20 mai 2008

On a de la place sur Grégal

Ça n'a rien a voir mais ce soir j'ai retrouvé une photo au fin fond d'un vieux backup alors que je m'attelais à nettoyer quelques octets. Ça date de l'hiver 2001, au Moral's Bar à Oxford.
Au centre, Zanet, la star.

Le trajet prévu

Ça c'est le trajet prévu. Celui qui par nature, ne correspond jamais au trajet réel. On aimerai en faire plus, notamment au début en méditerranée pour rejoindre la Sicile et pourquoi pas la Grèce. On verra. L'important pour nous ce n'est pas seulement de naviguer mais c'est aussi de prendre le temps de vivre au rythme de nos envies. Rester une durée indéterminée dans une petite crique parce qu'on s'y sent bien et parce qu'on a pas de date de retour, j'en rêve.
Donc ce trajet, il vaut ce qu'il vaut. Quoiqu'il en soit, le voyage sera celui qu'on voudra faire au jour le jour, au gré des éléments qui nous entourent.

Mise à jour : en rouge, le trajet réel du voyage (lorsqu'il est différent du trajet prévu).

17 mai 2008

Glénans acte II

Il fait beau, mon sac à dos est prêt : sac de couchage, lampe de poche étanche, crème solaire et gants de mer... Un pack qui a un petit air de déjà vu ? Et bien oui, il est temps pour moi de me frotter aux cours de voile des Glénans pour l'acte II de ma formation expresse avant le départ. Cette fois-ci point de petits navires de 5 mètres, nous embarquons sur un voilier habitable flambant neuf, spécialement dessiné par les chantiers Dufour pour l'école des Glénans. 32.5 pieds de concentré d'efficacité et de confort à bord. Grégal fait 33 pieds. Et pourtant, l'impression d'espace sur le Dufour est exagérément incomparable : salle de bain avec douche et chauffe-eau et cabine deux places à l'arrière, vaste carré, cuisine en L avec eau sous pression, frigo et placards, cabine avant avec penderie et placards. On peine à savoir où ils ont pu trouver tant de place avec en prime la hauteur sous barreau qui permet même aux plus grands d'évoluer dans chaque pièce sans être plié en quatre. Mais - car il faut bien un "mais" - point de belles boiseries vernies qui donnent tant de charme à un intérieur de bateau : la construction Glénans c'est du mélaminé imitation bois. Et ça n'a rien à voir.
Arrivée encore un peu foirée question timing, mais juste le temps de rejoindre les autres qui vont constituer le reste de l'équipage. 4 hommes de 40 à 60 ans, des profils différents, des carrières réussies, et pour tous cette envie de savoir ce que ça donne, la voile en embarqué, le temps d'une pause dans un quotidien professionnel et familial bien rempli. Le plus jeune, ce n'est pas moi, même si je suis la seule femme, c'est notre moniteur. Il s'appelle Maël, 19 ans, avec 8 mois intensifs de Glénans à son actif et à plein temps, histoire de passer son monitorat. C'est le premier stage qu'il a l'occasion d'encadrer seul. J'ai moi-même été bluffée par son parcours, car au vu de son attitude ultra sécuritaire et de son comportement de marin responsable, il aurait pu être né dans un environnement familial de voileux, ça lui aurait collé comme un gant. Mais non, apparemment. Comme quoi tout s'apprend.

Le premier jour nous a donné l'occasion de tracer une route du Cap d'Agde, notre point de départ, à Sète. Beau temps, brise légère, belle mer, on révise les tenues de cap et les allures. Nouveauté pour moi : toutes les heures, on se colle à tour de rôle au journal de bord, le temps de noter notre position, la météo, et autres données de navigation. Maël vérifie seul notre route, mais tout au compas de relèvement et à la carte. Sur trois jours, ça fait en effet très juste pour que des novices assimilent à la fois les rudiments de la navigation et la lecture de carte, le positionnement et le tracé de route. On se concentre donc sur nos différents postes : GV, génois, barre. Malheureusement, un sentiment diffus de mal de mer m'empêche de me sentir tout à fait détendue. Je ruse à grands renforts d'homéopathie. Le soir c'est pâtes (un peu trop cuites) à la carbonara et discussions pour faire plus ample connaissance. Extinction des feux assez tôt, les deux "binômes" ronfleurs sont enfermés dans leurs cabines respectives à l'avant et à l'arrière. Sur une banquette du carré, je dors à merveille (même si cette fois, j'avais prévu les boules quiès).

