Malheur à nous, Corne-de-bouc ! Si vous n'étiez pas là pour nous rappeler à votre bon souvenir, on ne se rendrait même pas compte qu'une semaine et plus passe entre deux billets ! Il y a du relâchement sur ce blog, et n'allons pas aggraver notre cas en prétextant une atteinte de notre rythme de vie par l'antillopathie, ça ne serait pas juste.
Mais que s'est-il donc passé entre cette visite de distillerie et aujourd'hui, jour pluvieux et venté s'il en est ? S'est-on perdu dans les vapeurs déliriumesques du rhum à 70° ?
Tout d'abord, nous sommes fiers de vous annoncer que le remplacement des câbles du gréement est ter-mi-né. Tom est courageusement monté au mât chaque jour que Dieu a fait, uniquement armé de son gri-gri d'escalade, de sa pince rouge et de son tournevis. Le chantier "Turbulence" nous a bien facilité la tâche. Mais sans compter sur le merveilleux sens des
public relations de Tom, nul doute que c'eût été plus compliqué. "Turbulence" est une petite entreprise tenue par un couple de français, Richard et Joëlle, qui ont bien su mener leur bouclard car ils emploient aujourd'hui une bonne quinzaine de personnes. Richard ressemble à un faux Mel-Gibson-sur-le-retour, œil bleu et cheveux mi-longs, tongs et paluches énormes, qui ne dit que "salut" ou "ouais-qu'est-qu'il-te-faut". Joëlle n'est guère plus avenante, même si sous sa cinquantaine approchante on se dit qu'elle a dû être une très belle femme dans sa jeunesse, un peu genre Brigitte Bardot (elle a encore de beaux restes). Pendant dix jours, Tom a harcelé Richard pour lui poser, sans se dégonfler, tout un tas de questions sur comment bricoler son bateau au moindre coût (vous imaginez que l'autre, ça ne le faisait pas rire dans ses tongs). Fort heureusement, le Richard s'est esquivé et a mis Tom directement en relation avec le maître "Rigger" (celui qui sertit les câbles : rigging=gréement) : "Wayne". Wayne, jeune black taciturne avec tous les clients de la boutique, s'est miraculeusement dégivré au contact de Tom, et ils sont devenus les meilleurs amis du monde. Quand on va au chantier, les deux se frappent le poing (salut djeuns local) en lançant, jovials "Hey ! How are you doing mate ! - Not too bad, and yourself ?". Du coup, le Wayne nous a fait nos câbles en priorité et quand Tom lui en apportait un le matin, en début d'après-midi, c'était bouclé. Brigitte Bardot n'en revenait pas.
On a pris le risque de raccourcir l'étai (à l'avant) qui pendait jadis un peu mollement, et avait été compensé en prenant fort sur le pataras et en cintrant beaucoup le mât. En enlevant 5 cm, on a gagné un mât droit à peine ceintré (même si ça se fait sur les bateaux de régate, mais ce bon vieux Grégal n'en est plus à battre des records, n'est-il point ?). L'enrouleur que Tom et Franck (le breton) avaient démonté pièce par pièce (il coinçait au moment d'enrouler) puis remonté en repositionnant les roulements à bille semble fonctionner nickel. Le pataras a été posé lundi, on a retenu notre souffle mais c'était bon, Wayne nous l'avait rallongé en conséquence et on a pu le poser sans souci. Finalement, il ne reste plus que la partie inférieure des galhaubans (sur Grégal, ils sont en deux partie car nous n'avons qu'une barre de flèche) que nous n'avons pas remplacée parce que cela impliquait de changer les ridoirs (Turbulence n'avait pas les bons enbouts). On le fera en Martinique (il faut bien en garder un peu pour la suite du parcours, sinon, on va s'ennuyer, non ?).
Vu sur www.scoutorama.org Le tout nous a coûté 833 euros TTC. C'est très raisonnable semble-t-il. Surtout qu'ici, il n'y a pas de TVA sur les produits nautiques et que la main d'oeuvre est à environ 25 € de l'heure. Si l'on compte que les gens qui font changer et poser intégralement leur gréement dormant par un chantier en ont pour 1500 à 2000 € minimum, on s'estime très satisfaits.
Voilà donc pour le gréement. Hier, j'ai apporté ma pierre aux travaux en effectuant les connexions électriques du nouveau câble pour les feux de position que Tom a fait passer dans le mât en remplacement du vieux qui nous donnait des feux clignotants (toujours gênant de nuit). Je maîtrise à présent les soudures étain, cosses de connexion et scotch auto-vulcanisant. Aujourd'hui, nous avions prévu de décoller.
