisse là en attendant. Il nous a bien fait rire et a tenu à ranger nos amarres tous les soirs en de belles galettes bien alignées (il s'agit de faire un grand serpentin plat en enroulant l'amarre sur elle-même comme un escargot).

Enfin, je voulais dire deux mots sur les Guadeloupéens : je ne sais pas pourquoi, mais j'avais toujours entendu dire qu'ils étaient difficile à vivre, alors que les Martiniquais étaient réputés beaucoup plus aimables. Et bien, après plus de 5 semaines de grêve dure, tous les guadeloupéens qu'on a croisés ont été adorables, souriants, jamais fermés, toujours prêts à renseigner. Nous on s'attendait à trouver une version antillaise du peuple Corse, à l'arrogance fière parfois un peu gênante, et bien on a été tout à fait surpris et enchantés. La Guadeloupe, avec ses deux parties qui forment comme les ailes d'un papillon, est un petit bijou qui mérite qu'on s'y arrête, et qu'on explore tour à tour Grande Terre, plate et rurale, ou Basse-Terre avec ses hautes montagnes recouvertes de forêt tropicale, sans parler de toutes les îles qui en dépendent : Marie-Galante, l'archipel des Saintes, ou la Réserve naturelle de Petite Terre avec ses iguanes et ses récifs coralliens. On pense avoir tout vu et se rend compte qu'il y a encore mille lieux où se poser, mille choses à découvrir : c'est un peu ça, l'effet papillon.

25 avril 2009

Antifouling tout neuf : ça va glisser à nouveau !

Samedi matin, réveil 9h30, c'est tard pour une matinée aux Antilles, il fait déjà trop chaud. Il faut dire qu'on vient de vivre trois jours épuisants de carénage non-stop, et qu'on avait besoin de récupérer. Au début, comme toujours, on s'est dit que ça allait être une agréable paire de manches. Comme toujours, de sournoises mauvaises surprises de dernière minute nous ont sérieusement compliqué la tâche. Mercredi matin, nous sommes prêts, Grégal et nous, au pied du travelift pour la sortie de l'eau. Les gars du chantier ont une heure de retard, ce qui nous obligera à patienter à couple d'un énorme catamaran de loc, au grand damn du patron de la compagnie qui s'offusque qu'on parque sans cesse des bateaux contre ses grosses caravanes de mer flambant neuves.

10h00 : Grégal est soulevé par la grue. Le verdict est sévère : sa coque est couverte de longues algues et de coquillages, à tel point qu'un observateur extérieur pourrait légitimement se demander si le bateau était auparavant équipé d'antifouling. L'antifouling est une peinture de coque spéciale, hautement toxique car chargée de tout un tas de métaux lourds, qui doit empêcher, par la libération de toxines, la colonisation de la coque par la fixation d'organismes marins (algues et coquillages). Ecolo, n'est-il pas ? Il faut croire que notre antifouling âgé de seulement 9 mois avait perdu toute toxicité et que la vie s'y développait en toute sérénité. Au chantier à Sète, nous ne l'avions certainement pas appliqué en couches assez épaisses. A notre décharge, on peut aussi noter que les eaux chaudes tropicales sont redoutables et que le meilleur des antifoulings de métropole finit par ne plus agir du tout au bout de quelques mois. Grégal est mis sur berres un peu plus tard et Tom attaque directement le passage de la coque au kärcher. Ensuite, on y va à la spatule pour détacher les chapeaux chinois récalcitrants. Puis on regarde notre ligne de flottaison : en passant l'antifouling au chantier à Sète, on n'avait pas calculé que Grégal serait lourd de plusieurs centaines de kilos supplémentaires pour ce voyage et que la ligne de flottaison serait remontée de 5 centimètres. Résultat, juste au dessus de la ligne d'antifouling, le gel coat de la coque est légèrement cloqué par des bulles d'osmose (osmose = évolution naturelle du polyester qui, en immersion dans l'eau de mer, subit des réactions chimiques qui se traduisent par la formation de cloques remplies d'eau à l'odeur vinaigrée). L'osmose n'est pas dramatique mais elle fragilise la solidité de la coque si elle se développe en dessous des couches superficielles. Heureusement pour nous, notre ligne de flottaison n'est attaquée qu'en surface. On y va donc doucement à la disqueuse pour enlever les parties attaquées. Puis il faut passer du gel coat semi-liquide à la spatule pour combler les trous. Le gel coat est toujours difficile à passer, car il a au départ une consistance entre la peinture et la pâte à gâteau, mais si on a mal dosé le catalyseur (produit chimique qui lui permet de "prendre" plus vite) il "tourne" et se transforme en caoutchouc granuleux impossible à étaler. Mais le pire est à venir : il faut ensuite le poncer, et là, c'est très difficile d'obtenir quelque chose de régulier.

La manip "application de gel coat + ponçage" nous prend toute l'après-midi de mercredi et une partie de jeudi. Pendant que je ponce et que je spatule, Tom a découvert une autre mauvaise surprise. Notre safran, qui avait déjà été traité à Sète et restratifié pour cause d'infiltration d'eau et d'osmose intérieure, est à nouveau attaqué. Il faut disquer à coeur là où c'est mou, puis repasser des couches de tissus (alternance de "mat" pour l'étanchéité et de "roving" pour la solidité, en commençant et en finissant toujours par du mat) intercalées avec une imbibation de résine polyester (un peu comme on le ferait avec des bandes de plâtre). Comme toujours sur un chantier, tout le monde y va de son conseil et de son couplet plus ou moins alarmiste. Pour beaucoup, il faut refaire faire un safran, "surtout si on retraverse". Nous, on ne sait plus bien à quoi s'en tenir. Heureusement, nous trouvons un ange gardien de chantier. Il s'agit de Cédric, jeune trentenaire qui possède la boutique "Caraïbe Gréement" et qui, charpentier de marine de formation, nous assure que notre safran ne se cassera pas en deux. Super sympa, Cédric nous fera toujours des prix sur son matériel et nous filera, dès que possible, des trucs gratos (par exemple des feuilles de mat pour stratifier). La mise à l'eau est prévue pour vendredi après-midi. On a un peu la pression. On bosse donc non-stop. Jeudi soir, le safran est restratifié et poncé et la ligne de flottaison prête. On applique une couche de primaire grise, même si à priori ce n'était pas nécessaire d'en appliquer une par-dessus notre ancien antifouling. Vendredi, on s'attaque au passage de l'anfitouling lui-même. Le moins cher qu'on a trouvé, c'est chez un des pros du chantier (Fred Marine) qui nous passe un gros pot et calcule ensuite ce qu'on a consommé. On passe du Interspeed de la marque "International", en matrice dure, pour 41 euros le litre. Ici il fait si chaud qu'à peine la première couche passée, c'est déjà sec et on peut attaquer la deuxième.