Le lendemain, chemin inverse, on fait route sur le Cap d'Agde. Le vent a forci. On est davantage sur du force 3-4. On sort donc le solent. Petite manip périlleuse de démanillage des écoutes du génois et de vissage de l'étai. On se crispe un peu mais on finit par réussir à l'envoyer, cette voile d'avant. On prend la barre à tour de rôle. On essaye encore de bien tenir nos allures, on vérifie le réglage des voiles "toujours à la limite du fasseillement" dixit Maël. On s'entraîne aux noeuds de chaise. Cette fois je n'ai plus le mal de mer et j'en suis ravie. On fait quelques virements de bord et quelques empannages au large du cap d'Agde. Maël reste ultra concentré. Interdiction de se payer une bière à la pause du midi, à l'issue d'une superbe mise à la cape qui nous immobilise tranquillement. A mon avis, ce jeune ira loin. Nous navigons en tandem avec un autre bateau où les stagiaires sont niveau voile 2. On les aperçoit faire des manoeuvres de récupération d'homme à la mer (je crois qu'on peut écrire "MOB", si on est super briefé sailing). On entre au port sur le coup des 18 heures. Maël nous propose un topo amarrage avec paperboard veleda à l'appui, à l'issue duquel nous avons en principe tous compris ce que nous sommes sensés faire à nos postes respectifs. On a donc un équipier qui s'occupe de l'amarre arrière, un autre à l'avant, et un "pare-bat' volant", celui qui doit avoir l'œil, son pare-battage détaché à la main, pour ne pas que le voilier se heurte sur un coin mal protégé. Notre équipier bout-en-train fétiche, Elias de son prénom, se moque de notre attitude "Cup of America", avec notre air tendu et concentré, nos mitaines de compét et nos casquettes. Notre accostage se fait relativement sereinement. Quelques incertitudes au niveau des noeuds de taquets mais on finit par s'en sortir. C'est curieux comme à chaque manœuvre de port, la tension du capitaine est palpable. Je l'avais déjà constaté avec Tom sur Grégal, on le retrouve ici aussi. C'est sans doute le fait de se trouver accompagné d'une bande d'apprentis-plaisanciers mal dégrossis et dépourvus de toute appréhension sur la vigilance à adopter en ces circonstances qui favorise cet état d'esprit anxieux. Le soir, resto, il faut bien se faire plaisir. Et puis, avec encore des pâtes à midi, l'overdose de féculents nous guette.

Le lendemain, manœuvres de port approfondies. Nous avons tous le temps de tester la manoeuvre d'accostage contre un quai, à la barre chacun notre tour. Rebelotte sur le parebat' volant, l'équipier avant et l'arrière, rassemblés au pied des haubans, attendant le moment propice pour poser lestement un pied sur le quai (aux Glénans, on "ne saute pas" !!!) et amarrer le bateau. Nous y parvenons tous avec plus ou moins de délicatesse dans l'approche. Je ne sais pas si Maël se fait violence pour afficher un air calme et détendu, et je le soupçonne d'envisager secrètement qu'on puisse s'écraser misérablement sur le quai à chaque tentative. L'après-midi est consacré à l'inventaire et au nettoyage du bateau. Un peu fatigués, nous traînons la patte pour le pliage des voiles en fin de journée. Seul notre moniteur, sans faiblir, continue de nous coacher et nous exhorte à restés concentrés jusqu'au bout. Je ne sais pas par quelle magie les encadrants bénévoles trouvent l'énergie d'insuffler aux stagiaires cette discipline, cette nécessité de sécurité et de comportement adéquat et efficace jusqu'aux dernières minutes du stage. Après tout, si nous avons choisi les Glénans, c'est pas pour se la couler douce, ou pour se reposer sur le moniteur quand on a la flemme de se coller à une manœuvre. Puisse-t-il y avoir un meilleur apprentissage de ce qu'est la voile, avec ses constantes exigences compensées par ses moments ravis de satisfaction ?

14 mai 2008

A Dieu vat, joli jardin !

