27 février 2009

King Fish business



Finalement... Il s'agissait d'un "King Fish". Question : allions-nous en manger pendant des jours ? Réponse : Non, mais rassurez-vous, le King Fish n'a pas ressuscité en se jetant à l'eau sous notre nez. Il est bien resté entre nos mains. Seulement... On dirait qu'à chaque fois qu'on pêche, ces derniers temps, juste après, il nous arrive une tuile. C'est à en devenir supersticieux ! La première fois, c'était le Horse-eye fish à Grenade qui nous a coûté une déchirure de grand voile dans l'heure qui a suivi. Plus récemment, on avait pêché à la palangrotte trois malheureux poissons de roche et une heure après, Tom nous faisait une colique néphrétique. Là, on était tranquillement en train d'avancer au moteur dans la baie de Bequia (prononcer "Békoué) quand ce dernier se met à faire des bruits bizarres et à ne plus vouloir accélerer... On mouille en catastrophe à la voile. Comme ça avait l'air sérieux et que malgré l'inspection de Tom on ne voyait pas d'où venait la panne, qui vraissemblablement est mécanique, on est allés voir un mécano de l'île qui doit checker tout ça demain. Mais bon, le temps de se remettre de nos émotions, il était 20 heures et on avait toujours ce gigantesque poisson d'un mètre 25 sur les bras. Et pour une fois, je le concède, on n'avait pas l'énergie de se lancer dans la vaste opération sanguinolente de vidage, tronçonnage, et ensuite le lent process de mise en bocaux et stérilisation. Et puis aussi, on avait peur d'une bactérie dangereuse qui infeste les poissons prédateurs dans les caraïbes : la ciguatera (c'est surtout dangereux au nord de la Dominique pour des poissons du type barracuda, mais on se méfie car cette saleté peut être mortelle).

On est donc partis avec notre poisson ligoté dans un bout, et on a fait le tour des restaurants. A priori, ils nous ont dit qu'il n'y a pas de risque de ciguatera ici. Au départ, ils ont tous décliné l'offre, car ils venaient tous plus ou moins de s'approvisionner il y a peu. Les locaux qui nous voyaient trimballer notre prise étaient impressionnés, à croire qu'ils n'avaient jamais vu de si gros poisson. Gentils comme tout, petits vieux et rasta men ont à chaque fois essayé de nous aider à trouver un acheteur pour notre prise. On nous a indiqué d'autres adresses, envoyé au bout du village. Et finalement, contre toute attente, un resto-bar qui a l'air d'être spécialisé en fish-and-chips a accepté de nous l'acheter. Ici, le prix en vigueur est de 9 EC dollars (2,5 euros) la livre (500 g). La patronne nous a demandé de revenir le lendemain pour qu'on puisse peser la bête au marché aux poissons. En attendant, elle l'a rangée dans son frigo et on en a profité pour déguster une bonne bière fraîche en terrasse.

Aujourd'hui, la pesée du King Fish a été une véritable attraction pour les touristes. Ils n'en revenaient pas qu'on ait pu pêcher ça avec seulement une ligne de traîne ! Et tous de prendre des photos du pêcheur qui était venu peser le King Fish. A la pesée : 20 livres, soit un montant de 180 EC dollars (environ 50 euros). Au moins, ça payera une petite partie de la réparation moteur ! Allez promis, la prochaine fois, on le met en bocal, mais ça a au moins donné une idée à Tom : vu qu'ici, ils n'ont pas l'air d'être des férus de pêche malgré leurs eaux poissonneuses (le marché aux poissons est fermé 5 jours sur 7 !), il propose à Gérald de s'associer pour monter un petit business de pêche-à-la-voile ! Alors ? Elle est pas bonne cette idée ? :)