A côté de nous, un Dufour 34 flambant neuf attend lui aussi son antifouling. Sauf que son propriétaire a fait appel à une société pour le carénage. L'ouvrier qui s'en occupe est bien sympa. Avec ses cheveux noirs colés sur sa tête, ses lunettes de myope carrées et ses dents un peu gâtées, il a un je-ne-sais quoi de Dupontel dans ses films. Nous on lui prête notre tuyau d'arrosage, lui il nous refile ses fins de pot, par exemple de l'acide chlorydrique pour décaper notre hélice. "C'est mieux que de jeter, non ?" qu'il nous dit. Nous, on est bien d'accord. Lui, il passe l'antifouling au pistolet. La peinture lui aura pris moins d'une heure et demie de boulot. Nous, au rouleau, il nous faudra plus de 4 heures. Sur le chantier, Tom a sympatisé avec la terre entière et tutoie tout le monde. Par moments, ça nous donne l'impression d'avoir toujours travaillé ici. Le matin, on salue les uns et les autres qui arrivent. On a droit a des encouragements, et beaucoup s'étonnent qu'une femme vienne bosser au chantier. C'est pas courant et du coup les ouvriers se transforment en gentlemen. Une vraie bonne ambiance. Vendredi midi, on a fini nos deux couches d'antifouling. On va pouvoir remettre le bateau à l'eau comme prévu. Une fois Grégal dans le port, Tom, fair-play, va remercier et saluer les gars du chantier ainsi que Cédric.

C'est vrai que dans les Caraïbes, beaucoup de plaisanciers descendent vers le sud pour faire leur carénage. On entend souvent que c'est bien plus économique à Trinidad ou à Grenade et que "plus on va vers le nord, plus c'est cher". Ici, en Guadeloupe, on a payé 252 euros pour le grutage et les trois jours sur berre. Ce n'est donc pas si onéreux que ça. Ce qui a plombé le total, c'est l'achat de gel coat, de résine polyester et la location du karcher (36 euros de l'heure). Mais sinon, à mon avis, on s'y retrouve par rapport aux prix pratiqués plus bas (en tout cas pour un petit bateau). A bon entendeur !

22 avril 2009

Les people de la marina de Bas-du-Fort

Hier soir, on était tranquillement installés à la terrasse de la "Frégate" (notre QG depuis qu'on y a retrouvé Fanny et surtout, le seul resto du port qui propose des bières à moins de 4 euros) à siroter un verre de vin blanc frais quand soudain Tom lâche, détendu : "Tiens, y'a Laurent Voulzy". Là, curieuse mais hyper smart, j'évite de me dévisser la tête et attends patiemment que le-dit Laurent passe sur la jetée à 1 mètre de nous. En short, tatanes et chemise à fleur, notre chanteur romantico-zen préféré est accompagné de 3 amis et regarde toutes les devantures des restos du port en faisant de grands gestes et en rigolant derrière ses lunettes de vue (et non en se camouflant pathétiquement derrière ses lunettes noires en rasant les murs et en essayant de disparaître derrière les palmiers en pot). Finalement, il jette son dévolu sur le "New Port", qui propose le choix le plus varié de moules-frites à 3 km à la ronde. J'aimais bien Voulzy, mais depuis cet aperçu, je l'aime encore mieux.

Enfin, quand on se décide à quitter notre QG (mais c'est incroyable ! La jeune serveuse qui débarasse notre table était déjà là ce midi quand on est venus checker nos emails ! C'est de l'exploitation pure et dure ma parole !) on croise un autre visage connu (mais moins célèbre) : c'est Daniel, grand équipier argentin blond aux cheveux blonds bouclés qui porte le signe distinctif d'un bandeau noir sur un oeil à la manière des pirates. On l'avait rencontré avec le reste de l'équipage de "Bla-Bla", à Arrecife (Lazarote, Canaries). Il a traversé l'Atlantique sur le Bla-Bla dans des conditions plus ou moins cahotiques (à priori il y avait pas mal de tensions à bord et le mal de mer du skipper n'arrangeait rien à tout ça), et arrivé aux Antilles, a embarqué sur un autre bateau (Le "Onyx") pour retourner aux Açores et de là, rejoindre la Graciosa aux Canaries (son QG à lui, où il se sent bien). En fait, quand on y regarde à deux fois, on se dit que Daniel, qui passe son temps à traverser l'Atlantique puis à revenir, a sans doute dix fois plus d'expérience que la plupart des capitaines qui l'accueillent, mais il n'a jamais eu de bateau (il aimerait bien, à dire vrai). Pour gagner sa vie, il fabrique des bijoux en argent et en pierres semi-précieuses qu'il vend dans les coins touristiques. Sinon, il aime bien pêcher, en réalité, c'est ce qu'il préfère en traversée : être peinard, barrer et pêcher. En écoutant ses anecdotes, on se dit que ça ne doit pas être drôle tous les jours, d'embarquer avec des gens que tu ne connais pas et de devoir faire profil bas même quand tu te rends compte que le skipper n'est pas à la hauteur. Mais bon, quand on regarde Daniel, avec son bandeau sur l'oeil (je suis persuadée que personne n'a jamais osé lui demandé ce qui était arrivé à son oeil, soit dit en passant) et son teint basané sous ses cheveux blonds crêpus, on se dit qu'il doit avoir du sang de vrai pirate, de ceux qui écumaient les mers toute l'année, proposant leurs services à de douteux capitaines en manque de bandits pour écumer les mers, et rafler ça et là coffres à bijoux ou pièces d'or. Dans sa version moderne, le pirate fabrique ses bijoux lui-même et n'est pas belliqueux, c'est la seule différence.
On a trouvé très plaisant de discuter avec lui en anglais, lui qui ponctue toutes ses phrases de "si, si" avec son accent espagnol. Et une fois de plus, l'expérience nous prouve que le monde des navigateurs transatlantiques est ridiculement petit.

