31 mai 2009

Transat retour Bermudes - Açores : J+3

Avant hier, nous avons eu la visite d'un banc de dauphins en fin de journée. Ils étaient une dizaine, toujours aussi rieurs et joyeux à l'approche du bateau. Le rituel est presque à chaque fois le même. Deux sujets viennent d'abord en éclaireurs, longent le flanc du bateau à distance et se rapprochent de l'étrave. Si personne à bord ne se manifeste, les dauphins nageront quelques instants près de l'étrave puis s'éloigneront naturellement. Si en revanche nous nous dirigeons à l'avant du bateau et que nous leur montrons que nous sommes là, que nous leur faisons de grands gestes de salut et que nous leur parlons, tout le banc s'approche du bateau et se met à nous accompagner. Tour à tour, les dauphins les plus proches de la coque, à l'étrave, échangent leur place avec ceux qui sont plus éloignés. Quand ils sont près de nous, qui, placés à la proue au-dessus leur crions notre joie de les voir, ils nagent en se tournant sur le côté et en nous regardant de leur petit œil malicieux, puis font des tours sur eux-mêmes, ou nagent sur le dos, ou sautent joyeusement. Leur visite au milieu de nulle part est une bénédiction et, toujours, un mystère. D'où peuvent bien provenir cette curiosité, cette absence de crainte et cette gentillesse spontanée envers les embarcations humaines ? Tout le temps où nous restons sur le pont, ils nagent près du bateau. Pour s'amuser, nous voyons qu'ils créent de grosses bulles d'air sous la surface, qu'ils prennent plaisir à traverser d'un agile mouvement de queue. Ils répondent à nos appels en caquetant, selon le "rire" célèbre du dauphin. Lorsqu'ils sont très nombreux, ils créent un tel vacarme qu'on les entend depuis l'intérieur du bateau. Avant-hier, lorsque le soir se mit à décliner, nous nous sommes dirigés vers l'arrière du bateau pour rentrer. A ce moment, les dauphins se sont éloignés progressivement. Un ou deux a effectué encore un dernier bond pour dire au-revoir et puis le banc tout entier a disparu, prompt, fluide et rapide sous la surface de l'océan.

Hier matin pendant mon quart, le ciel, bien que gris et chargé de nuages, était égayé de la présence de plusieurs oiseaux de mer. Ils tournaient derrière nous en de grands cercles, prenaient de l'altitude puis descendaient en une longue courbe en planant au ras de l'eau. Je me suis dit que nous devions passer au-dessus d'un banc de poissons et que c'était pour les oiseaux l'heure de la pêche. Certains s'approchaient très près de l'arrière du bateau et passaient au-dessus du cockpit, ce que j'ai trouvé curieux. Nous avons compris un peu plus tard la véritable raison de leur intérêt pour Grégal : à l'arrière, nous avons toujours notre canne à pêche à poste, sur laquelle nous laissons, en navigation, un leurre. Les oiseaux ont été attirés par notre joli rapala orange vif, belle imitation d'un petit poisson en pleine santé, et ils ont fini par nous le chiper ! Nous avons trouvé le fil d'attache sectionné en milieu d'après-midi. Je pense que le petit voleur a dû être bien déçu de sa pêche miraculeuse !

Cette nuit il a plu, mais sans que le vent ne forcisse tellement comme c'était le cas dans les grains tropicaux. La pluie a accentué la sensation d'humidité que nous ressentons plus fortement depuis quelques temps. La nuit, il fait de plus en plus frais, et nous avons dû exhumer la couette des placards car le drap accompagné d'une couverture ne suffisait plus. Le soir venu, les pulls, les chaussettes, les bottes et les cirés font eux-aussi leur grand retour. La journée, nous ouvrons tous les hublots pour profiter du soleil et assainir l'air à l'intérieur. Depuis deux jours, nous avançons vite, même si la mer est bien agitée et les creux marqués. Le vent Sud-sud-ouest oscille entre la bonne brise et le frais. Pour conserver une allure confortable nous remontons parfois un peu plus au Nord, et optons pour une allure plus de travers (en redescendant) quand le vent faiblit (plus le vent nous vient de l'arrière, moins c'est fatiguant, plus on le prend de travers, plus le bateau gite et accélère). La stratégie étant de trouver le bon compromis entre le confort à bord, la vitesse et le cap. Tom passe beaucoup de temps à régler les paramètres du nouveau pilote automatique pour que la conduite du bateau soit optimale (conjurer les départs au lof, négocier les vagues et les rafales tout en conservant le mieux possible le cap). Ce denier possède tout un tas de réglages possible et nous sommes encore loin d'en avoir percé tous les secrets. Le confort à bord est malgré tout très acceptable : nous n'en sommes pas à devoir sortir les plats lyophilisés. Cette météo propice à abattre des milles devrait encore se poursuivre demain (hier, nous avons parcouru 146 milles !), puis vers le 2 juin, le vent devrait faiblir. La distance qui nous sépare des Açores passe sous la barre des 1400 milles. C'est déjà ça de pris.

NB : Julie ("la Marinette"), si par hasard tu lis ce message et que tu as le temps, nous serions ravis de recevoir un SMS de ta part sur notre Iridium pour savoir où se trouve Kiss Mi (position GPS à une heure précise) ! Voici notre numéro : 00 88 163 163 79 46. Merci et à bientôt !

Position à 15h01 (UT-3): 33°34,55N - 57°19,34W
Cap Fond: 086° Magnétique
Vitesse: 6.4 nœuds


30 mai 2009

Transat retour Bermudes - Açores : J+2

SSO 5 à 6 bft. Mer très agitée. Ciel nuageux.
On fonce !

Position à 14h09 (UT-3): 33°36,85N - 59°56,61W
Cap Fond: 079° Magnétique
Vitesse: 6.0 nœuds


29 mai 2009

Transat retour Bermudes - Açores : J+1

C'était pourtant parti comme prévu avec de la pluie, du grain et un bon vent. Dès le départ, le GPS a fait explosé le score avec une vitesse de pointe à 10.1 nœuds (à la descente :)... Mais le ciel s'est éclairci rapidement, en début de nuit, la mer s'est calmée et le vent a molli progressivement pour finir en toute petite brise du SO au matin. Du coup, finit la route directe au grand largue, on tire une vingtaine de degrés plus au sud histoire de mieux exploiter la brise. Aude a démarré le voyage accompagné d'un "mer-calme" dans l'heure qui a suivit notre départ. Depuis elle est en pleine forme. On profite de ces conditions agréables pour s'allonger dans le cockpit avec un bon bouquin ! On tient les 5.5 nœuds de moyenne depuis 2 heures, cool. Demain on pourra peut être refaire du cap avec un vent fraichissant et s'orientant plein sud.
Le moral est au top.