Nous avons un tout petit appartement, mais je crois pouvoir m'enorgueillir de parvenir, sur une terrasse de 12 m², à entretenir un petit jardin de ville florissant. On y trouve du chèvrefeuille, du jasmin palissé, un pied de vigne produisant un excellent raisin muscat, un citronnier bien fructifère, un petit combava, des bougainvillées chatoyantes, un vieux yucca récupéré qui coule une paisible retraite, un érable du japon et des heuchères poussant en son pied, ainsi que tout un ensemble de plantes méditerranéennes que j'ai mis un point d'honneur à sélectionner pour leurs qualités éco-citoyennes de faibles consommatrices d'eau : graminées, laurier rose, ciste, buddléia, lavande naine, bilbergia aux hampes roses de fleurs retombantes, et autres hélicryse, romarin, crassula...
"Qui plante un jardin, plante le bonheur" est un dicton qui me plaît bien, car le jardinage a pour moi des vertus antistress imbattables, et il n'est pas rare de me voir, après une journée de boulot où tout n'est pas allé comme sur des roulettes, travailler les mains dans la terre jusqu'au lever de lune.
Honte à moi qui ai fait l'éloge du lâcher-prise, car si le matériel ne risque pas de me manquer, en bateau, je crains que ce ne soit pas le cas de mon petit jardin. Pire encore, en jardinière indigne, après tant de soins apportés, tant de pucerons pulvérisés, tant d'araignées rouges enrayées, tant de minutieuses tailles pratiquées, tant d'observations quotidiennes à l'affût des bourgeons, je me trouve-là dans l'obligation de laisser ce petit microcosme au bon vouloir du locataire qui viendra habiter notre appartement pour l'année.

Dans ma dernière conversation avec l'agent immobilier qui sera chargé de la gestion locative de l'appartement, je n'ai pas omis de faire part de mes inquiétudes à mon interlocuteur qui n'avait là strictement aucune solution à m'apporter. "Oui, certains propriétaires laissent leurs plantes en partant, c'est agréable pour les locataires... Sauf que la plupart du temps ils reviennent et une plante sur deux a rendu l'âme." J'ai souvent fait des rêves atroces de terrasse en friche nous accueillant à notre retour, et je dois, à chaque arrosage, me demander si les locataires occupants me feront la grâce de bien vouloir garder en vie tout ce petit monde. Comme il nous est impossible de stocker quelque part ce morceau de nature planté dans une profusion de pots, nous allons tous laisser. Et là, tel le marin quittant le port* sur son navire alors que de gros cumulonimbus noirs s'agglutinent à l'horizon, je ne pourrai que soupirer : "A Dieu vat !"

*Vous remarquerez à juste titre que tout bon marin qui se respecte ne quitterait pas le port dans de si pessimistes conditions météorologiques. Il est bien entendu que cette métaphore, tout à fait fataliste, est destinée à renforcer le côté dramatique de l'évènement.