20 avril 2009

Marina : mode d'emploi

Tout le monde ne connaît pas forcément l'ambiance si particulière qui flotte dans les établissements bien spéciaux que sont les marinas : moi-même, j'ignorais encore tout de leur fonctionnement il y a à peine quelques mois de ça. Aujourd'hui nous sommes en escale technique de moyenne durée à la Marina de Bas-du-Fort, Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, et c'est pour moi l'occasion de revenir sur la bouillonnante vie des marinas de plaisance.
Mais revenons d'abord au pourquoi de tout cela. Fanny retournée au pays, nous avons regardé notre planning des trois prochaines semaines bien en face et la vérité nue s'est imposée à nous comme une rondelle de citron vert dans un ti-punch : il nous reste en gros une dizaine de jours pour préparer Grégal à la traversée de l'Atlantique retour, et une petite semaine pour nous diriger vers Saint-Martin d'où nous projetons pour l'instant de décoller entre le 5 et le 10 mai direction Les Açores.

Concernant les escales techniques auxquelles pratiquement personne ne peut couper, n'importe quel plaisancier en croisière sabbatique aux Antilles vous le dira : point de salut si on ne passe pas par la case obligée de la marina du Marin en Martinique, autrement dit la Mecque du plaisancier francophone. En effet, la marina du Marin est fort bien pourvue en services nautiques en tous genres, chantiers, professionnels, shipchandlers, et que dire des possibilité d'avitaillement grâce à la présence de plusieurs grands supermarchés hard-discount ou pas, vous le voyez, rien ne manque, et certains iront même jusqu'à affirmer que le Marin est devenu le plus grand centre de services nautiques de toute la Caraïbe (peut-être même avant Trinidad). Sauf que nous, nous n'avons jamais mis les pieds au Marin, si ce n'est une journée en voiture avec Kim et Nico pour aller acheter un nouveau détendeur et dire bonjour à Gérard au passage (Gérard de Betty Boop qui nous avait passé le sien, de détendeur). C'est un peu notre fierté. C'est comme être japonais en vacances à Paris et ne pas aller voir la Tour Eiffel. Cependant, Grégal n'est pas le dernier en matière de réparations diverses et nous ne pouvions nous contenter de repartir sans le bricoler un peu. La flemme de redescendre en Martinique pour nous agglutiner aux milliers de voiliers mouillés là nous a donc conduits à essayer de tout faire ici en Guadeloupe.

A ce sujet, la marina de Bas-du-Fort n'est pas si mal faite que ça. On y trouve beaucoup de services et le chantier nautique regroupe des professionnels compétents, tous plus sympathiques les uns que les autres (un autre point dont nous traiterons plus tard : en Guadeloupe, même après 5 semaines de grève dure, les gens sont super aimables et avenants). Ça sera parfait pour nos travaux de carénage, de réparations diverses d'accastillage, de changement des deux derniers câbles du gréement qu'on n'avait pas pu remplacer à Grenade et autres. Car comme le dirait notre ami Wouter (ou Walter comme on l'avait noté dans un précédent post en nous méprenant sur l'orthographe) : "One day sailing, one day sightseeing, one day repairing" (un jour pour naviguer, un jour pour visiter, un jour pour réparer).

Mais revenons sur le concept de marina. "Marina" est le terme chic et moderne pour désigner ce qu'on appelait jadis "port" en Méditerranée. En réalité, c'est un peu plus compliqué. Les marinas sont des aménagements hybrides, à mi-chemin entre le port de plaisance, le complexe touristique hôtelier et le parc d'attraction, qui ont été construits dans les vingt dernières années tout au plus (nombreuses sont celles qui ont moins de 5 ans). En Méditerranée et sur la côte Atlantique française, les ports de plaisance se sont la plupart du temps greffés sur les ports de pêche ancestraux (eux-mêmes automatiquement accolés à un charmant petit village côtier) pour permettre le développement du tourisme de plaisance (ex : Saint-Tropez, Cassis...). Aux Canaries ou aux Antilles, les ports de pêche ne sont pas légion, ou en tout cas les villes côtières ne sont pas toujours équipées d'un port. C'est ainsi que sont nées les marinas, là où il y avait besoin d'une structure d'accueil pour les navires de plaisance et là où ne préexistait pas un port suffisamment développé pour accueillir les infrastructures. Les marinas sont donc souvent créées de toute pièce. Elles comportent dans pratiquement tous les cas : une capitainerie avec un toit en tuiles rouges, un local à poubelles, une station-service, de jolies petites allées blanches serpentant entre les palmiers, des sanitaires et une laverie automatique, une banque, des dizaines de restaurants à thème comme chez Disneyland Paris, des dizaines de boutiques de vente de t-shirt et de souvenirs pittoresques, un parc immobilier de locations saisonnières dans de jolis petits immeubles blancs avec balcon, des bars à cocktails et de faux-pubs irlandais branchés, un supermarché, un office du tourisme. Pour les complexes ultra-développés (cf. l'énorme "Marina Rubicon" à Lanzarote, Canaries), on trouve un casino, des salles de jeu, des bowlings, des boîtes de nuit, des traiteurs allemands, des dentistes, des coiffeurs de renom.