25 février 2009

Pelicans watching

Nous étions tranquillement au mouillage de Clifton, Union. La veille, on avait pris le temps de faire le tour des jolis bars pour déguster des Banana Daïquiris. En fin de matinée, la lessive était prête, le plein de gazole et d'eau fait. C'est alors qu'une jolie kitesurfeuse vient s'écraser sur Grégal, sa voile s'emmêlant dans les haubans. Heureusement, plus de peur que de mal pour la malheureuse. Même pas de casse.
Pour retrouver un peu plus de sérénité, nous avons mis le cap sur Chatham Bay. La baie de Chatham se trouve à l'extrême ouest de Union. En fait, il n'y a que deux villes principales à Union, Clifton, à l'est, et Ashton, 3 milles plus à l'ouest. Ensuite, ce sont de jolies montagnes bosselées recouvertes de végétation qui constituent le reste de l'île. A Chatham bay, l'eau est bleu ciel profond, et la vie animale fort riche. Il semble que le coin soit propice au développement de bancs entiers d'alevins et la présence de cette nurserie de milliers de petits poissons attire une foule d'oiseaux, et notamment des pélicans. Toute la journée, mais surtout le matin et le soir, c'est un plaisir de les voir plonger à pic pour s'emplir le bec d'une tendre friture frétillante. Les essais de prises de vue depuis Grégal n'ayant rien donné même avec le téléobjectif, le soir, je suis allée en annexe et à la rame, près d'eux, pour les photographier. Il ne me manquait plus qu'un camouflage de feuilles et un treillis pour avoir pu figurer dans un reportage de "Très Chasse".
Pendant ce temps, Tom se sacrifiait pour étanchéiser un peu plus la jupette de pied de mât. Bien ressourcés, nous étions prêts pour reprendre la route en faisant un crochet par le sud direction Carriacou, afin de nous approvisionner en rhum en prévision de la venue de Kim et Nico (Dieu sait ce qu'ils peuvent engloutir à la vue d'un citron vert et d'un verre à bodega). Un petit écart qui nous permet aujourd'hui de profiter de l'ambiance détendue et tranquille de cette ravissante île (qui fait partie de Grenade) avant de mettre le cap sur Bequia (nord des Grenadines).


PS : Qqn connaît-il le nom de cet oiseau noir et blanc ?

I am Young But I’m Happy

… ou les effets pervers du rhum à 70° sur les créations multimédia de l’équipage.

Hurlements du Grégal

21 février 2009

Tobago Cays, Jour 3 : Escapade et frousse en eau claire

Ce matin le ciel était un peu couvert, mais il s'est fort heureusement bien dégagé sur le coup de midi. Une petite percée dont j'ai profité pour aller crapahuter dans les sentiers miniatures de Petit Bateau. En effet, même si peu de gens s'y aventurent, il y a un petit chemin qui mène jusqu'au sommet de l'île (qui culmine quand même à 150 mètres d'altitude) et qui permet d'apprécier de près la richesse de l'écosystème local. Herbes hautes, amandiers, frangipaniers aux fleurs blanches délicates et odorantes, cactus rectilignes et bromeliacées qui poussent sans terre dans les arbres, en de petites touffes. Je me suis amusée pendant un long moment à jouer au botaniste découvreur du XVIe siècle, et j'ai ramené des boutures pour essayer de conserver quelques exemplaires (je sais, ça doit être interdit, mais on ne peut pas dire non à la science). De tout en haut, on a une vue panoramique sur les îles des Tobago Cays, et on aperçoit très bien au loin la ligne bleu clair de la barrière de corail.

L'après midi, le vent a soufflé très fort, mauvaise mer, temps frisquet : pas l'idéal pour se baigner. C'est toujours embêtant dans ces cas-là de rester sur le bateau à piétiner alors que de si belles plongées sont à une encablure. Miracle, vers 16 heures, plus rien. Le calme plat, avec le retour du soleil. Je pars à la recherche du récif coralien le plus proche. Je décide de faire le tour de Baradel. Au début, je croise de jolis bancs de petits poissons colorés mais en se rapprochant de la côte au vent et en s'éloignant de la plage, les poissons deviennent plus gros. Je passe à travers des rassemblements entiers en me disant que les chasseurs dans l'âme doivent l'avoir un peu amère, de voir tout ce gibier inerte autour d'eux. En revenant vers la côte sous le vent, je nage dans un mètre d'eau quand devant moi apparaît une raie. Elle est énorme et doit bien faire un mètre d'envergure. J'avale ma salive, pas rassurée du tout en regardant son joli dard planté sur sa queue qui flotte dans le courant. Je décide de faire un écart conséquent, par sécurité, tout en gardant un œil sur la bête. C'est alors qu'elle se met à nager dans ma direction ! Je peux vous dire qu'au contraire de moi avec mes palmes, la raie file dans l'eau à une vitesse toute naturelle. Je manque de m'étouffer dans mon tuba. J'hyperventile en essayant piteusement de me réfugier dans 15 centimètres d'eau sur le récif, en plongeant la tête pour voir si la raie m'avait suivie. Elle a dû bien rigoler, en tout cas. Mais bon, même si ces bêtes sont inoffensives, elles restent très impressionnantes. Ensuite, pour me calmer, je me suis dit que ça serait bien d'aller dire bonjour à mes amies les tortues. A cette heure ci, il n'y avait presque plus aucun baigneur dans l'eau, et, vision magique, à peine j'ai pénétré dans leur "enclos" qu'elles étaient là, tranquilles, à brouter leurs algues fraiches. J'en ai croisé plus de 15, en essayant de les déranger le moins possible (difficile de se faire discrète avec des palmes et un tuba jaune vif ).

Nous avons quitté les Tobago Cays le lendemain, car le vent avait tellement forci que le mouillage devenait intenable. On a filé direction Mayreau, en espérant secrètement pouvoir y retourner bien vite...