10 mai 2008

Bestel l'Electricien, Kim, artiste de trompe-l'oeil

Non, nous ne sommes pas des esclavagistes. Seulement, quand on nous propose gentiment un coup de main pour les travaux, au stade où on en est (= dans le feu de devoir tout finir à temps pour un départ dans deux mois), eh bien on ne dit pas non. C'est ainsi qu'après ma grande sœur et son homme, ceux sont nos amis Kim et Nico (les futurs mariés) qui nous ont prêté main forte.
En ce dimanche ensoleillé, la répartition des tâches a été la suivante : Aude : finir la cuisine pour que l'évier soit prêt à poser, Tom : pose du radar (fixation sur le radôme, passage du fil dans le mât), Nico : repérage et identification des différents branchements électriques du circuit de Grégal, Kim : réalisation, selon une technique tout à fait innovante et non encore testée dans le grand public, d'un trompe-l'oeil de parquet non avec un marqueur noir, comme j'ai pu le voir sur Internet, mais avec un stylo à gouache blanc.
L'énergie positive de Kim et Nico nous a redonné la pêche. D'autant plus qu'eux non plus, en tant qu'équipe de renfort, ils n'ont pas chômé. Nico a d'ailleurs prouvé que son surnom mentait : en effet, "Bestel" (voir sur ce lien l'extrait sonore "Ça va pas être possible, c'est Bestel...") est le nom d'un gars qui a un mini-rôle dans la Cité de la Peur, film des Nuls. Ce type obscur fait apparemment n'importe quoi au niveau des branchements dans la célèbre scène du remake du détecteur de mensonges... Alors là pour le coup, notre Bestel, il a passé la journée plié en 4 dans la cabine du capitaine à rechercher les + et les - des divers éléments du circuit électrique du bateau. Et Dieu sait que ce n'était pas une mince affaire. Il y en avait, des chemins farfelus, des câbles n'allant nulle part, des sorties impossibles à trouver. Et il s'en est super bien sorti. Avec un poil plus de temps il aurait pu finaliser son schéma de tout le circuit. De son côté, Kim a testé la technique du "parquet bateau en trompe-l'oeil", ou "comment se faire une déco de voilier flambant neuf à moindre coût". Il vous faut : vos morceaux de plancher, un stylo-feutre à gouache blanc (type Posca), du vernis marin. Puis, il s'agit de tracer patiemment des traits blancs à intervalles réguliers pour simuler les lattes d'un parquet, de vernir de plusieurs couches pour fixer, et d'admirer le résultat bluffant (enfin, je trouve). Le soir, Tom et Nico ont pu brancher l'éolienne sur son régulateur. Et ça marche nickel.
Le lendemain, j'ai continué le trompe-l'oeil pendant que Tom démontait et vérifiait les cadènes. Hier, Kim évoquait à demi-mot le dos un peu vermoulu et les articulations des genoux qui tirent après une journée passée accroupie à tracer des lignes... Aujourd'hui, j'ai testé. Toute la journée. Le soir j'avais les jambes et les reins en compote. J'ai aussi poncé les planches restantes avec la vibrante. Après une heure, j'avais une parkinsonite dans tout le bras et des bourdonnements dans le cervelet. J'ai pensé à Nico. Avant de partir, j'ai jeté un oeil au 1 m² de couchette arrière dans lesquels Bestel, 1,85 m, avait passé sa journée de dimanche, dans les odeurs de peinture de cale que je passais en face dans la cuisine, par 27 degrés.

Alors Tom et moi, on vous dit, à vous camarades forçats qui avez eu le dos en compote, le nez dans la poussière, les genoux dans les dents et la tremblote dans les mains... : Un très grand MERCI !

Parce que maintenant, si on le réussit, ce voyage, on saura que c'est aussi grâce à vous :)

9 mai 2008

The more the merrier*

Jeudi 8 mai, ou la Libération. En tout cas, faute de relaxe, un coup de main tout à fait bienvenu d'Elvire et Nico ! J'avais bien essayé de les dissuader, pourtant. En effet, après 7 jours consécutifs de travaux, je commençais sérieusement à fatiguer, 8 à 9 heures par jour sur le chantier, salade carottes râpées - betteraves - tomates - concombres et sandwich au jambon tous les midis, doigts couverts de peintures et vernis en tous genres, dos fourbu, pieds dans la sciure, retour à la nuit tombée : je ne voulais pas leur imposer un si peu reposant weekend de pont de mai. Mais après une brève réflexion, Elvire me rappelle mercredi soir et me dit : "Bon, avec Nico, on est partants pour le stage Casto !". Avec Tom, on était ravis. Ravis de les voir, ravis de leur soutien.

On a du coup pu, encore une fois, avancer deux fois plus vite. Pendant qu'Elvire se chargeait des dernières peintures intérieures et ponçages, Nico s'attaquait à démembrer l'évier. A grands renforts de masse et de leviers, il a réussi à l'extraire plutôt rapidement. Ensuite, il s'est chargé de poncer les planches de plancher. En entendant le ronronnement lancinant de la vibrante, je me désolais pour les futures fourmis qu'il allait attraper dans les bras. Pendant ce temps, Tom préparait le circuit électrique pour raccorder l'éolienne, et moi je décapais le coin cuisine à l'aide d'une tête en forme de brosse métallique ajustée à notre perceuse (très efficace pour les coins difficiles d'accès). Jeudi soir, notre équipe de forçats avait bien mérité un resto.
Aujourd'hui, re-belote. Cette fois, Nico a découpé la planche de support pour y encastrer notre bel évier tout neuf avant de retourner au ponçage des planchers. Elvire s'est occupée de passer des couches de vernis à chaque morceau décapé (notre plancher est en 9 morceaux ajustés). Tom a pu de son côté préparer le câble de raccord de l'éolienne aux batteries du bord. J'ai peint le coin cuisine à la peinture de cale. On a cette fois essayé de finir un peu plus tôt dans la soirée. Mais c'est toujours difficile, car on se prend toujours à vouloir terminer ce que l'on est en train de faire, d'autant plus que le "rangement" de notre espace de travail réduit prend lui aussi du temps. Mais le soir venu, on s'est dit qu'on avait autant avancé à 4 que nous deux en 4 jours de boulot ! Qui a dit que l'union fait la force ?