Les marinas sont souvent des endroits chics parce que les gens chics qui ont un gros bateau les affectionnent particulièrement (mais pourquoi diable laisser son bateau au mouillage sans eau courante ni électricité ??? On n'est pas des bêtes !). En effet, elles offrent, outre l'eau et l'électricité au ponton, le loisir d'aller au restaurant en arpentant les allées de palmiers chaussé de mocassins marines et de bermudas crèmes, sans se mouiller les fesses lors d'un trajet en annexe. Elles offrent aussi le loisir de déjeuner sur la terrasse du cockpit et se faire admirer par tous les badauds qui passent. Enfin, elles permettent d'avoir l'impression de vivre sur l'eau même quand le bateau ne quitte jamais sa place. Moi, j'aime bien les marinas, parce qu'elles donnent un peu l'impression de se promener à Walibi. C'est toujours distrayant après plusieurs jours de mer ou d'ermitage dans des mouillages déserts. Cependant, ici à Bas-du-Fort, nous n'avons pas pris de place au ponton. En fait nous n'en prenons jamais. Heureusement pour nous, il existe toujours, devant les marinas, des lieux de mouillages forains où l'on peut lâcher son ancre sans payer un copec, et profiter des services de la marina en s'y rendant en annexe.

Voilà, ainsi avons-nous pris rendez-vous pour sortir le bateau de l'eau mercredi pour un carénage de trois jours : grattage complet de la coque, ponçage, et antifouling (en effet, notre précédent antifouling est pratiquement mort, remplacé par une moelleuse couche d'algues et de pousses-pieds : dur-dur les eaux tropicales). On a aussi trouvé, chez les shipchandlers du coin, un nouveau palan de hale-bas de la marque Lewmar en promotion (car modèle de l'an dernier) (notre ancien avait explosé dans un grain), on va faire refaire les deux parties basses des galhaubans et enfin, on a pris rendez-vous avec un professionnel pour une révision du moteur. En attendant, entre deux couches de peinture, nous aurons tout le temps d'aller prendre le petit déjeuner au bar-lounge du coin à la déco Buddah Bar qui fait zone wifi gratuite, puis laisser 10 kg de linge sale à la laverie, déjeuner au restaurant japonais, avaler une glace Haagen-Dazs sur le coup des seize heures avant de démarrer l'apéro au café créole "Le Pirate Caribéen" - déco bois flotté et déluge de plantes vertes - , avant de dîner au "Trésors de Rome", l'italien dont la façade peinte de bas-reliefs fleuris est ornée de moulures de plâtre en rosaces. Tout un programme.

Bilan de la journaliste volante

Après 12 jours d'immersion au coeur du GAT, Fanny témoigne...

10 jours plus tard, de retour en « métropole ».

Le rythme caribéen a eu raison de moi, les journées sont passées et je n’ai pas trouvé une minute pour assumer mon rôle de journaliste invitée…

Il faut savoir que proportionnellement au rythme de vie décris plus haut, tenir le blog « GAT » représente à peu près un travail à plein temps : écriture des textes, choix des photos, retouches – non pas les contours des silhouettes – inutile bien sûr- mais les couleurs, contrastes et autres critères que j’ignore et qui font toute la différence entre mes photos et les leurs…, puis capter une onde wifi, la pirater (il doit y avoir un autre terme plus calé pour ça mais je l’ignore), et enfin mettre en ligne textes, photos, et vidéo (parfois plus d’une heure pour 1’30 d’image…)

Le Gregal est si petit… Dans la famille nous avons toujours gardé une pointe d’orgueil, en Corse navigant sur le Tom Tom, a avoir toujours le plus petit bateau au port comme au mouillage. Traverser en Corse avec un bateau de moins de huit mètres était rare… Aujourd’hui la tradition perdure, être dans la mer des Caraïbes (et venant de l’autre côté de l’Atlantique) avec un bateau de moins de dix mètres est tout aussi rare !
Le seul avantage, une fois la fierté mise dans sa poche, est qu’on est moins sollicité par les « boat boys » qui assaillent les gros catamarans de location… Pour naviguer la taille du bateau est super, mais pour y vivre jour et nuit pendant un an, c’est plus « contraignant ». Chapeau à Aude qui continue à trouver l’énergie de cuisiner, y compris en navigation ! En équilibre les jambes bien écartées pour amortir roulis et tangage, mixeur d’un côté, cocotte minute de l’autre !

Les grains, ça mouille. Vraiment beaucoup. Et puis ça souffle en plus ! Mais l’équipage est parfaitement aguerri, s’en réjouit même – ça dessalera enfin Grégal - et se permet d’observer, goguenard, les énormes catamarans de location tout abattre et essayer de se tirer de là au moteur. Mais quand on voit un grain, c’est trop tard. Tom le sait, il est forcément pour nous, même s’il semble partir de l’autre côté !

L’espace contraint les gestes. Après quelques jours on a besoin de marcher, s’étirer, écarter les bras….Finalement en bateau on est toujours actif (au moins pour compenser le roulis) mais en même temps toujours contraints dans nos mouvements du fait du peu d’espace. Peu d’effort donc (à part pour le capitaine qui hisse, borde et winche à tour de bras bien sûr…). Heureusement, en mal d’effort, on peut toujours se faire une petite vaisselle : en pompant alternativement eau de mer et eau douce, on se muscle mollets, cuisses et fessiers. Pour peu qu’on rentre le ventre on fait aussi un peu d’abdos ! que demander de plus ?

Toute ressemblance entre Cap’tain et Matelot et les personnages réels de cette aventure ne peut être que fortuite. En effet, je n’ai vu qu’amour, rigolade, partage, harmonie et respect mutuel !

Le GAT est aussi important pour les lecteurs que pour leurs créateurs. Sachez qu’à chaque arrivée dans un nouveau mouillage, après avoir vérifié et revérifié que l’ancre a bien accroché la deuxième chose dont Tom et Aude se préoccupent est de savoir s’il y a une onde wifi qui traîne par là… Si oui alors c’est lancé : opération captage (dedans, dehors, avec rallonge et antenne ou juste la carte wifi du nouveau micro-ordinateur (vraiment micro)) – encodage et décodage et re-encodage pour se connecter, et enfin : lire vos commentaires ! Et oui, ce avant même d’être parti à la quête d’une bière fraîche !