NB : Aujourd'hui 21 février, nous sommes retournés à Union : il faut bien faire des lessives, et puis on n'avait plus de gaz :)

Tobago Cays, Jour 2 : Le ballet des tortues

Le deuxième jour, on a migré de notre mouillage pour se rapprocher de l'îlot de Baradel, un peu plus à l'est, celui qui est le plus proche de la grande barrière de corail, la célèbre "Horseshoe Reef" (en fer à cheval). Un français rencontré à Grenade, Hervé, nous avait assuré : "Là-bas, juste devant l'île, vous nagez avec les tortues, c'est génial". On était restés pensifs, en se demandant comment il pouvait annoncer ça comme une certitude, voire un programme assuré qui-marche-à-tous-les-coups. Les tortues, on en a vu quelques unes depuis qu'on est aux Antilles, à La Barbade et à Sandy Island notamment, et ça restait des phénomènes isolés.

Bref, au petit matin nous levons l'ancre pour aller saisir un corp-mort au bord de l'île de Baradel (le matin tôt, c'est la bonne heure pour arriver, on a la possibilité de piquer la place à un navire qui s'en va, avant que le gros des troupes arrive, vers 11H). On attend pas plus que ça pour nous jeter à l'eau, équipés de nos PMT. La piscine est toujours turquoise clair, à bonne température. On se rapproche de la zone délimitée par des bouées, qui empêche les annexes et bateaux de s'approcher trop près. Sous nos palmes, une petite prairie d'herbes rases vert vif, qui poussent sur le sable blanc. Autour de nous : les tortues. Magnifiques géantes, si gracieuses lorsqu'elles nagent vers la surface pour reprendre de l'air, et si calmes quand elles tendent lentement leur cou pour grignoter les pousses d'algues fraîches du sous-sol. On est tout émus. Il est en principe interdit de s'approcher à moins de deux mètres, mais Tom attendra que j'aie le dos tourné pour plonger vers l'une d'elles. C'est seulement lorsqu'il est à moins de 50 centimètres que la belle s'écarte nonchalamment, pas stressée pour deux sous. J'espère que tous les touristes ne sont pas comme Tom... C'est à se demander d'ailleurs comment ces splendides bêtes continuent à venir brouter là, alors que des milliers de gens viennent tous les jours les observer ? Un mystère.

On passe une journée tranquille à se baigner et à bronzer, et la journée se clôt comme il se doit par un ti-punch au coucher du soleil. Comme il est interdit de pêcher ici (les Tobago sont zone protégée classée Parc marin), on remet à l'honneur les spaghettis aglio-oilo-parmiggiano. Le soir, c'est soirée cinéma avec un ptit film sur l'ordi pour se détendre. Ok, j'arrête là, après ça fait narquois :) Si, un dernier message : Kim et Nico, si vous nous entendez, essayez de vous libérer une petite semaine ou même 5 jours pour qu'on puisse vous emmener ici : qui sait, la prochaine fois qu'on reviendra dans le coin en bateau, ça sera peut-être dans 20 ans ou même jamais : autant en profiter, ça vaut vraiment le coup !!!

NB : GRAND CONCOURS : Dans la photo N°1, trouvez où est Grégal parmi tous les bateaux au mouillage ! Indice : place stratégique, tranquille , près des tortues :)

Tobago Cays, Jour 1 : Le ravissement à votre porte

Oui, les Tobago Cays (prononcer comme "keys" [kiz]) sont LE spot incontournable des Grenadines, voire peut-être même de toutes les Antilles. Oui, aux Tobago Cays se cotoient des dizaines et des dizaines de bateaux au mouillage, et oui, comparé à d'autres petites îles tranquilles, on frôle ici la surpopulation. Cependant, cette fréquentation enlève-t-elle au charme des lieux ? Pourrait-on passer à côté sous prétexte de s'en aller chercher ailleurs des plaisirs plus authentiques ? Sans hésiter je vous réponds : non, car malgré l'engouement dont elles font l'objet, les Tobago Cays sont un endroit tout simplement extraordinaire, où l'on vous sert, sur un plateau, du ravissement à chaque heure du jour, sur le pas de votre porte.