Position à 16h22 (UT-3): 32°49,18N - 62°23,05W
Cap Fond: 096° Magnétique
Vitesse: 5.8 nœuds


28 mai 2009

Transat retour : Dans les starting blocks

Départ dans environ 1 heure de St-George (Bermudes) en direction de Horta (Açores). Environ 1800 milles en route directe (3300 km). Le temps s'est gâté avec de la pluie et de belles rafales mais le vent devient portant et fort depuis ce matin : OSO 5 à 6 bft puis SSO 6 à 7 bft dans les prochaines 72h. Pour la suite ça s'annonce bien avec un SO 5 à 6 bft bien établi pour les prochains jours. On risque donc de se faire allumer pendant les 3 ou 4 premiers jours mais on espère aller vite pour ensuite surfer sur la dépression pendant un bon moment. Avec un peu de chance on peut espérer atteindre les Açores dans 15 à 18 jours.
On vous embrasse tous et on postera un nouveau billet presque quotidiennement. Envoyez-nous des messages via l'Iridium, ça nous fait chaud au cœur !

27 mai 2009

Bermuda, Oh My !

Les Bermudes (Bermuda en anglais) sont, nous l'avons dit, une destination qui sort des sentiers battus comparée à d'autres paradis insulaires (Antilles, Seychelles...). Dans un magasin, j'ai même vu le slogan : "St George : Unspoilt, Uncommon, Unintended" (préservé, singulier, inattendu). Ajoutons à cela que notre petite escapade à Hamilton nous a réservé elle aussi son lot de surprises ! Tout d'abord, notons que l'opération scooter a avorté dans l'oeuf, bien que tout ne fut pour autant pas si mal parti au départ. Ce matin il y avait un soleil radieux, les ferries en provenance de la capitale venaient à peine de déverser leur flot de touristes américains obèses, blancs et flasques, et Tom et moi nous promenions bras dessus, bras dessous, dans les rues pavées baignées de lumière. Arrivés devant la boutique de location de scooters, nous avisons l'écriteau d'information sur les prix affiché en vitrine. 50$ la journée, c'est le prix maxi que nous souhaitions céder dans cette transaction, c'est parfait. On entre. On explique, tout excités, qu'on veut louer une bécane pour la journée. Le type, affable, acquiesce et commence à remplir une fiche pour nous. Pendant qu'il tape dans son fichier informatique, nos yeux tombent négligemment sur une autre feuille de description tarifaire, collée sur le comptoir : le prix de 50$ est en fait majoré de 30$ supplémentaires, "obligatoires et non remboursables", pour assurer l'engin. Le "non refundable" est assez clair mais on tente quand même : "Heu... On les récupère, en rendant le scoot, les 30$ ?". Le type lève sur nous un regard blasé : "Non, c'est bien écrit que ce n'est pas remboursable". Nous : "Donc le prix de la journée de location c'est 50$ + 30$ soit 80$, isn't it ?". "Yes it is". Ok. Bonjour l'arnaque. Et pourquoi donc y écriraient pas tout de suite que le prix à la journée c'est 80$ alors ? Réponse : c'est pour attirer le pigeon. Ainsi, pendant que sa petite amie est en train d'essayer l'un des multiples et ravissants petits casques qui trônent sur les étagères en lui lançant des oeillades hystériques,le pauvre type qui est entré dans la boutique ne peut que ravaler ses 30$ en sus et s'acquitter de ce prix scandaleux sans broncher. Bravo. Heureusement, je n'en étais pas au stade de l'essayage du petit casque à visière et nous sommes repartis illico. Après tout, ce n'était pas dramatique, pour aller à Hamilton, pléthore de bus passent toutes les 10 minutes. Le tout pour 8 dollars aller-retour.

La route pour se rendre à la capitale est superbe. On serpente entre les dizaines d'ilots qui, reliés par des ponts, constituent l'archipel des Bermudes. Entre chaque ilot, les retenues d'eau forment comme une multitude de petits lacs intérieurs, d'une eau bleu vif aux reflets verdoyants bordée de plages de sable rose. Dans le bus, il fait frais : c'est climatisé. Et il y a des boutons pour sonner les arrêts : ça change des vans Toyota bourrés à craquer, où tonitrue un ragga assourdissant, et où il faut cogner sur la vitre comme un furieux pour signifier au chauffeur que c'est ici que l'on s'arrête. Une fois à Hamilton, on est rapidement happé par l'effet "grande ville". Les bâtiments sont hauts, plus modernes, avec ça et là des parcs paysagers et de vieilles cathédrales en pierre de taille qui ponctuent ce décor contemporain. Nous humons dans l'air l'odeur de la vieille Albion, c'est à dire, un indéfinissable mélange de poulet rôti, de pain chaud et de frites. Le centre historique se trouve vers le bord de l'eau, près du Yacht Club. Les maisons sont plus de style victorien que breton. Les boutiques chics alternent avec les restaurants branchés. Mais le clou de Hamilton, ce qui nous a réellement vissés sur place, ce n'est pas tant le décor : ce sont les gens.