A bon entendeur !

14 avril 2009

Les Saintes : havre de paix

Nous avons quitté la Dominique dans un grain, fuyant un énorme cumulus noir qui nous arrivait des montagnes, et 25 milles plus tard, nous mouillions l'ancre dans l'Anse du Bourg, Terre de Haut. Fanny devient notre barreuse attitrée : il faut dire qu'elle a vite trouvé ses marques sur le vieux Grégal, elle qui a l'expérience d'avoir déjà skippé, dans d'autres temps,le bateau de son papa. A l'image de la Guadeloupe qui se compose de deux îles jointes, Grande Terre et Basse Terre, Les Saintes, petit archipel propret et coquet niché dans un écrin de vallons, ont un double visage. Au nord se découpe l'île de Terre-de-Haut, touristique et animée. En face, l'île de Terre-de-Bas, secrète et paisible, dévoile ses charmes à ceux qui affectionnent des ambiances plus intimistes.

Pour nous qui venons de vivre l'aventure au coeur de la forêt tropicale, Anse du Bourg constitue une étape relaxante. A l'image des petits ports de pêche que l'on voit en Méditerranée, le Bourg égrenne ses charmantes maisons aux toits rouges, ses placettes ombragées, ses boutiques d'artisanat et ses bistrots accueillants pour notre plus grand plaisir. Il fait bon redevenir touriste flaneur, de temps à autre. Il y a un certain nombre de bateaux au mouillage, venus profiter du climat agréable des Saintes pour ce weekend de Pâques qui sera pourtant, même ici aux Antilles, un tantinet pluvieux et gris. Eh oui, si le voyage nous refait, il ne refait pas le monde ! Lundi de Pâques, pieds dans les flaques. Qu'à cela ne tienne, nous avons un parapluie à bord du Grégal (Fanny n'en croit pas ses yeux). Alors que la pluie tombe dans la moite chaleur, nous mangeons bien, siestons beaucoup, et attendons l'accalmie du soir pour choisir un bistrot où déguster une bière fraîche, en regardant le soleil se coucher sur l'horizon en face de nous (car Pâques aux Antilles reste smart : le ciel se dégage tout de même pour le coucher de soleil). Nous rencontrons aussi la propriétaire d'une boutique insolite et colorée, qui a sa famille à Essaouira. Ravie d'entendre que nous y étions 4 mois plus tôt, elle nous donne l'adresse du magasin d'art qu'elle possède là-bas aussi. Et pour ne rien gâcher, je craque sur une lampe en bois sculpté (Fanny se propose de la ramener en avion).

Une jolie ballade dans Terre de Haut nous mènera, à travers des champs plantés de manguiers où paissent quelques chèvres, jusqu'à la petite plage de Pontpierre, à l'Est. Au milieu des palmiers, les locaux s'organisent une soirée de voisins sur fond de Claude François. On profite des derniers rayons de soleil pour une baignade tardive. Le lendemain, direction Terre de Bas, à moins de deux milles de là. Grégal trouvera refuge dans une toute petite anse au sud, l'Anse Fideling, où un seul autre voilier prend déjà le soleil. L'eau est claire dans des dominantes de turquoise à bleu profond, comme en Corse. Autour de nous, une vingtaine de barques de pêcheurs. Ici la vie sous-marine est riche, nos excursions en PMT nous permettront en autre d'apercevoir une superbe raie léopard de plus d'un mètre vingt d'envergure, qui semblait avoir élu domicile ici. Petite promenade sur les hauteurs, traversée d'un bourd minuscule, où un Breton tient le seul bar-restaurant du quartier. Il nous dit qu'il est heureux ici, et on le comprend. Le soir, pas un bruit. Seules quelques frégates ont encore l'énergie de tournoyer au-dessus des bancs de poissons. Demain, il faudra reprendre le chemin de Pointe à Pitre. En attendant, on se laisse envahir par la paix des lieux alors que le soleil rougeoit derrière les collines.

11 avril 2009

Du vert, de l'eau, de l'eau : Tropicale Dominique

Notre petite route de Marie Galante jusqu'à Portsmouth, Dominique, a joué le rôle d'une écluse imaginaire, ouvrant devant nous un petit espace temps où, sur à peine 30 milles, le paysage de plages tranquilles et le relief de garrigue se mue tout à coup en une brousse tropicale humide, dense, exhubérante. Ainsi les îles des Antilles sont-elles à la fois proches et à la fois si éloignées, chacune différente, chacune valant que l'on s'y arrête pour en apprécier les trésors. La Dominique est une île montagneuse couverte pour sa plus grande partie de forêt tropicale, où l'eau, contrairement aux petits archipels proches (Les Saintes ou Marie Galante) ne manque pas : elle ruisselle en plus de 365 rivières et des dizaines de cascades, et, même en cette saison sèche, tombe du ciel en d'abondantes pluies qui détrempent tout.

La Dominique n'a pas toujours été très touristique mais on sent que depuis quelques années le vent tourne, la sécurité s'établit peu à peu et les plaisanciers sont de plus en plus nombreux à venir mouiller leur ancre au pied des hautes montagnes vertes. Cela dit, le contraste de niveau de vie avec la Guadeloupe toute proche reste frappant. La ville de Portsmouth, au nord-ouest de l'île, est relativement pauvre mais animée. Elle s'étale tout le long de la "waterfront road", en une succession de baraquements en bois, de petites échoppes brinquebalantes, de ruelles enchevêtrées et de cargos rouillés échoués sur la plage, probablement jetés là lors d'un récent cyclone.