La dernière vérification portait sur la jupe en pied de mât (qui assure l'étanchéité au passage coque-pont là où le mât traverse). Quand nous avions démâté, à Sète, on avait positionné des petites cales en bois pour fixer le mât dans l'étembrai. Pour étanchéiser, on nous avait conseillé de confectionner une jupette en néoprène. Or, le néoprène professionnel au mètre n'étant pas donné, nous nous étions rendus chez Decathlon pour acheter trois francs six sous un haut de shorty homme de plongée en promo, qui avait fait merveille pour y tailler une jupette tubulaire de pied de mât. Le problème c'est que le néoprène se gorgeait d'eau sans réellement sécher vite, et que les cales de bois restaient imbibées. Du coup, hier nous avons cru déceler de nouveaux points d'électrolyse (ou de corrosion) sur le mât à la liaison coque-pont à l'endroit des cales. Damned. Aujourd'hui, Tom est donc retourné chez Turbulence pour acheter un produit miracle, bi-composant polymérisé, du même type que le produit "Spartite" vendu plus de 100 euros chez les shipchandlers mais que notre ami Richard (qui doit nous prendre en pitié à la fin) veut bien nous touiller pour un prix modique. Ce produit s'applique en se "coulant" autour du mât à la liaison coque-pont. Une fois la pâte de gomme sèche uniformément, elle devient dure comme du bois pour une stabilité et une étanchéité optimales.
Donc ça nous donne bien 18 jours de travaux pour 18 jours de traversée : un bon ratio, n'est-ce pas ? En vrac :
- ressoudage et pose de la pièce de maintien de la barre franche
- démontage, séchage du sondeur et repose d'un stratifié polyester tout autour
- réparation du génois qui avait cuit sur le point de ragage du balcon avant avec un tissu collant spécial réparation de voiles
- changement de 6 câbles du gréement dormant
- changement du câblage électrique des feux de position
- refonte de la jupe d'étanchéité en pied de mât
Dans tout ça, prenons-nous encore le temps de boire des apéros, nous direz-vous ? La réponse est oui. Nos compatriotes bretons et amis québécois ayant filé en milieu de semaine dernière, nous ne sommes pas restés esseulés très longtemps. Nous avons d'abord eu la visite de l'équipage d'un Super Maramu flambant neuf mouillé à quelques encâblures de Grégal. L'annexe du trio s'arrête à notre hauteur avec cette merveilleuse blague sur les lèvres : "On est en panne... Non, en fait, on vient vous dire bonjour". Mais quelle jovialité ! En fait, le skipper nous annonce tout de go qu'il a un problème avec Max Sea. Il regarde Tom : "Tu connais Max Sea, toi ?". Sur l'affirmative de Tom, il enchaîne, "Bon, hé bien tu viendras à bord voir ce qui cloche avec ma version, qui est pourtant officielle car je l'ai achetée. Tu passes ce soir ?". Manque de pot, nous venions d'être invités par un autre bien plus agréable équipage (des bretons encore!), Gérard, nouvellement retraité, et Philippe, équipier intérimaire recruté par STW. Nous flairons bien le lièvre sur ces propos un peu trop péremptoires mais nous sommes serviables, et cela nous perdra ! Nous laissons donc de côté l'équipage du Maramu pour aller prendre l'apéro le soir même avec Gérard et Philippe avec qui le courant est très bien passé. Ils nous ont même donné (ça c'est de la gentillesse !) leur détendeur de gaz de secours, en entendant qu'on risquait d'attendre longtemps que celui qu'on a commandé nous arrive ! En échange, on les a invité à manger un curry de lambies (la viande des coquillages énormes roses qui s'appellent des conques). On espère bien les recroiser sur la route et pouvoir faire un bout de nav' ensemble, mais pour l'instant ils ont sorti leur bateau, le Betty Boop, pour un carénage bien mérité.
C'est donc le lendemain que nous allons dépanner le Maramu. On arrive, acceuil glacial, même pas dû à la clim' en route. Le propriétaire nous montre son PC portable flambant neuf : "- C'est là". Avec lui, deux amis tout aussi méprisants qui se sont fendus de nous faire un peu la conversation, avec dégoût (on ne les intéresse pas, ces gens-là). Tom passera en tout deux heures a essayer de savoir pourquoi le magnifique GPS du tableau de bord n'envoie pas la bonne position à Max Sea. Au bout d'une heure, il est même allé cherché notre propre GPS USB pour tester. Là, le Max Sea du Maramu a commencé a déconné. Au lieu de prendre son mal en patience, puisqu'on faisait tout pour l'aider, le type se met à s'énerver sur Tom en lui disant que Bravo, maintenant c'est pire, et en le sommant de réinstaller le tout "comme avant". Tom est rentré fulminant, et a mis plus d'un après-midi à se calmer. Heureusement, le soir nous prenions un verre avec nos potes Gérard et Philippe, ce qui a permis de dissiper les mauvaises ondes dans la bonne humeur.
En résumé, partirons-nous demain ? Nous l'espérons, impatients de reprendre notre exploration des archipels et de trouver des petits mouillages paradisiaques. Ainsi, nous aurons de la matière plus agréable pour alimenter nos billets :)