Reprenons : nous sortons du bus au terminus central, il est presque 14 heures, les gens se hâtent ça et là pour regagner leur boulot après la pause déjeuner. Nous commençons à nous promener quand Ô, stupeur, on croise un type, la soixantaine soignée, raie sur le côté, avec un bermuda ROSE aux genoux, une chemise blanche, une cravate, des souliers noirs vernis et DES CHAUSSETTES ROUGES QUI MONTENT JUSQU'AUX GENOUX. On regarde à droite et à gauche pour voir si on n'est pas en train de filmer une reconstitution de Benny Hill par ici. Mais non. Pire, alors qu'on est encore sous le choc de notre rencontre, on croise un autre jeune type, métis, en chemise-cravate-bermuda à pinces - chaussettes montantes-chaussures cirées. Il téléphone sur son portable et a l'air très pressé. On relève la tête, à demi hébétés, en se demandant quelle est cette plaisanterie. Et là, on doit bien se rendre à l'évidence : TOUS les hommes d'affaire que l'on croise (ou presque) se promènent dans cet accoutrement. Une fois notre oeil aiguisé, on arrive même à apprécier la subtilité des harmonies : certains optent pour le classique tout bleu marine (le short et les chaussettes), d'autres jettent leur dévolu sur un camaïeu nature allant du vert amande au vert bouteille, d'autres choisissent l'impeccable - et discret - "tout crème". Les jeunes semblent particulièrement férus des chaussettes roses assorties avec une cravate rose aussi (en soie si possible). Les messieurs importants, eux, jouent la carte de l'ultra chic et n'hésitent pas à ajouter à leur tenue un impeccable blaser bleu marine aux boutons de manchette dorés. On dirait qu'ils vont aux courses de lévriers en ayant oublié leur pantalon. Mais le bouquet, l'ultime pied de nez à tous les dress codes professionnels du monde, c'est sans aucun doute le très osé "chaussettes rouge pétant - bermuda assorti". Le vermillon, il fallait oser. Bravo. Du grand art. De l'humour british au trentième degré. Du trash business. Du néo punk version Prince of Wales.

Du coup, notre promenade touristique se transforme vite en traque des bermudas-chaussettes. On essaie toutes les supercheries possible et imaginables pour saisir des instantanés de ces messieurs à la mode improbable : on tient l'appareil photo négligemment à la main en l'orientant vers le haut pour shooter dans la direction de l'individu convoité, je me mets soudain à poser au milieu du trottoir, devant une banque, pour que Tom saisisse le type en arrière-plan, ou encore on laisse passer le monsieur l'air de rien puis on se retourne d'un coup et on le mitraille de dos. Enfin, rien de bien smart, vous en conviendrez. A mille lieues de la classe so british. En rentrant à Saint George, on lira sur Internet que le port du short aux genoux a été expressément autorisé aux Bermudes en raison du climat tropical qui ne permettait pas toujours de porter un pantalon, à condition que le Bermuda (vous savez maintenant d'où vient le mot) soit porté accompagné d'une chemise, d'une cravate, d'une veste de blaser, et de chaussettes montantes. C'est officiel et ce n'est rien qu'aux Bermudes (appel à tous : si vous voyez un homme d'affaire habillé comme ça ailleurs qu'à Bermuda, faites-nous signe !). Et entre nous, ils ont bien raison, ces messieurs, d'affectionner cette tenue à la fois tradi et totalement décomplexée. Moi je dis chapeau aux Bermudas. Yeah man, respect !


26 mai 2009

Bermudian walk ways

En a peine deux jours, les Bermudes nous ont séduit. La petite ville de Saint George, d'abord, premier port où les bateaux viennent trouver refuge le temps d'une escale, est remarquable à plus d'un titre. Nous avions évoqué le calme et la quiétude de cette petite bourgade qui nous avait marqué dès notre arrivée : notre promenade de dimanche a confirmé cette impression d'une ville intemporelle, que les siècles et le progrès n'ont pas réussi à défigurer. Précisons que les Bermudes fêtent aujourd'hui le quatre-centenaire de leur colonisation. A l'origine, c'est un Espagnol, Bermudez, qui a foulé du pied ces îlots bordés de récifs coraliens en 1503. Mais, pour quelque raison que ce soit, il n'a pas revendiqué la propriété de l'île pour la couronne d'Espagne. Les Français ont suivi, près de cent ans plus tard, mais en 1600 la colonisation de cette minuscule terre perdue au milieu de l'Atlantique ne les a pas plus intéressés. C'est finalement un navire Anglais transportant à son bord 150 personnes et des vivres à destination de la nouvelle colonie de Virginie, au Nouveau Monde, qui s'y est échoué en 1609. A l'issue du naufrage, où tout le monde a pu être sauvé, les survivants ont commencé à établir une colonie. Saint George est devenue la capitale des Bermudes trois ans plus tard, en 1612.

Le plus étonnant, quand on déambule dans les rues de Saint George, c'est qu'on a l'impression d'avoir été transporté dans le passé. En effet, la plupart des bâtiments de la ville ont été construits entre le XVIIe et le XIXe siècle, et depuis, les autorités locales ont eu à cœur de préserver ce témoignage architectural en masquant avec soin tout signe de développement ultérieur (les lignes téléphoniques et le câblage électrique sont enterrés, l'éclairage des rues se fait au moyen de traditionnels lampadaires de fer forgé, tous les bâtiments récents suivent la charte architecturale prédominante : construction basses blanches ou de couleurs pastel, avec un toit blanc, en escaliers, destiné à récolter l'eau de pluie, seule source d'approvisionnement en eau douce pour l'île). Pas étonnant que Saint George ait été classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Les petites bâtisses colorées ou blanc immaculé égrènent leurs boutiques antiques, derrière d'authentiques bow windows (verandas arrondies typiques des maisons anglaises). Les panneaux en écusson des échopes se balancent au vent, et le tout est si bien conservé que rien ne fait artificiel. Boulangerie à l'ancienne, marchands de cigares, de pulls irlandais, old perfumery, salon de thé qui laisse entrevoir, derrière sa vitirine couverte de dentelle, des présentoirs à gâteaux et des chaises roses autour de petites tables rondes, petit jardin botanique où les palmiers immenses et les bancs de pierre plusieurs fois centenaires disputent la vedette aux parterres de fleurs soignés, et une multitude de petits musées accrochent le regard et attisent la curiosité. Sur la place du village où trônent l'hôtel de ville et la Bermudian Bank, avec leurs lourdes portes de bois ciré, on trouve une authentique taverne tapie dans un bâtiment du XVIIIe siècle : le "White Horse", qui sert des pintes de bière fraîche comme il se doit, avec vue sur le port.

En quittant la rue commerçante et en empruntant à l'aveuglette l'une des nombreuses ruelles pavées qui montent vers la colline, on entre dans la vieille ville. Pas de crainte de se perdre, ici tout est petit et on fait le tour de Saint George à pied en quelques minutes. Les maisons basses aux murs blanchis à la chaux ou délicatement teintés ont toutes un ravissant petit jardin où poussent bougainvillées, orchidées, hibiscus ou fleurs de prairie. Dans le dédale des rues, on entend les oiseaux chanter, et on apprécie le silence. Au détour d'une rue, on peut déboucher sur une église datant de 1610, endormie au milieu d'un minuscule cimetière où la plupart des inscriptions gravées sur les tombes, vieilles de plusieurs siècles, ont été effacées. On peut aussi tomber sur la petite maison du premier esclave affranchi pour ses qualités de capitaine de navires. Certaines habitations aux blanches cheminées accolées à leurs flanc font penser aux maisons que l'on voit en Bretagne, le toit de chaume en moins. Dans la lumière blanche et crue, les murs blancs font aussi penser à la Grèce.