Notre premier jour à été consacré à tâter le pouls de ce petit microcosme, remerciant avec le plus de délicatesse possible les nombreux "comités d'accueil flottants" - comprenez les groupes de boat boys qui ne manque pas de venir vous proposer à toute heure tout un tas de services (fruits, excursions, pain, grattage de coque) -, et testant les restaurants locaux comme le célèbre barbecue de Peter en centre ville, d'où vous ressortez avec cette odeur de fumée imprégnée dans les cheveux et ce délicieux goût de coryphène grillée sur le bout de la langue. Le deuxième jour, nous sommes allés faire un tour sur l'Indian River, en remontant depuis la mer un estuaire proche de la mangrove où des arbres aux racines invraissemblables poussent dans l'eau saumâtre au milieu des crabes de terre et des "roseaux". Il y a 20 ans, on pouvait apparemment faire cette ballade à la rame à bord de son propre dinghy mais aujourd'hui il faut s'aquitter de 15 US dollars par personne et grimper à bord de l'une des barques conduites par les guides rastas du coin (trilingues au demeurant).












La ballade en valait la chandelle, le paysage étant tout simplement à couper le souffle : gigantesques racines sculptées qui plongent dans une eau bleue opaque et trouble, palmiers qui ondoient sur la rive, forêt tropicale qui commence, atmosphère de chaleur humide suffocante (encore un spot repéré par le réalisateur de Pirate des Caraïbes qui y a tourné quelques images, comme on ne manque pas de vous le rappeler). La promenade stoppe là où l'eau n'est plus assez profonde pour que la barque surnage au-dessus de la vase. On descend alors sur un petit ponton en bois et on profite d'un petit bar aménagé avec ses tables en rondins, son jus de pamplemousse frais ou son rhum spécial concocté à base du jus des roseaux de rivière.

Nous n'allions pas nous arrêter en si bon chemin vers la découverte de l'enfer vert. A midi, galvanisés, nous sautons dans un bus collectif direction Roseau, la capitale de la Dominique, plus au sud, accessible après une heure de route. Roseau est colorée, bruissante d'activité. En demandant notre chemin ici et là, on finit par trouver l'arrêt du bus qui nous mènera un peu plus haut, à vingt minutes de là, aux chutes de Trafalgar.



Il est presque 16 heures quand nous arrivons, après 10 petites minutes de marche, au pied de deux gigantesques cascades qui se déversent dans la jungle. Ce qu'il y a de bien, avec les chutes de Trafalgar, ce n'est pas seulement qu'elles sont accessibles après une courte marche (donc très fréquentées, vous vous en doutez), c'est surtout qu'on y trouve une rivière d'eau chaude et ferrugineuse, qui cascade en de petites piscines le long de la rivière d'eau froide où se déversent les chutes. Nous passerons une bonne heure et demie à barboter dans l'eau à 40°, en nous transportant mollement de temps en temps dans les trous d'eau froide pour nous donner un coup de fouet.




Et ce qui devait arriver arriva. Au moment où l'on se décide à quitter nos piscines chauffées, il fait presque nuit. Les habitants du coin prennent des mines consternées et n'hésitent pas à dramatiser notre situation précaire en nous assurant qu'à cette heure-ci, on ne trouvera jamais un bus retour vers Roseau, et encore moins pour Portsmouth. Ou alors, il va falloir que l'on s'acquitte "d'une certaine somme d'argent" pour qu'ils daignent nous déposer en ville (en plus, c'est le weekend de Pâques, ce qu'ils ne manquent pas de souligner). Le problème, c'est qu'on est partis en début d'après midi avec pas tellement d'argent en poche, et après s'être payé un petit lunch et s'être acquittés du droit d'entrée pour les chutes, on a pile de quoi payer un bus retour dans ses tarifs conventionnels. On le leur fait comprendre, et ils sont horrifiés : des européens en excursion sans même une Mastercard ! Ils n'ont jamais vu ça. Finalement, ils prendront en pitié les trois touristes mouillés que nous sommes, et nous indiqueront le bus du coin (au passage, on a ensuite croisé tout un paquet de gens qui attendaient le bus à cette heure-ci pour sortir en ville à Roseau). Arrivés à Roseau, on trouvera tout aussi facilement le terminal des bus où l'un d'entre eux partait justement pour Portsmouth. On arrivera à la nuit tombée, humides et fourbus, et, comme si l'on n'avait pas eu assez d'eau pour la journée, on prendra une bonne averse sur la tête alors qu'on rejoignait Grégal en annexe. La Dominique, terre d'eau, que je vous disais.

9 avril 2009

En route vers la Dominique

8 avril 2009

Marie Galante vue par Fanny

Fanny a pris le relais pour raconter la Guadeloupe ! Pas mal, ce concept de journalistes volants pour renouveler le style du GAT, non ?

C'est affreux ! Vous devriez voir le paysage quand on approche de Marie Galante en fin d'après-midi : que du vert à perte de vue, un relief à peine vallonné, si peu de maisons qu'on pourrait se croire au Cap Corse mais sans les tours génoises. Saint-Louis ! Tout d'un coup l'image de la boite de sucre se rappelle à nous, c'est donc là ! Le paysage est calme à couper le souffle : surtout ne pas déranger le petit village endormi en cette fin d'après-midi, les plages désertes, pas l'ombre d'un touriste en ce lieu si beau. Les bistros de plage sont fermés, seuls quelques chiens nous accueillent et nous font la fête et nous partons à la recherche d'une bière fraîche. Notre errance sera de courte durée, et puis plus tard le bord de plage s'anime un peu, quelques gargotes ouvrent et les barbecues s'embrasent. Ce soir, après une virée à Grand Bourg au sud de l'île nous retrouvons notre mouillage à Saint-Louis avec la même émotion, privilégiés que nous sommes !








6 avril 2009

Premiers pas sous le soleil de la Guadeloupe

Nous avons récupéré Fanny comme prévu, dimanche à midi, à la marina de Pointe-à-Pitre. Après une bonne nuit d'hôtel et en se promenant dans la marina, le temps qu'on arrive, elle avait déjà pu se familiariser avec le climat des Antilles : c'est chaud, lourd et humide, brûlant dès qu'on se trouve au soleil, frais en mer dès que celui-ci se couche. On n'a pas trop traîné pour aller mouiller l'ancre dans un coin un peu plus sympa que l'estuaire industriel de la capitale. On s'est donc dirigés à l'est de Grande Terre, vers l'ilet du Gosier. C'est un splendide petit îlot planté de palmiers et d'amandiers, avec une petite barrière de corail tout autour qui donne à l'eau cette inimitable couleur turquoise clair et au sable, cette blancheur rosée.