Nous étions arrivés la veille dans la grisaille et le vent, et ce jour là peu de bateaux s'étaient semble-t-il risqués à zigzaguer entre les patates de corail et les récifs pour aller mouiller leur ancre aux Tobago. On a donc eu le choix pour nous installer, pile sur le bord du petit chenal entre Petit Rameau et Petit Bateau. Cela dit malgré la météo un peu maussade, l'eau limpide et turquoise nous offrait une vue implacable sur le fond. Le lendemain matin, c'est avec les rayons du soleil que nous avons ouvert les yeux. On a mis Mika dans le jukebox, parce que c'était de loin ce qu'on avait de plus guilleret et de plus pêchu dans nos playlists. Il fallait bien fêter notre arrivée dans ces lieux mythiques dont on avait si souvent entendu parler dans les récits de plaisanciers hauturiers ! Puis on est sortis sur le pont, avec notre tasse de café à la main. Baignées dans la lumière matinale, les deux petites îles désertes nous tendaient les bras, avec leurs plages de sable blanc et poudreux, leurs palmiers se balançant dans la brise et leurs eaux cristallines d'un bleu piscine. On a beaucoup entendu parler des "Boat boys" des Tobagos, ces sympathiques locaux qui sillonnent les atolls à bord de leurs barcasses à gros moteurs, en proposant aux touristes du pain, des fruits, des t-shirts, du poisson ou des langoustes. On les a trouvé très tranquilles, pas du tout intrusifs, et même de bonne compagnie, avec leurs look rasta et leur sourire ultra-bright. On s'est jetés à l'eau : ça nous démangeait trop. Puis on est allés se promener en face, sur l'île de Petit Bateau, où des mamas vendent des t-shirts colorés aux slogans évocateurs "Sail fast, Live Slow" ou "Sail more, Work Less". Malgré le balai incessant des navettes pour touristes, on a été charmés par l'endroit. Finalement bien préservé, même, avec pas un papier qui traîne. Un tour de force quand on sait les millions de personnes qui foulent ces plages à l'année... De l'autre côté de Petit Bateau, il y a un joli spot de snorkelling avec un récif chargé de coraux. On avait déjà eu l'occasion d'observer de forts jolis fonds carribéens, comme à Sandy Island (Carriacou), mais cette fois, c'est le nombre de poissons qui vous coupe le souffle : c'est disproportionné. Des myriades de poissons multicolores, en bancs, de toutes les tailles, furetent dans le corail en ne se souciant nullement de votre présence. Un spectacle merveilleux, qui vous laisse sans voix, dans une eau claire comme de l'eau de roche, à 29°, et par 2 mètres de fond qui plus est. Un vrai cadeau de Noël.

Un de nos amis boys boat nous avait proposé des langoustes, le matin. Ils les avaient brandies, énormes, et quand on lui avait demandé le prix, il avait fait une moue en répondant, comme une excuse "Cher". Remarquez, l'avantage quand on a un petit bateau un peu rétro comme Grégal, qui ne paye pas de mine, les vendeurs sont tout de suite plus compréhensifs. On en était restés là, rêveurs, et il était reparti. Quelques heures de réflexion plus tard, on s'est lancés : après tout, 30 euros la langouste d'un kilo, on peu bien se l'offrir, même si ça fait très "tour operator". Notre vendeur nous a donné rendez-vous sur la plage en fin d'après-midi, à l'endroit où il passe les malheureuses au barbecue. On a juste eu le temps de préparer une mayo maison, des légumes pour accompagner, une bonne bouteille de vin et un nécessaire à ti-punch et à 17 heures 30 on était installés sur une grosse table de pic-nic en bois, et notre cuistot nous apportait la bête, rôtie et juteuse à souhait. Une tuerie. On en a mangé jusqu'à la dernière miette, dépiotant les pinces et les pattes avec minutie, en regardant le coucher de soleil derrière les palmiers. Tant pis pour le cliché touriste, hein ? On a même sympathisé avec un groupe de français embarqués sur un gros catamaran pour la semaine. Pour une première journée, ça commençait rudement bien.

15 février 2009

My kitschiest St Valentine's Night

Petit matin, petits yeux, jolie nuit de nav', méditations sous la lune, et l'île de Canouan qui se détache de sa barrière d'eaux turquoises sous le soleil déjà mordant. En face de nous, un hôtel chic, le Tamarind, tout parfait avec ses jardins fleuris et ses toits gris en fibres de palme, comme une invitation au rêve. Canouan est peu fréquentée par les touristes, on dirait. Et ça s'en ressent, croyez-moi ! Les rues sont animées et paisibles à la fois, les maisons proprettes et bien tenues, les gens souriants. Malgré la fatigue des 24 heures de nav' passées, on se met (presque) sur notre 31. On a bien l'intention de trouver un petit resto sympa pour fêter cette Saint Valentin. On s'arrête d'abord au Tamarind, allez, juste pour se donner l'impression qu'on est de riches vacanciers loin du monde. On s'assoit à une table où nous attendent deux chaises chics en bois exotique, et on commande deux cocktails, alors que le soleil se couche en face de nous, entre les palmiers et la plage. Le daïquiri est impeccablement professionnel : servi dans un verre triangulaire à pied, sous la forme d'une montagne de glace pilée mixée à une banane fraîche, avec juste ce qu'il faut de Triple Sec et de rhum blanc. On se dit que quand même, on est bien par ici...