En haut de la colline se trouve une vieille église inachevée, posée sur un tapis d'herbe verte. En continuant sur la route, nous sommes arrivés sur un terrain de golf qui domine la baie de Tobacco (hé oui, il s'agit ici de Tobacco Bay , à ne pas confondre avec les Tobago Cays) et descend en pente douce jusqu'à la plage. Au loin, le récif corallien donne à la mer des tonalités de turquoise riches et variées. Au bord de l'eau, se dresse le fort de Sainte Catherine, qui protégeait autrefois l'île avec ses nombreux canons et sa vue imprenable à plusieurs milles à la ronde. Halte obligée dans le petit pub qui se trouve là, le Blackbeard's Tavern.

Je crois que nous avons retrouvé ici aux Bermudes, au milieu de nulle part, le charme de la vieille Angleterre qui nous avait tant plu à Oxford, ville intemporelle où l'on s'est rencontrés, alors tous deux étudiants. Tom me dit qu'il se verrait bien vivre ici 6 mois par an, ce qui me fait sourire, moi qui le harcèle depuis toujours pour qu'on aille vivre au pays de l'Union Jack. Demain, nous essaierons de louer un scooter (qui semble être le mode de déplacement privilégié des touristes) pour aller visiter la capitale, Hamilton, qui a détrôné St George en 1815. Sinon, un créneau météo se confirme pour le 28 mai, date à laquelle nous allons sûrement lever l'ancre. En attendant, nous profitons des Bermudes et des longues marches dans les ruelles et les jardins préservés, comme une parenthèse hors du temps, avant de reprendre la mer.

25 mai 2009

Balade du dimanche






23 mai 2009

Transat retour : J+7 : Arrivée aux Bermudes !

Arrivée aux Bermudes, St Georges Harbour, à 16h30 heure locale ! Après 6 jours et 22 heures de mer, 865 milles parcourus, on n'est pas fâchés de faire une petite pause récup' ! Ici le paysage change, même si quelques palmiers subsistent, il y a davantage de conifères, c'est comme un pont entre les Caraïbes et le Québec. A l'approche de l'île, on s'est fait guider à la radio VHF par un type super smart de Bermuda Radio, la grande classe britannique avec l'accent en prime. Le port de St Georges est une petite enclave dans les terres, sur une eau bleu turquoise foncé. Autour de nous, le calme est impressionnant : pas un bruit, pas une voiture qui ne circule à terre, on entend les oiseaux !
On tient à tous vous remercier pour vos nombreux commentaires (même si on ne peut pas les lire en mer, on les consulte dès qu'on est à terre !), on est heureux de vous savoir avec nous pendant les traversées ! Pour ne pas démentir la folie cinématographique créatrice du capitaine, voici la première vidéo (celle de l'arrivée).




22 mai 2009

Transat retour : J+6

Deux jours au près serré dans la bise du Nord-Est : voilà la juste monnaie de la pièce pour les trois jours passés à folâtrer dans la brise légère ! La mer s'agite, se creuse, nous envoie une perfide petite série de vagues rapprochées et Grégal se cabre, s'élance sur les rouleaux, négocie fièrement son passage en fendant les lames qui se succèdent à l'étrave mais parfois il échoue, s'envole comme sur un tremplin, suspendu une seconde dans le vide, pour retomber à plat de tout son poids dans un bruit de fracas en faisant vibrer son mât et toutes les fibres de sa coque polyester. A chaque fois, je crains qu'il ne se rompe en deux, mais Tom me dit qu'il n'y a aucune chance. Le calme des nuits est précaire, ponctué par le marteau de la coque sur l'eau et l'inévitable gîte qui nous ôte sournoisement nos forces. Cette nuit, on a dû se dérouter à cause d'un cargo peu scrupuleux qui traînait là, à l'arrêt, tous feux dehors, pas du tout enclin à bouger ni à se demander s'il gênait ou non le passage. Nous alternons nos quarts même en journée, pour récupérer. On donne aussi dans les épinards en boîte, comme Popeye, pour essayer d'y puiser un élan miraculeux. Ça ne marche guère mieux que les abricots moelleux en sachets, mais au moins c'est vite prêt. La bonne nouvelle, c'est que les Bermudes ne sont plus qu'à 138 milles, et que nous devrions arriver demain en début d'après-midi. A priori, cette petite halte nous permettra de nous refaire une santé pendant trois ou quatre jours, car un créneau météo probable semble se profiler autour du 27 mai. J'espère que les iguanes nous feront l'honneur de sortir leur tête dans ce petit intervalle, à moins que nous ne nous fassions aspirer dans une faille spatio-temporelle d'ici-là. La prochaine fois, je scruterai mieux la nuit d'encre pour savoir si le cargo en question n'était pas un croiseur de l'armée de 1945.

Position à 14h32 (UT-4): 30°03,79N - 64°29,12W
Cap Fond: 012° Magnétique
Vitesse: 5.8 nœuds


21 mai 2009

Transat retour : J+5

NE 4 à 5 bft. Mer agitée. Ciel nuageux, s'éclaircissant cet PM. Allure près serré.
Espérons que le vent va tourner davantage secteur Est pour redresser le tir et mieux dormir.
Touti va bene. :)

Position à 14h14 (UT-4): 27°53,30N - 64°21,45W
Cap Fond: 007° Magnétique
Vitesse: 4.2 nœuds