Soirée de retrouvailles oblige, on a sorti le ti-punch pendant que Fanny déballait sous nos yeux gourmands du fromage du pays, du fouet catalan, et une bouteille de vin. Mais les surprises ne s'arrêtaient pas là : on a aussi été ravis de trouver, sorti de la valise de Fa, un colis de la part de notre ami Nico Joubert : une énoooorme bouteille de Génépi (mille mercis Amigo ! celle-là ne va pas faire long feu !) et une très belle bouteille de vin que l'on a décidé, d'un commun accord, de réserver pour un dîner digne de ce nom. C'est gentil de penser à nous comme ça, ça nous a fait trop plaisir.

Donc le Gosier, joli petit coin pour démarrer, rythme adapté à la récupération du décalage horaire, baignade, plage, pique-nique, sieste, et ce soir, si on a la main heureuse, ce sera pêche à la palangrotte et barbecue sur l'île.

4 avril 2009

Bilan à 8 mois : le temps du détachement

Que se passe-t-il dans nos têtes lorsque l'on vit en mer depuis 8 mois ? A trois mois du retour, qui nous nargue déjà de l'autre côté de l'Atlantique, on est en droit de se poser cette question. Voire même que ça pourrait intéresser du monde, ethnologiquement parlant, va savoir. Alors allons-y.

Au bout de 8 mois en mer, on a appris à apprécier vraiment les couchers de lune. C'est comme les couchers de soleil, mais en plus humble. D'abord, la lune descend lentement sur la mer. Puis elle change progressivement de couleur jusqu'à prendre des tonalités roussâtres qui embrasent l'horizon. Alors qu'elle touche presque la ligne de démarcation ciel-mer, on dirait soudain qu'elle bascule, qu'elle décroche imperceptiblement de son axe, comme si quelqu'un lui avait adressé une chiquenaude d'en haut. Puis elle disparaît dans la mer. Les derniers nuages flamboient faiblement et c'est le noir complet. Au bout de 8 mois en mer, on sait que quand la lune s'est couchée, il fait nuit noire. Il faut calculer avec, si on arrive de nuit. Mais ce qu'il y a de magique alors, dans ce noir d'encre, c'est que tout à coup, toutes les étoiles s'allument en même temps.
Au bout de 8 mois en mer, on sait que deux heures de sommeil bien tassées feront disparaître n'importe quel mal de mer, même par une gîte à 45°.
Au bout de 8 mois en mer, on a perdu deux paires de lunettes, noyé trois montres, envoyé une chaussure à la flotte, bousillé trois autres paires, recollé sept fois le bouton-thermostat du four, usé trente-huit piles AAA, vidé quatre tubes de sika, boulotté onze pots de Nutella et détruit un PC portable.
Au bout de 8 mois en mer, s'attacher gilet + harnais, lampe-flash scratchée au bras, est devenu, plus qu'un réflexe, une seconde nature, chaque fois que l'on est seul en quart de nuit ou de jour, et dès que l'on met un pied dans le cockpit.
Au bout de 8 mois en mer, la consommation en eau douce de l'équipage est passée à moins de cinquante litres par semaine tout compris.
Au bout de 8 mois en mer, on a compris que passer toute une journée de navigation en plein soleil sans se tartiner le visage de crème solaire indice 45 se soldait immanquablement par l'obtention d'un magnifique nez rouge et boursouflé façon pilier de bar.
Au bout de 8 mois en mer, l'absence de frigo à bord nous contraignant à déguster exclusivement des ti-punchs à température ambiante nous a de toute façon transformés en piliers de bar.
Au bout de 8 mois en mer, on ne trouve plus de tout que notre bateau d'à peine dix mètres représente un espace de vie réduit : on s'y sent juste bien, et tout espace supplémentaire ne saurait être qu'un luxe.
Au bout de 8 mois en mer, on a pris au total moins de six douches à l'eau chaude sous pression. Les autres, on les prend quotidiennement au pulvérisateur de jardin (celui qu'ils vendent chez Jardiland pour traiter les arbres).
Au bout de 8 mois en mer, on ne trouve plus que ne rien faire est une perte de temps.
Au bout de 8 mois en mer, on considère que tout temps perdu dévolu à quoi que ce soit constitue le sel de la vie.
Au bout de 8 mois en mer, on réalise qu'on n'en a jamais eu assez d'être 24h/24 ensemble.
Au bout de 8 mois en mer, on apprécie infiniment de regarder la mer s'étendre à perte de vue et déferler en une inlassable petite houle tranquille et régulière, alors que Grégal file, seul sur l'eau, à plus de six noeuds dans l'alizé.

3 avril 2009

0ù l'équipage du Grégal se retrouve là où il était hier...

... Et où, malheureusement, tout cela n'est pas une farce de la 4e dimension !
Récapitulons : hier, départ 11h de Bequia, petit vent, on avance régulièrement mais sans prouesses, on utilise même le moteur 45 minutes sous le vent de Saint Vincent, pétole oblige. Tom est un peu inquiet car on n'a encore jamais eu l'occasion de le faire réellement tourner, ce moteur. Il inspecte le tout, et trouve ainsi de l'huile visqueuse au fond de la cale moteur... Etrange... Il en trouve 1,5 litres. Je lui dis que c'est sans doute des restes du remontage mais il persiste : l'intuition du capitaine. Il vérifie le niveau : on est presque à sec. Il verse 1 litre de plus dans le réservoir et là, la vision d'horreur : on voit l'huile qui s'écoule goutte à goutte sous le carter ! En 30 minutes, le carter est vidé. On prie pour ne pas avoir serré le moteur mais le buzzer n'a pas sonné pendant qu'il était en marche, heureusement.