Puis on va se promener en ville, et tout le monde nous dit bonsoir, et parfois, "Happy Valentine's guys !". La brise tiède nous décoiffe juste ce qu'il faut. On croise des petits bars en tous genres, et des supermarchés encore ouverts, mais pas un restaurant. Il y a bien cette route qui monte sur la colline, au milieu des villas, mais on n'y coit pas trop. On grimpe, toujours en croisant des gens sympas. A un moment donné, on dépasse une maison devant laquelle est installée une tente et un portique tout décoré de cœurs rouges en papier crêpe et de guirlandes blanches, avec sur la terrasse et à l'intérieur des tables joliment dressées en rouge et blanc. Pour rigoler, Tom me dit que sinon, on n'a qu'à manger là. Ça ressemble à une fête familiale, ou du moins une réception privée, tiens, on est samedi, et si c'était pour un mariage ? Dans le doute, on va demander à un type qui transporte des cartons. Il nous répond que bien sûr, on peut manger ici, c'est pour tout le monde, ils organisent un repas spécial de Saint Valentin. Dingue ! Il nous montre la carte de la soirée : "Bring that special someone to Trisy's Valentine's dinner".

Ils ont concocté un petit menu juste pour l'occasion, et on peut choisir entre poisson, poulet, lambi, mouton. On nous installe sur la terrasse qui domine toute la ville. Sur chaque pilier, un assortiment de guirlandes et de roses rouges en tissu scotchées en de jolies gerbes. Ils ont aussi transformé leur salon en salle de restaurant. Sur chaque table, une nappe en dentelle rouge, des petites serviettes en papier couvertes de coeurs, des bougies et des verres à pied. La porcelaine est de sortie, avec les bouquets de fleurs artificielles qui trônent fièrement dans des vases-oiseaux très kitschs. Des interprétations instrumentales de chansons d'amour s'échappent doucement des hauts parleurs. On sent les heures de préparation pour transformer la maison en temple de la Saint Valentin. C'en est touchant. Alors qu'on nous sert une bière, en apéro (on est les premiers convives), deux enfants en pantalons à pinces et chemisettes viennent nous offrir deux roses en tissu plantées sur des mini-nounours, puis s'évertuent à allumer les bougies de notre table malgré la brise qui souffle fort sur ces hauteurs. Pour nous tenir compagnie, le maître de maison vient nous faire la conversation. Il respire la gentillesse, et fait très James Brown, avec sa coupe afro et sa chemise flambant rouge. Il nous demande d'où on vient, où on va, il nous dit qu'il a des amis français qui viennent tous les ans de Guadeloupe.

Puis arrive la soupe de callaloo en entrée. La dame qui nous la sert nous dit que c'est une voisine qui habite un peu plus bas. Quand je lui parle de mes essais de soupe de callaloo, elle hoche la tête avec sérieux. Puis elle revient et nous explique sa recette, tout en détail. Je lui dis que maintenant, j'ai le secret d'une soupe réussie, car la sienne est effectivement délicieuse. Elle est génée. A peine la soupe terminée, on nous apporte une petite salade dans la vaisselle des grands jours : assiettes en verre soufflé et cuillères ciselées. Le maître de maison vient faire un tour toutes les dix minutes, anxieux, et le petit garçon surgit dès que notre bougie est éteinte. D'autres couples arrivent. Là, c'est le grand soir, robes rouges velours et smokings blanc et rouge, le top. A peine on pose notre fourchette qu'on nous apporte le plat suivant. Le lambi est excellent, accompagné de légumes du coin.

A vingt heures, la musique "live" démarre. Sous la tente, un DJ s'affaire à passer les plus grands tubes de chansons romantiques, de Céline Dion à Whitney Houston en passant par Brian Adams. C'est assez irréel, comme ambiance. On se croirait dans le générique d'une série américaine. On rigole, mais on est les plus heureux. Avec le dessert (un gâteau maison avec un glaçage de sucre rose et de la crème glacée à la vanille), on nous sert un pétillant aux fruits. Dommage qu'on soit crevés, on passe une super soirée. En partant, on remercie toute la famille du mieux qu'on peut. Au moment de revenir au bateau, on passe devant l'hôtel qui a commissionné un crooner pour animer la soirée. Les gens sont silencieux, le nez dans leur assiette. On regrette déjà la chaleureuse maisonnée de Trisy.

14 février 2009

Quelques jours de navigation

Pour arriver à Fort de France on s'est fait une journée de navigation de rêve, la première depuis un bon moment. Fatigante physiquement, ça tape, ça mouille, ça souffle fort, ça lof dur dans les rafales, ça gite... Simplement génial. Malgré le courant et la mer agressive dans le nez, le bougre fonce à une moyenne de 6,5 nœuds.
Le genre de conditions ou Grégal devient une bombe de vitesse et de sensations fortes. Le genre de journée ou je me dis que c'est un costaud notre bateau et que c'est ça qu'il aime. Çà tombe bien, moi aussi.