20 mai 2009

Transat retour : J+4

Dans trois heures, nous signerons notre 4e jour en mer dans la remontée vers l'Atlantique Nord. Et non, la séquence frissons avec vagues scélérates, grains et quarts écourtés n'est pas (encore ?) d'actualité, pour l'instant c'est du calme, du calme, du calme ! Autour de nous, il n'y a rien que cette belle mer bleue, et ce soleil ! La brise nous pousse gentiment, entre 4 et 6 nœuds, selon les moments de la journée. Sauf l'après-midi, à l'heure de la sieste, où le vent daigne soudain nous abandonner et c'est alors que notre bon Volvo reprend du service. Oh, pas très longtemps, allez, juste deux ou trois heures par jour. Pendant ce temps, on profite du peu de gîte pour s'empiffrer : hier, poulet au curry - Oui ! du VRAI poulet mis en conserve par mes soins à Bequia, alors que je n'avais rien de mieux à faire, et qui se trouve sublimé, avec une boîte de lait de coco, une gousse d'ail, deux oignons et de la pâte de curry au gingembre... Aujourd'hui, galettes bretonnes, attention : pas de vulgaires crêpes de blé blanches, molles et sans tenue, non, les galettes traditionnelles, celles que j'ai appris à faire avec Manu-le-Breton, croustillantes et dorées. Farine de blé noir, œufs, fromage, tomate fraîche, fondue d'oignons et tranches de sauc', tout un programme.
Tout est si paisible qu'on a l'impression d'avoir loué un studio au bord de la mer. Quand on émerge enfin d'un long quart de sommeil, on met le nez dehors, dans cette lumière blanche et cette petite brise fraîche, et on regarde la mer, qui clapote à perte de vue. Pas un bateau depuis le dernier cargo, seuls quelques oiseaux peuplent sporadiquement ce paysage océanique. Et ce n'est pas pour autant qu'on se traîne, loin de là. Tom a reporté les points de notre trajet sur la carte papier de l'Atlantique (que l'on s'est procurée, cette fois, parce qu'à l'aller on n'en avait pas et ce n'est pas bien) : on fait du 125 milles en moyenne par jour (225 km), au bas mot ! Tom chante sur du Damien Rice, médite et passe du temps à trifouiller sur l'ordinateur, et moi je lis, je lis comme jamais : je peux dévorer un livre en une journée ! Là, je me perds un peu dans les brumes britanniques de D.H. Lawrence, mais dans notre bibliothèque, il y en a pour tous les goûts. Avant de partir, à Saint-Martin, on a trouvé chez la lavandière du Canal, tout un pan de mur pour des échanges de livres. Laissant ceux qu'on avait lus en échange, on a pioché tous azimuts, inspirés par les couvertures, les titres, les résumés au dos, l'allure jaunie, ou les conseils de la lavandière en personne. Nous traçons toujours notre route vers les Bermudes. Trop tôt encore pour dire si on a un créneau pour décrocher ou si on ira voir les iguanes. Inch'Allah... d'accord ?

Position à 16h04 (UT-4): 26°00,09N - 63°38,33W
Cap Fond: 357° Magnétique
Vitesse: 4.7 nœuds


19 mai 2009

Transat retour : J+3

La mer est belle avec une longue houle du NNE diminuant depuis ce matin. Grand ciel bleu, petites brises de secteur Est, 27°C à l'ombre. Apéros dans le cockpit avec musique d'ambiance. Petits plats délicieux le midi et le soir. Longues nuits de repos. Tout ça a évidemment un prix : environ 4 nœuds. Mais alors c'est le grand confort à bord !
Ce midi le moteur à reprit du service à 1800 tours pour nous aider à gonfler les voiles. Encore une petite fuite d'huile de je ne sais pas vraiment d'où, la-bas, derrière le carter. Pas de quoi s'inquiéter, rien de bien méchant à mon avis.
2 poissons volant ont fini leur vol dans le cockpit, 1 autre éclaté dans le génois.
Pas grand monde en mer, seulement quelques porte-containers dans la nuit, des oiseaux et une baleine hier matin.
On se délecte de ces moments de bonheur.

Position à 14h24 (UT-4): 23°53,16N - 63°29,29W
Cap Fond: 11° Magnétique
Vitesse: 4.5 nœuds



18 mai 2009

Transat retour : J+2

6h00. Le soleil vient de se lever au milieu des couleurs de l'aube. Il a arrondi le haut d'une boule rouge dans l'aura d'un ciel mauve, orange et bleu. Il n'y a pas pour moi de spectacle plus apaisant. Au loin, un énorme porte-container traine sur la ligne d'horizon, immobile, comme un gisant. Avec les premiers rayons du jour, la brise thermique s'est levée sur l'océan, tirant Grégal de sa torpeur nocturne. Après le calme salvateur de cette nuit, il a repris peu à peu son allure de croisière tranquille sur une mer sans vagues. Dire qu'hier, à la même heure, j'étais recroquevillée sur ma couchette, par une gîte à 45°, alors que l'étrave du bateau martelait sans relâche les rouleaux de la houle du nord, et que je priais pour que ça s'arrête ! Quand on n'est pas amariné, qu'on a la tête dans un étau et la nausée au bord des lèvres, remonter au vent dans des conditions sportives tient du chemin de croix. Luttant contre la force centrifuge qui vous plaque contre le flanc couché du bateau, il faut se cramponner à tout ce qui se présente et concentrer ses forces pour mettre un pied devant l'autre pour avancer à l'oblique, tel un vieillard malade. Dehors, les vagues lancent des assauts continus contre le nez du bateau qui plonge et se relève dans des gerbes d'écume qui viennent inonder tout le cockpit. Impossible de se tenir dehors : on fait la veille dedans, et on prie pour ne pas se faire arroser par une trombe quand on passe la tête par la descente, toutes les dix minutes. A ce stade, la moindre accalmie est vécue comme une libération, et celle qui est intervenue cette nuit a été pour nous une trêve inespérée, même si elle est aussi synonyme de ralentissement sur le parcours.
12h00. Le vent est poussif et Grégal avance doucement, à 4 nœuds en moyenne. La mer est toujours calme, ses longues ondulations lisses espacées de plus de 50 mètres roulent paisiblement. Il y a un soleil magnifique. Le fond de l'air commence à fraîchir, on le sent nous piquer le visage sous le vent comme par une belle matinée de printemps. On ouvre à nouveau les hublots, on prend des bains de soleil sur le pont en félicitant le dévoué pilote de nous conduire si habilement. On prend le temps de cuisiner. On apprécie enfin d'être en pleine mer sans rien pour venir nous déranger.
15h00. La brise tourne légèrement Est et on accélère jusqu'à un peu plus de 5 nœuds en moyenne. Ça devrait continuer comme ça dans les deux prochains jours. Certes, on est à nouveau loin d'abattre nos 150 milles journaliers mais au moins on récupère et on dort comme des princes. Il faut simplement que l'on évite la totale dévente. Normalement, on longe les bords de la dépression qui sévit au Sud-Est des Bermudes et on évite le cœur de pétole. On reste vigilants sur la météo : on trace au nord vers les Bermudes en attendant de voir si un créneau nous permettra de décrocher à l'Est et de trouver des vents d'Ouest qui nous poussent.