* Plus on est de fous, plus on rit

7 mai 2008

Colle psychédélique, placard seventies et riveteuse du futur

Au cours des cinq derniers jours, hormis se battre à coups de hallebarde, Tom a pu travailler à la fixation de l'éolienne sur son mât. Là encore, le soudeur de Navi Bois est intervenu pour rajouter deux barres latérales de renfort au mât initial de 2,40m, que nous avons placé à droite de la barre franche, ce pour "trianguler" le mât et lui permettre de résister aux pressions de l'éolienne. Tom a dû aposer sous les fixations des plaques de renfort en alu, soudées avec de la colle armée, d'un bleu électrique tout à fait surnaturel. Quant à moi, je me suis atelée à la confection d'un placard en contreplaqué avec étagères pour aller dans l'espace juste face au WC et que l'on puisse ainsi stocker nos vêtements pour le voyage.
Un autre moment mémorable dans notre apprentissage du bricolage nautique a été la pose du support de radar sur le mât (le radôme). Cédric nous avait prévenu qu'il fallait du Mastinox, ce mastic jaunâtre hyper toxique qui empêche la formation d'électrolyse quand on fixe un élément en inox sur un support en aluminium. Tom avait pris les repères pour la hauteur, en se décidant pour placer le radôme juste au dessus de la barre de flèches. Puis il a fallu riveter. Premier essai avec une pince prêtée par le chantier : échec. Impossible de la fermer pour casser la tige du rivet. C'est alors que notre ami Suisse, encore lui, a dégainé sa super machine à riveter dernier cri. Rouge, avec une sacrée pression entre ses mâchoires. Ça a été du gâteau. Ou presque. Comme quoi, on retient que pour bien travailler, il ne suffit pas d'une bonne volonté à toute épreuve : les bons outils, ça sauve la vie.

4 mai 2008

Qu'est-ce donc que cette vilainie ?

Voilà cinq jours que nous avons démâté. Seulement, passé le soulagement d'avoir réussi la manip sont venues les premières mauvaises surprises. Rien d'alarmant, mais un ensemble de petites crasses qui nous ont fait perdre un peu de temps. Tout d'abord, la découverte de LA MOUSSE. Certes, nous nous doutions bien que le fait que le câble d'alimentation électrique des feux de navigation passe à l'extérieur du mât cache quelque chose de pas très net. Eh bien en effet, en scrutant l'intérieur du mât, nous avons eu la réponse : sur près de 4 mètres de hauteur, depuis le pied de mât, une espèce de mousse expansée avait été pulvérisée, additionnée de tout un tas d'éléments aussi divers qu'insolites (exemple : du papier toilette). Tom a commencé par enlever ce qu'il pouvait à l'aide d'un couteau. Mais rapidement, son bras est devenu trop court. Il a donc bricolé une lance avec un manche à balai et un couteau ficelé à son extrémité. Plusieurs heures plus tard, malgré les quantités de mousse qu'il avait pu extraire, il n'en voyait toujours pas le bout. On avait eu beau tenté d'apercevoir, par les sorties de drisse, jusqu'où s'engouffrait la maudite mousse, il était particulièrement difficile de déterminer où elle s'arrêtait, et manifestement il restait encore du travail. C'est alors que la "lance" est devenue trop courte. A ce stade, l'agacement de Tom avait cédé le pas à l'énervement. Il n'y a rien de plus ingrat que de s'employer à des tâches aussi vides de sens qu'elles peuvent être chronophages. Les voisins du chantier qui passaient devant le mât se livraient à chaque fois à des commentaires navrés et pleins de compassion. Certains tentaient de réfléchir à des méthodes d'extraction plus convaincantes. D'autres se contentaient d'encouragements solidaires, du type "Ah, les bateaux, y'a pas à dire, c'est un sacré tas d'emmerdes". Finalement, Tom réussit à confectionner une deuxième lance, en vissant sur la première le manche d'une gaffe. Après deux jours de lutte acharnée, une estocade finale lui permit d'embrocher une espèce de "bouchon" de mastic, vraisemblablement coulé au dessus de la mousse et destiné à étanchéiser le tout. Un tube entier de sika avait dû y passer. Comme par magie, tout un paquet de mousse vint avec le mastic et le mât fut enfin libéré de son garnissage affligeant.