Le retour dans le sud a duré 24 heures pour rejoindre Canouan, à quelques milles au nord des fameux Tobago Cays. Rien de sportif cette fois, les alizés de travers nous ont amené dans le mouillage le plus rouleur des Antilles. Mais pas de regret. On s'est offert un délicieux cocktail face à la mer avec le soleil couchant. On a rencontré les locaux, mangé chez l'habitant qui s'était improvisé restaurant pour la St Valentin et on a pu faire le plein d'eau via une barcasse ambulante sur laquelle trône deux gros réservoirs. Comme nous disait le Doc d'Union la première fois qu'on l'a rencontré dans son Anchorage Yacht Club alors qu'on cherchait à boire un verre : "Elle est pas belle la vie, hein ?".

Elle est assez sympa ouais...

13 février 2009

Les criques de mon Papa

Même si ici à Fort-de-France tout est toujours fermé, le matin, avant dix heures, si on est chanceux, on croise une ou deux boulangeries ouvertes, ou un petit primeur, ou quelques étalages de fruits et légumes (aux prix devenus exhorbitants, crise oblige) épars, sur la place du marché. Mon raid du jour m'a permis de ramener des pains au chocolat, des baguettes croustillantes encore chaudes (ça faisait longtemps !), des petites mangues, des citrons verts et des tomates. Hier, c'était christophines et bananes, mais les bananes ont été dévalisées et aujourd'hui il n'y en a plus. En temps de crise, comme en nav', il y a un ingrédient dont on ne peut se passer, qui se conserve des temps à l'abri de la lumière est qui se transforme de mille façons, pour notre plus grand plaisir : ce sont les pommes de terre.

Je vous propose ici une recette que je tiens de mon papa, et que j'ai toujours adorée. Ça s'appelle les "criques". Ce sont des galettes de pomme de terre râpée, relevées d'ail et de persil, et rissolées dans l'huile d'olive jusqu'à ce qu'elles soient bien dorées. Au final, on obtient une fabuleuse galette, croustillante à souhait à l'extérieur et moelleuse et fondante à cœur. Sûr que si vous les essayez, vous ne regarderez plus jamais les pommes de terre du même œil ! Autre avantage, le fait de cuire les patates râpées va réellement plus vite que si on les rissole en morceaux à la poêle ; c'est de fait une super recette à faire en nav' (testé pour vous aussi).

Ingrédients (pour 2 personnes)

- 4 belles pommes de terre (2 par personne)
- 1 grosse gousse d'ail ou 2 petites
- 5-6 brins de persil frais
- 1 oeuf
- Sel, poivre
- 1 pincée de muscace râpée
- huile d'olive

Préparation :

1) Râper à la râpe à main les pommes de terre épluchées (en alternant petits trous et grands) (ou au robot si vous en êtes muni) dans un saladier (ne pas les égoutter).

2) Incorporer l'oeuf entier battu, l'ail écrasé, le sel, le poivre, la muscade, et le persil frais émincé.

3) Faire chauffer 3 mm d'huile d'olive au fond d'une poêle (si on ne met pas assez d'huile, la crique cuit "sèche" sans dorer). Déposer dans la poêle des galettes arrondies de la préparation aux pommes de terre, d'environ 1 cm d'épaisseur. Faire rissoler à feu moyen. Quand la crique est dorée d'un côté (environ 6-7 minutes), la retourner. Veiller à ce que l'intérieur soit tout de même bien cuit.

4) Égoutter le criques sur du papier absorbant. Servir immédiatement (ça refroidit vite !) avec une salade verte croquante accompagnée d'une vinaigrette moutardée et aïlée.

12 février 2009

le-gregal.com

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11 février 2009

Petite journée aux urgences

Belle journée de tourisme rien du tout pittoresque que cette journée d'hier ! Départ 8h30. On laisse notre annexe au ponton même si nos voisins de mouillage, une sympathique petite famille, nous ont averti qu'ils s'étaient fait poignarder la leur hier soir alors qu'ils étaient au restaurant. C'est moche les périodes de crise. Fort-de-France ressemble à une ville un lendemain de coupe du monde : rues jonchées de détritus, poubelles qui débordent, gueule de bois. Tous les magasins sont fermés, du plus petit bazar au supermarché en passant par les Mac Do et divers restaurants. Du rarement vu. Ici, c'est la grève générale depuis 5 jours "pour le pouvoir d'achat et contre la vie chère" et le général se voit bien, même si de notre vécu on n'a jamais eu l'occasion de le vivre en Métropole, à part peut-être en Mai 68. Chez nous, quand grève il y a, c'est toujours une affaire de corporation, de secteur d'activité, de fonctionnaires, d'employés SNCF ou de buralistes en colère. A part ça, avant de voir Carrefour et Auchan fermer pendant des jours, on peut courir. Ici, TOUT est fermé. Fort-de-France, meurtrie le jour par les manifs virulentes, se blottit derrière les grilles des devantures.