PS : hé non Fa, le Betty Boop ne nous a pas rejoints !

Position à 15h22 (UT-4): 22°00,59N - 63°25,94W
Cap Fond: 14° Magnétique
Vitesse: 5 nœuds


17 mai 2009

Transat retour : J+1

ENE 5 bft. Beau temps, mer très agitée dans la nuit, s'améliorant depuis ce matin. Près bon plein cap 13° sur waypoint théorique à 300 milles au SSE des Bermudes. Les conditions sont assez éprouvantes, on se fait rincer par quantité de vagues scélérates  mais le bon côté des choses c'est qu'on fonce grave. 154 milles parcourus sur les dernières 24h (6,4 nœuds en moyenne) avec la houle du nord dans le nez. Aude peste contre la gîte qui nous oblige a tenir debout par 45° mais après un amarinage toujours difficile, ça commence à aller mieux. Le pilote a fait quelques blagounettes au début mais dans l'ensemble il s'en sort comme un chef. Comme un dieu même ! On dirait qu'il barre avec les fesses: anticipation des départs au lof et le bateau, malgré l'état de le mer, ne tape quasiment jamais. C'est bluffant de le regarder faire.

Position à 15h26 (UT-4): 20°14,47N - 63°15,66W
Cap: 13° Magnétique
Vitesse: 6 nœuds



16 mai 2009

Départ de St Martin

13 mai 2009

Route de transat' retour : les options

C'est quoi la route optimale du retour au fait ?

Via les Bermudes, route directe sur les Açores, etc... On entend de tout. Comme forcément, je me suis renseigné sur la route optimale pour la transat retour jusqu'au Açores, je vous fait un compte rendu de ce que j'ai retenu.

Si on s'en réfère aux puristes : la route se fait en 2 étapes, via les Bermudes.
Si on s'en réfère aux champions des pontons, genre ceux qui roulent en Amel (Oops... c'est parti tout seul), c'est la route directe avec probablement 10 bons jours de moteur. Inconcevable (et irréalisable) pour nous.
Si on s'en réfère aux Pilot Charts, la route la plus favorable devrait être comme suit: Cap au nord , puis à 200 milles au sud des Bermudes on bifurque à l'Est en direction des Açores. On devrait ainsi profiter des alizés jusqu'au Bermudes (faiblissant sur la fin) puis les dépressions formées au nord du globe prennent le relais pour nous pousser vers l'Est. On profite également de courants favorables (poussant à l'Est) à partir de la latitude des Bermudes.

J'ai sous le coude une prévision météo pour le lundi qui vient et qui colle pile poil. Les flèches indiquent la direction du vent. Plus elles ont de barres, plus le vent est fort.


La trace en bleu, dessinée pour l'exemple, c'est la route optimale pour Grégal: Presque toujours entre 10 et 20 noeuds de vent. Quand le vent est faible (aux abords de la zone de pétole), on le taquine de travers, quand il est plus fort, on le laisse nous pousser.
Bien.
Maintenant je vous montre les prévisions trois jours plus tard et vous allez comprendre pourquoi faire un plan avant le départ c'est du délire.


C'est la grosse looze autour des Bermudes, il faut dépasser le 37ème° Nord pour commencer à chopper du vent. Si on se trouve dans le coin des Bermudes à ce moment là, alors autant s'y arrêter et attendre des conditions plus favorables pour rejoindre les Açores.

Les conditions météo varient du tout au tout sur 3 ou 4 jours. Ma conclusion c'est donc: prendre la météo quotidiennement et aviser en fonction des tendances pour les 3 prochains jours. Monter au moins jusqu'au 28°N, à partir de là tirer progressivement au NE si le vent est favorable, sinon continuer en direction des Bermudes jusqu'à ce qu'il le devienne. Entre les Bermudes et les Açores: descendre quand les dépressions s'excitent au Nord et remonter quand c'est trop calme.

10 mai 2009

Saint-Martin : dernière escale Antillaise

Saint-Martin est surnommée "le petit Hong-Kong des Antilles", en raison de son statut de port franc. En effet, c'est, avec Saint-Barth toute proche (moins de 10 milles), la destination rêvée pour un tourisme de consommation, de luxe et de vie la nuit. Saint-Martin est le plus petit territoire au monde a être partagé entre deux états. En effet, l'île est française, au nord, et hollandaise, au sud (Sint Maarten). En s'approchant en bateau dans la baie de Marigot (côté français), on aperçoit des petites constructions aux toits rouges, bordées de palmiers, sur fond de collines verdoyantes, un peu comme aux Saintes en Guadeloupe. A terre, la place du marché est assez jolie, avec son petit kiosque au centre et ses préauts en tuiles rouges. Il y a une rue principale, qui s'étire le long du bord de mer. On y trouve toutes les plus grandes boutiques représentatives du chic français : créateurs de mode, bijoutiers, parfumeurs. Elle mène vers l'ancienne marina de la ville, entourée de beaucoup de restaurants. A priori, il y aurait pléthore de night clubs autour du petit centre ville mais nous n'y avons pas mis les pieds, ce qui n'est à mon avis pas le cas des nombreux jeunes jet-setters qui se promènent dans le coin. Saint-Martin, qui a un statut de port franc, fait tout pour attirer l'argent. Ici, le roi, c'est le dollar (et les touristes américains qui vont avec). D'ailleurs, les magasins affichent ouvertement une double tarification en euros et en dollars, et, si certains proposent un taux de change, beaucoup ne s'embarrassent pas avec les calculs et pratiquent la politique du 1 euro = 1 dollar. Évidemment, quand on a vu ça, on s'empresse d'aller retirer des dollars au plus vite, pendant que le taux de change nous est encore favorable. Saint-Martin est aussi bien pourvue en magasins dits "Duty Free". On peut y marchander, auprès de vendeurs essentiellement chinois ou indiens, des appareils hi-fi dernier cri, de l'électroménager, des lunettes de marque, ou des bijoux. Nous avons par hasard parcouru le quartier des écoles et des lycées. Ici, les établissements ont opté pour le même code vestimentaire qu'en Guadeloupe ou en Martinique : les élèves portent tous un t-shirt de même couleur en haut et un jean en bas (ou quelque chose en jean). Les couleurs des t-shirts changent avec les niveaux des classes. C'est la version décontractée de l'uniforme anglo-saxon. Le plus étonnant, quand on déambule au milieu des écoliers et collégiens, c'est qu'on les entend parler anglais. Ce "broken english" créolisé caractéristique des antilles anglophones. Ici, à Saint-Martin, si les commerçants et restaurateurs de la rue principale parlent français, le reste de la population parle anglais. A priori, cela est dû au passé historique de l'île. Jusqu'à l'abolition de l'esclavage, Saint-Martin était une plaque tournante pour envoyer les esclaves dans les différentes îles caribéennes. Avec l'abolition de l'esclavage, les colons français sont presque tous rentrés au pays. De fait, la langue d'expression courante est devenue l'anglais.
Nous avons, par curiosité, voulu aussi visiter le côté hollandais. Là-bas, la consomania est encore plus ostentatoire. Phillipsburg, la capitale, est coincée sur une bande de sable entre mer et étangs, ce qui ne l'empêche pas de regorger de magasins détaxés, de bijouteries de luxe ou de détaillants d'alcools et liqueurs et tous genre. Les indiens une fois de plus règnent en maîtres sur les boutiques de luxe, impeccablement habillés de costumes chics et de chemises immaculées. S'ils vous trouvent intéressé par l'un de leurs articles, ils n'hésitent pas à faire baisser les prix avant que vous n'ayez ouvert la bouche : de vrais pros. Dans la rue où raisonne un brouhaha assourdissant de musique techno ou de pop édulcorée, les touristes se promènent avec des sodas à la main et des sacs pleins les bras. C'est à se demander s'ils sont venus pour la plage ou pour les magasins.