Il faut prendre un décision, et vite : on est au nord de l'île de Saint Vincent, et on a fait environ 50 milles. Bequia n'est pas si loin, mais on craint que Fixman ne nous trouve pas de solution à part de sortir le moteur... On l'appelle avec le téléphone satellite : il comprend vite le souci et nous dit qu'il pense pouvoir réparer le carter en le soudant sans sortir le moteur. On hésite longuement : doit-on filer tout droit à la Guadeloupe et faire faire la réparation là-bas par un garage spécialisé ou doit-on retourner, avec la maigre certitude qu'on pourra arranger ça ? La perspective d'arriver au mouillage dans la passe de Pointe-à-Pitre, délicate et truffée de bouées et de chenals de circulation, ne nous réjouit guère. Tom opte pour le retour sur Bequia.

Il est 17h30. On est fourbus et démoralisés. On y croyait vraiment à ce départ, enfin ! Le retour à la case départ se fait de nuit, avec très peu de vent. On subit encore la pétole sous Saint-Vincent, 4 heures de dérive lente entre 0,5 et 2 noeuds... Finalement, le vent revient vers le sud de l'île. On reprend un bon 4,5 noeuds de moyenne. La passe délicate sera l'entrée dans la baie d'Admiralty (Bequia), de nuit, suivie du mouillage à la voile (vu qu'on n'a plus d'huile de rechange pour faire tourner le moteur et que d'ailleurs on hésite à le faire tourner parce qu'on ne sait pas si le problème est plus grave), sans compter qu'il est 2h du matin et que la lune vient de se coucher. On arrive bien en face de l'entrée, heureusement, et on se dirige à petite vitesse vers l'extrémité Est de la baie, là où il y a les plages et peu de bateaux. Tout se passe à merveille, on vire de bord, on affale tout, et on arrive à mouiller par 5 mètres de fond, sans trop de bateaux autour de nous. Il est 3 heures du matin. On attendra une bonne heure de plus pour s'assurer que le mouillage avec les 2 ancres tient, et puis on ira au lit pour une petite nuit de 5 heures bien méritée.

Bon, d'accord, on aura pas dormi tout à fait 5 heures parce que le téléphone a sonné à 6 heures (on avait mis le réveil à 9). Il faut dire que c'est l'anniversaire de Tom aujourd'hui et que tout le monde doit essayer de le joindre ! Fixman nous dit au téléphone qu'il viendra vers 11 heures. On l'attend comme le messie, en piétinant. Quand il arrive, on lui explique la fuite dans le carter, et il nous conseille de l'enlever pour qu'il fasse la soudure à son atelier. Pour enlever les boulons inaccessibles, il nous prête ses outils mais comme il a un autre bateau à aller voir, on devra enlever le tout tous les deux sans lui. On y arrivera sans trop de peine, sauf que Tom doit se contorsionner derrière le bloc moteur pour enlever les boulons les plus récalcitrants. A 15 heures, le carter est démonté : effectivement, on voit la fuite, une fente sur le dessous là où il y a pas mal de rouille. Tom file à l'atelier de Fixman. Là, il assiste à un sketch intéressant : il y a deux clients dans le garage qui exigent que Robin s'occupe d'eux ici et maintenant. Il y en a même un qui le menace en lui rappelant que "c'est lui qui paye le plus, tout de même". Robin envoie tout le monde sur les roses, et quand vient le tour de Tom, pour la soudure, même couplet, sur un ton sec et ferme : "Impossible, ce sera demain". Tom est totalement décontenancé, il balbutie un "Really ?" déçu et incrédule. Et là, suprise de Fixman l'acteur, ce dernier lui lance en même temps un petit clin d'oeil à la dérobée. La soudure sera faite dans la demi-heure qui suit. On lui doit une fière chandelle, à Fixman.

16h35 : le carter est remonté : 24 boulons à la clé de 10. On en a des courbatures aux doigts et l'huile moteur a maculé notre plancher.

16h48 : Tom verse un bidon d'huile tout neuf. On croise les doigts pour que rien ne fuie.

16h50 : on démarre le moteur. Il part au quart de tour.

16h55 : le moteur tourne rond, pas de trace d'huile pour l'instant.

17h : on le laisse refroidir, on vérifie le niveau puis on le fait tourner une bonne heure pour être sûrs.

18h : si tout est OK, on reprend la direction de la Guadeloupe. Fanny devra se prendre une chambre à l'hôtel pour demain soir, car nous on n'arrivera au mieux que dimanche matin. Et si tout va bien, on n'aura râté notre invitée qu'une seule nuit !

A suivre...

NB : Tom a eu les messages sur l'Iridium (Cécile et Danielle), qui lui ont fait très plaisir, et il a adoré la vidéo ! Ça lui a presque collé la larme à l'œil, dites ! Il a encore les mains dans le cambouis alors je relais sa voix. Au fait, les racletteurs fous, c'est pas joli-joli de nous faire saliver avec votre bon fromage ! On se vengera en se photographiant devant une autre langouste, tiens ! (ça, c'est de moi, pas de Tom :)

2 avril 2009

Bonus spécial remembering : The Tobago Cays by Kiss Mi

Julie et Baptiste de Kiss Mi nous ont montré hier une terrrrrible vidéo qu'ils ont montée sur les Tobago Cays : même nous qui y avons été, ça nous a collé la larme à l'oeil et l'envie d'y retourner illico ! Le choix de la musique est génial (Stanley Beckford), et en plus ils ont fait des vidéos sous-marines : avec le vol de la tortue, les eaux turquoises, les poissons multicolores et puis les gus en parapente au loin, c'est de la bombe :)

Allez, à vous de vous régaler (on a obtenu leur autorisation préalable :) :
http://kissmi.over-blog.com/article-29199195.html

Bon, sinon de notre côté, nous partons ce matin vers 11h heure locale direction la Guadeloupe en une traite : vents favorables (est / nord-est 15 nœuds en moyenne) et cap nord légèrement ouest sur la fin, 210 milles au total, un moteur qui tourne : mais si ! Résultat : on devrait y être dans 48 petites heures. A tchao tutti !

1 avril 2009

Dis moi pas que c'est pas vrai !