On passe devant un petite boutique de presse, qui, miracle, est ouverte ce matin. La caissière s'adresse à nous à voix basse, comme prise en faute : "Mon patron m'a dit de fermer à 10 heures, au moment où les manifestations recommencent, par sécurité. De toute façon, on n'est même pas sensés ouvrir". Comme pour lui exprimer notre solidarité en cette conjoncture difficile, on lui achète plus de 10 magazines made-in-France : 6 mois qu'on n'en a pas vu, il faut bien faire le plein ! Nous on était remontés en Martinique, la fleur au bec, pensant compenser la morosité de cette halte technique imprévue par un approvisionnement massif en produits français. Car la Martinique, c'est la France ! On se voyait déjà, dans les rayons de Carrefour et de Leader Price, faire la razzia sur les camemberts, les baguettes de pain frais, le comté, les tommes de chèvre, les confits de canard, les andouillettes, les saucissons, les jambons crus, le bon vin et pourquoi pas, le foie gras ! Que nenni. Rien du tout. La guigne totale. Et puis avec ça, pas un bus qui circule. Au CHU, il faudra s'y rendre à pied. "Ah mais vous n'êtes pas arrivés, il y a au moins 4 kilomètres. Bon courage !". Les gens ici sont compatissants. On tente de faire du stop, sur le boulevard. Les voitures nous dépassent, bien souvent un seul chauffeur - zéro passagers, mais aucune ne s'arrête. On entend presque ce qu'ils pensent : "Désolés les gars, chacun sa merde. Vous, vous êtes en vacances, vous avez le temps". Alors on marche. En sortant du centre-ville, on passe devant des files interminables de voitures qui attendent devant les pompes à essence. Finalement, dans ces bouchons monstrueux, on va plus vite à pied. Plus on s'éloigne du centre et plus on croise quelques rares petits troquets qui ouvrent, à la sauvette : boulangeries, épiceries de quartier, dépôt de pain. On traverse la zone industrielle, déserte. L'enseigne de Carrefour, énorme, nous nargue.

On mettra une heure et demi à rejoindre le CHU, perché en haut de la colline. Il est 11 heures. On se dirige vers les urgences. Au moins, c'est bien fléché : à gauche, l'entrée pour "les patients valides", à droite, les portes automatiques pour "les patients couchés". Tom passe par l'inscription administrative pour les admissions et nous allons patienter dans la salle d'attente climatisée. Il y a une petite dizaine de personnes. C'est là qu'on est heureux de sortir notre pile de magazines, on se fait notre salle d'attente de dentiste à nous. On prévoit à Tom 3 heures d'attente, mais il sera reçu au bout de 2 heures et demi. Pas si mal, pour un hôpital à moitié en grève ! Au bout d'une heure, une infirmière vient me chercher. Tom est allongé sur un brancard, une perf dans le bras, avec le sourire : "Ils n'ont rien trouvé aux analyses d'urine mais j'ai insisté pour avoir la totale, scanner et tout. En tant que skipper, je leur ai dit que je ne voulais pas que ça se reproduise au milieu de l'Atlantique". Du coup, on attendra 4 heures de plus avant que Tom ne soit admis au scanner. Son lit est parqué contre un mur au milieu d'autres lits à roulettes où attendent les malades en transit. Heureusement, aucun cas horrible où la personne se tord dans d'atroces souffrances. J'attends auprès du lit de Tom qui bouquine "L'Ordinateur Magazine", même si je ne suis pas sensée être ici. De temps à autre, les infirmières, calmes et gentilles, indiquent aux accompagnants de retourner en salle d'attente, pour éviter l'embouteillage. Je me conforme à leur indications une fois par heure, par complaisance. Dans la salle d'attente, je regarde le JT de Pujadas avec 5 heures d'avance, puis le JT local. On apprend que la Guadeloupe est toujours bloquée, depuis 3 semaines, et que pour la Martinique les négociations avec le ministre délégué à l'outre-mer sont en bonne voie : ils prévoient une baisse de 20% sur une centaine de produits de consommation de première nécessité, et cela tempère un peu la virulence des grévistes. Quand je reviens, le lit de Tom est vide. Entre-temps, il a piqué une perche à roulettes et est parti se balader dans les couloirs avec sa perf de chlorure de sodium (mise pour faciliter le scan) et sa chemisette de malade. Je le sermonne et il me réclame un café et un Snickers. Les médecins et infirmiers sont super jeunes ici, ça fait drôle. On se demande qui est étudiant et qui ne l'est pas. A un moment, un grand escogriffe en jean, t-shirt blanc et tatanes, tignasse frisée et barbe de 5 jours, type "métro"(politain) (= blanc) s'approche d'une vieille dame et se présente comme son chirurgien. C'est beau, la relève.