Bien au calme au mouillage (ou presque, parce que le roulis provoqué par l'incessant ballet des bateaux à moteurs est relativement désagréable), Grégal attend patiemment que l'on ait fini tous nos préparatifs pour la traversée retour. Depuis que nous sommes arrivés, nous avons déjà pu faire les 3/4 de notre avitaillement (dans de grands hypermarchés incroyablement bien fournis en produits français de toute sorte : on se croirait chez Carrefour - aller voir notamment US Import, derrière le chenal d'entrée dans la marina de Port La Royale, où se trouvent en autres Budget Marine et une laverie : on peut laisser son annexe au ponton, s'armer d'un caddie et partir pour un gros plein de courses).

Nous avons aussi investi, principe de précaution oblige, dans un tout nouveau pilote automatique. C'est la version améliorée toute récente de notre vieux Raymarine ST 4000. Le principe est le même, un vérin, un compas, mais cette fois est incorporé un calculateur avec giroscope intégré. Tom a mis moins d'une demi journée à installer ce fameux "Raymarine Smart Pilot X-5 Tiller". Ensuite, hi-tech oblige, pour configurer l'engin, il a fallu aller le calibrer en mer. Toutes sortes d'exercices (comme faire des ronds dans l'eau à moins de deux noeuds pour calculer la déviation du compas) ont été nécessaires pour parvenir aux réglages optimums. Il y a même une séance dite "d'auto-learn" où le pilote effectue tranquillement tout seul une quinzaine d'étapes de tests. Nous avons ensuite pu tester le tout sous voile : le résultat est prometteur ! Le pilote est sensible et amortit très bien les effets de vagues ou départs au lof, tout ça dans un ronronnement à peine perceptible : le top ! Ce qu'il y a de bien à Saint-Martin, c'est que ça vaut aussi le coup pour acheter du matériel électronique ou de l'équipement de base auprès des shipchandlers. Non seulement on ne paye pas la TVA, mais en plus on bénéficie de promos obscures dues aux effets de marge plus aisés. Ainsi, notre X-5 Tiller bénéficiait d'une remise de - 20%. Il nous est revenu à 815 euros au total, ce qui est très raisonnable comparé aux tarifs de France pour le même appareil.
Aujourd'hui nous avons fait une mission "grande lessive" + gaz. A notre grand damn, il n'y a qu'un seul magasin qui propose la consigne et l'échange des bouteilles Campingaz petits modèles. Il s'agit du magasin de bricolage "Home and Tools", à la sortie de la ville (10 minutes à pieds) direction Phillipsburg. Monopole oblige, leurs tarifs sont exhorbitants : 24 euros la recharge. Donc astuce : il vaut mieux changer ses bouteilles avant, là où c'est peu cher (genre Bequia où c'était moins de 15 euros).

Et puis, nous attendons le créneau météo favorable. Celui qui nous évitera un vent de Nord-Est bien dans le nez pour remonter vers les Bermudes. Manque de pot, après une semaine de Sud-Est (quand nous étions à Antigua), le vent à tourné Nord-Est. A priori, ça va durer encore quelques jours, mais on n'est pas non plus trop pressés. Le bon créneau pour traverser continue encore jusqu'à fin mai. Et puis, on attend des nouvelles de Gérard de Betty Boop, pour savoir s'il arrive bientôt de la JamaÏque. Nous avons aussi recroisé - incroyable ! - Daniel l'Argentin et le skipper du bateau Onyx. Partis de Guadeloupe, après trois jours de navigation vers les Açores, ils ont eu une voie d'eau, et se sont repliés sur Saint-Martin. Nous avons aussi revu la petite famille du catamaran Téoula avec qui nous avions passé le réveillon de Noël à la Barbade. Nous attendons donc patiemment le bon moment, bien certains que tout vient à point à qui sait attendre.

6 mai 2009

Petit paradis... (Antigua)

Quittant English Harbour dans la grisaille, nous nous dirigeons vers l'Ouest d'Antigua, pour un dernier mouillage sauvage avant de mettre le cap sur Saint-Martin. Nous nous arrêtons en fin d'après-midi devant la petite plage de Stony Horn, dans la baie de Five Islands Harbour, ravissante malgré la pluie et le brouillard alentour... Le soir venu, le vent souffle en rafales impressionnantes et nous ne sommes pas très confiants au niveau du mouillage. Après une nuit d'inquiétude, nous nous réveillons au petit matin. Nous ouvrons la descente et restons bouche bée devant le spectacle qui s'offre à nous : Grégal est seul dans la petite anse qui, avec le retour du soleil, s'est parée de nuances de turquoise tout à fait sublimes et irréelles. Quelle surprise !