Guillaume, qui avait suivi du coin de l'œil les opérations, se désolait lui aussi : "Oh là là mais qu'est-ce qu'ils m'ont fait là..." (sous-entedu : le chantier de construction d'origine). Il nous a d'ailleurs précisé que quand bien même le mât est traversant, il ne sert à rien d'essayer par tous les moyens d'en assurer l'étanchéité pour éviter que l'eau ne parvienne à l'intérieur. "Quoi qu'on fasse, l'eau arrive toujours à se frayer un passage. Le problème c'est justement quand elle ne peut plus s'évacuer normalement. C'est là que les ennuis commencent. Au lieu de bourrer le mât de mousse, il eût mieux valu la laisser couler, et la récupérer sainement en pied de mât, à l'issue de sa course, avec une pompe de cale par exemple". Dans notre cas, la mousse et les rafistolages d'étanchéisation n'avaient réussi qu'à retenir un peu plus l'eau au niveau de la liaison coque-pont. Comble de malchance, il se trouve que les pièces d'accastillage du mât sont en inox. Inox + mât aluminium + eau stagnante = électrolyse. Après avoir tout assainit et tout démonté, nous avons demandé à Guillaume comment faire notamment au niveau du hale-bas où l'alu était sérieusement grignoté. Il nous a proposé de faire poser par le soudeur du chantier des plaques de renfort en alu afin de consolider la structure en cet endroit particulièrement stratégique.
Quelle riche idée d'avoir démâté, sans quoi apercevoir ce genre de détail eût été impossible !

2 mai 2008

Démâtage

Pas de jeu de mot là-dessus. Guillaume nous l'a conseillé : "En principe, nous, on démâte toujours les voiliers. C'est plus prudent et c'est le seul moyen d'éviter un futur démâtage accidentel". Nous acquiesçons religieusement. Pour notre projet, pas question de lésiner sur la sécurité. Même si la manip est fastidieuse, il va bien falloir s'y résoudre. Le hic, c'est que le mât de Grégal est traversant, et qu'en pied de mât on trouve de l'électrolyse. L'opération nous permettra de déterminer le degré de gravité de cette
corrosion, mais on est presque sûrs que le bateau n'a pas été démâté depuis dix ans. Pour preuve, les câbles électriques des feux de position passent à l'extérieur le long du mât, de manière assez anarchique. Par conséquent, rien ne nous garantit qu'il sera facile de l'extraire, ce mât.

Nous arrivons vers 10h la boule au ventre : aujourd'hui, c'est le grand jour. L'heure de vérité. La grue doit arriver dans la matinée pour le démâtage. On s'y est préparés toute la journée d'hier : on a détaché la bôme, déserré les galhaubans à grands renforts de WD 40, vérifié les ridoirs des haubans, attaché les drisses en pied de mât en un joli paquet longiligne. Je suis même montée au mât, hissée par Tom, pour préparer une amarre avec un joli nœud de chaise destiné à passer sous les barres de flèches et supporter la traction de la grue, qui tirera le mât par cette attache. Mon nœud de chaise était réussi : les Glénans auraient été fiers de moi. Nous avons ensuite littéralement noyé le pied de mât sous le dégrippant. Il ne s'agit pas de lever le bateau dans la foulée.



Ce matin, c'est Cédric, un collègue de chantier, qui commence. La grue arrive à 10h45. Elle est impressionnante. C'est avec une extrême délicatesse que le grutier manœuvre sa machine. Le crochet descend lentement, et l'on y accroche l'amarre avec le nœud de chaise. Puis, très progressivement, le mât s'élève en hauteur. Il s'agira en bout de course de le réceptionner en douceur, pour le coucher sur les tréteaux prévus à cet effet. Deux gars de Navi Bois sont là pour accompagner le propriétaire stressé.
Vient ensuite notre tour. La grue se meut dans un vrombissement qui n'a rien de rassurant. Tom est sur le pont, prêt à attraper l'amarre pour la passer dans le crochet. En début de levage, l'équipe de Navi Bois aide à desserrer les ridoirs pour libérer les haubans. Ils s'occupent ensuite de l'enrouleur et du pataras. Je ne vois pas toutes les étapes, car à terre et scotchée derrière mon appareil photo : il ne s'agit pas de râter ce moment historique dans l'histoire de la rénovation de Grégal. Enfin le mât s'élève. Il n'a finalement pas forcé et s'est désolidarisé impeccablement. Les dernières manœuvres pour le déposer sont exécutées sans accroc. C'est un vif soulagement. Les deux accompagnateurs répondent à nos sourires et à nos mercis. Ça doit quand même les faire marrer de voir les têtes des candidats au démâtage passer du masque tordu par l'appréhension au sourire hébété de contentement. Cédric nous adresse un signe de la main. C'est certain, ce soir, on dormira bien.

1 mai 2008

Le chantier

Entre le jour où nous avons accosté sur les quais de Navi Bois et aujourd'hui, nous avons changé deux fois d'emplacement sur le chantier. On est en ce moment sur un terrain juste en face de l'atelier. Cet espace doit faire quelques 400 m², avec une cinquantaine de bateaux sur cales. Cela nous demande juste quelques pas de plus pour aller demander conseil à Guillaume, propriétaire et patron des lieux.
Guillaume me fait penser à Jacques Brel. D'abord par son physique de grand escogriffe, mince et droit, mais surtout par sa personnalité : talentueux dans son art, généreux dans son âme, et professionnel dans son métier. A chaque fois que nous avons eu un souci ou une idée de réalisation, Guillaume nous a accompagnés avec une disponibilité, une gentillesse et une adaptabilité à notre mode de bricolage (= une rénovation très petit budget) qui m'ont toujours impressionnée, alors que le corps de métier de Navi Bois, c'est plutôt la création de magnifiques réaménagements de boiseries intérieures, équipets sur mesure, carrés marquetés, ébénisterie marine de haut vol. On peut dire sans emphase que Guillaume a été notre pilier de conseils avisés sans lequel on n'aurait pas pu faire grand chose. Il est vrai que nous ignorions tout, ou presque, de la rénovation de bateaux. Et tout, dans les chantiers nautiques, est non seulement hautement spécifique, complexe, mais aussi souvent hors de prix. Cela tient aux pièces et aux matériaux propres à l'industrie nautique. Il faut donc composer, trouver des solutions de fortune en remplacement de la pièce d'usine sur mesure, s'appuyer sur ce qui dans l'existant peut encore faire l'affaire, consolider par diverses astuces, éliminer ce qui est définitivement cuit, rajouter ce qui fait défaut. Ainsi avons-nous découvert, pèle-mêle, la magie du Sikaflex, la poisse de l'électrolyse, les secrets de l'étanchéité, le Mastinox, le WD 40, le rivetage ou encore la face cachée de la meuleuse d'angle.
Sur le chantier, on essaie de s'entraider. Le mode de fonctionnement est somme toute assez atypique : chacun loue un emplacement pour son bateau et vient travailler à son rythme, en faisant ou non appel aux équipes de Navi Bois. Tous les protagonistes ont des projets plus ou moins ambitieux, amorcés depuis plus ou moins longtemps. Il y a Cédric, qui vient de Suisse, et qui prévoit de partir 5 mois sur son Diam (modèle peu connu) pour rejoindre la Bretagne. Nous avons vécu ensemble les joies du démâtage : mêmes angoisses, mêmes obligations de monter au mât au dernier moment pour débloquer une drisse, même difficulté à passer des câbles traversants une fois le mât à terre. Et puis il y a Alain, la soixantaine, petite barbe grisonnante, lunettes et profil d'écrivain de film américain, qui a construit son bateau tout seul, de A à Z, alors qu'il n'y connaissait rien au départ : un beau ketch d'au moins 50 pieds, coque polyester maison, mât maison, intérieur maison. Ça fait plus de 30 ans qu'il l'aménage, son bateau. Du coup, il en connait un rayon sur les astuces du bricolage. Il nous a aussi bien aidés. Sur le chantier, il y a comme une entente cordiale qui flotte entre les coques sur cales, même si on est tous bien occupés. Nous, on lève le camp vers 21 heures, heure à laquelle le portail d'entrée se referme. De l'extérieur, en s'éloignant, on perçoit encore l'écho d'une perceuse ou le jappement d'un chien.