Nous profiterons de deux heures splendides à déambuler sur la plage déserte et à nous baigner dans les eaux cristallines, jusqu'à ce que la pluie revienne... En milieu d'après-midi, une marche d'un peu plus d'une heure (écourtée cependant par deux anglais qui nous prennent en stop jusqu'à la ville) nous mène jusqu'à la marina de Jolly Harbour. On en profite pour faire notre clearance de sortie et un peu d'avitaillement. Le retour est un peu plus long, faute de bonne âme pour nous prendre en stop. On arrivera finalement à retrouver le mouillage à la lueur de la lune. Demain : direction Saint Martin !

4 mai 2009

English Harbour, Antigua

Après le calme de Green Island, pourquoi ne pas s'offrir une escale hors du temps à English Harbour ? Situé au sud d'Antigua, English Harbour, construit par l'amiral Nelson au XVIIIe siècle, a tout gardé de son charme militaire colonial d'antan. Le port est enserré de bâtiments d'époque magnifiquement restaurés. Il y flotte une atmosphère paisible, comme le confirme la vue de l'unique canon rescapé qui n'a plus rien à surveiller qu'une vue imprenable sur l'océan et les va-et-vient tranquilles des voiliers de plaisance.

Il y a à peine trois jours toutefois, English Harbour était encore animé de la fièvre du plus grand évènement sportif de l'île, L'Antigua Sailing Week, qui a lieu chaque année à la fin du mois d'avril. C'est alors l'occasion pour le touriste de passage d'admirer les centaines de voiliers venus du monde entier s'affronter dans les régates (tous types, tous niveaux confondus) qui ont fait de cette course l'une des plus réputées au niveau international. Pour nous, point d'effervescence en perspective : les rares stands encore debouts étaient en train d'être pliés, et bon nombre des bateaux participant avaient déjà quitté le port. Il ne nous restait plus qu'à profiter de la quiétude des lieux en vagabondant parmi les nombreux pubs et restaurants de la baie.








3 mai 2009

Antigua, Green Island

Nous avons quitté la marina de Bas-du-Fort jeudi 30 avril et nous avons mis le cap plein Est, sur Saint-François. Les conditions météo étaient idéales, peu de vent, secteur Sud-Est : en tirant de longs bords nous sommes arrivés en fin d'après-midi devant l'entrée de la passe du lagon de Saint-François. Très honnêtement, je déconseille à quiconque d'arriver là-bas de nuit : la passe est entourée de récif coralliens qui affleurent dangereusement, et bien que balisée de bouées, il faut bien passer au centre pour ne pas risquer de frotter sa quille au mauvais endroit. Juste avant l'entrée de la marina, il y a un tout petit triangle où l'on peut mouiller par 2,5 mètres de fond et moins. Nous y avons trouvé un refuge acceptable pour la nuit. Heureusement pour nous qu'il n'y avait pas trop de houle, car nos 1,82 m de tirant d'eau n'aiment pas flirter avec des fonds de 2 mètres.

A ce propos, le lendemain, 1er mai, nous avons bien failli la planter, notre quille, dans des fonds de moins de 2 mètres. Le premier mai est un jour où il vaut mieux manifester que de ne rien faire. Un peu honteux de nous la couler douce sur notre voilier, nous avons mis le cap sur Petite Terre, jolie réserve naturelle au sud de Grande Terre qui constitue un parfait petit havre de paix, où évoluent paisiblement des dizaines d'iguanes. Seulement, l'approche n'est pas des plus aisées. Pour atteindre l'unique mouillage entre les deux petites îles, il faut s'engager dans une passe par moins de 2,5 mètres de profondeur. Or nous faisons l'erreur d'arriver à marée basse. Nous sommes accueillis aux abords de l'île par deux beaux grands dauphins gris, qui gazouillent à l'étrave en nous regardant de leur petit oeil rieur, comme pour nous encourager. Seulement, le fond diminue très vite et nous passons plus vite que prévu sous la barre des deux mètres. Au fur et à mesure que Grégal progresse, lentement, je plonge avec mon masque en le suivant pour vérifier la marge que nous avons : elle se trouve être de moins de 30 centimètres. A la moindre vague... Dépités, nous faisons demi-tour. Une bonne résolution ratée en cachant bien souvent une autre vivace, nous décidons de ne pas rentrer bredouille sur Saint-François et mettons le cap directement sur Antigua. Il est 16 heures et nous profiterons agréablement de cette navigation de nuit pour atteindre l'île, à 55 milles au nord.

La navigation de nuit est un plaisir : Grégal file sur une mer peu agitée, et nous fait des prouesses de vitesse au bon plein, en guise de remerciement sans doute pour cet antifouling tout neuf. Nous atteignons la côte d'Antigua comme prévu, au lever du soleil. Le mouillage sur lequel nous jetons notre dévolu se trouve dans Non Such Bay (un nom rigolo : « La baie qui n'a pas son pareil ») sous le vent d'un petit îlot nommé Green Island. L'endroit, décrit comme « un petit paradis » dans les guides, ne fait pas mentir les auteurs. L'île est bordée de petites plages de sable qui s'avancent dans une eau claire entre les barrières de corail. Nous partons à l'aventure pour débusquer des iguanes, mais ne trouverons que des touristes venus profiter de ce long weekend de mai.














Aujourd'hui, nous avons été invités à l'apéro par un autre bateau Français, un couple de retraités qui se promènent aux Antilles depuis 6 ans. Ils trouvent que c'est très tôt pour prendre une année sabbatique, et nous on se dit que ça sera une raison de plus pour en reprendre une plus tard. En fin d'après-midi, re-nav superbe tout au travers pour rejoindre English Harbour par le sud de l'île. L'endroit est une enclave dans la mangrove, encerclée par un fort imposant qui date du XVIIIe siècle, époque où les anglais régnaient en maîtres sur les lieux. De nos jours, l'ambiance est devenue plus apaisée et nombre de voiliers mouillent ça et là, dans une joyeuse entente, au milieu des maisons coloniales reconverties en restaurants et des restes de fortifications (où, sans nul doute, se promènent les iguanes au clair de lune).