Tom passera au scanner à 19 heures. Son médecin est un martiniquais jovial. Il est impressionné par notre traversée sur un voilier de moins de 10 mètres. Les résultats du scanner ne tarderont pas : rien à signaler, pas de caillou, ouf ! Mais on prescrit à Tom tout ce qu'il faut, et notamment les fameux anti-inflammatoires non stéroidiens, au cas où surviendrait une nouvelle crise. Cela dit, peu de chances que ça se reproduise ! Tom s'est mis à boire de l'eau, plus que jamais, lui qui ne se désaltérait qu'à la bière sur le coup des 16 heures ! On rentrera en taxi, dans la nuit, et là, on retrouve notre annexe intacte. Grégal, lui non plus, n'a pas bougé et nous attend sagement. Au loin, quelques échos du carnaval qui se passe comme il peut, avec tambours et danses dans la rue : en toutes circonstances, les martiniquais ne perdent pas le sens de la fête !

9 février 2009

Halte à Marigot Bay

Salut, amis du G.A.T (hé oui, c'est la classe !) et merci pour ce soutien ! De vous lire a déjà redonné des couleurs au skipper (mais malheureusement, Alber, le tom ne retrouvera pas toutes ses mèches platines car il s'est fait couper les cheveux :). Il boit beaucoup d'eau (au minimum 2 litres par jour) et on fait gaffe sur l'alimentation (pas trop salé, pas trop sucré, pas trop protéiné).

Ce soir on est au mouillage à Marigot Bay, sur l'île de Sainte Lucie. C'est un coin magnifique (ou "assez sympa", comme vous voulez) avec une petite avancée dans la mangrove bordée de palmiers ondoyant, on y reviendra, tiens !). Notre nav' d'aujourd'hui s'est super bien passée : pas trop de vent, juste 15-20 noeuds selon les moments, allure de près où Gregal excelle, soleil permanent, îles qui se succèdent et côtes verdoyantes : que du bonheur !

Le Captain est un solide malgré qu'il est sec comme un Bruce Lee, il tient le coup, se remet petit à petit et il se fait plaisir à bien faire avancer notre rafiot (qui le lui rend bien). La nuit d'hier sur l'île de Saint Vincent nous a permis de récupérer et ce soir ce sera pareil, c'est mieux pour Tom de ne pas faire de nav' de nuit tout de même. On est suivis de près par le Cross de Fort de France qui ne nous lâchera pas tant qu'ils ne seront pas avertis qu'on est bien arrivés en Martinique : c'est incroyable le suivi du Cross (Toulouse puis Martinique), chapeau bas, on ne s'en doutait pas à ce point !

Voici quelques images de notre avancée une petite vidéo !


8 février 2009

Captain is back




Après une bonne nuit de sommeil, nous allons quitter Clifton, Union, à 8H, direction : Walilaboo Bay, sur l'île de Saint Vincent. Normalement 8 petites heures de nav' nous attendent dans des conditions ventées et ensoleillées :)

6 février 2009

Nuit néphrétique frénétique

Il y a des jours où tout n'est pas si bleu sous le soleil des Caraïbes. Nous venons, par exemple, de passer une nuit abominable. La soirée avait pourtant bien commencé : Tom avait trouvé un coiffeur pour épointer les dread-locks blond platine qui commençaient à prendre forme sur sa tête, j'avais, pour ma première tentative de pêche à la palangrotte depuis le bateau, attrapé trois jolis petits poissons que Tom venait de vider et qui ne demandaient plus qu'à finir sur le barbecue au coucher du soleil, pendant que nous dégustions un ti-punch.

Sur le coup des 19 heures heure locale, Tom se plaint de douleurs sur le côté gauche au niveau des reins. Très vite, il devient tout pâle en répétant qu'il a mal au côté et qu'il ne se sent pas bien. Je lui donne deux paracétamol et voilà que la douleur, subitement, devient fulgurante. On passe au Diantalvic. Un quart d'heure plus tard, Tom vomit tous ses cachets. Il est vraiment très mal et souffre atrocement. Je fouille dans mes livres de santé et je tombe sur la description des symptômes d'une colique néphrétique (il m'avait justement fait remarqué l'après-midi même qu'il avait du sang dans ses urines). Il y est conseillé de donner du Spasfon, ce que je fais. J'ai aussi dans la pharmacie de bord de l'homéopathie (Berberis 9CH) que le Dr. Dransart, homéopathe ami de la famille de Tom, avait listé pour les coliques néphrétiques, et que j'utilise par la même occasion. Sur le coup des 20h, Tom a encore vomi et se tord de douleur sur le lit. Ne sachant plus que faire, je file en annexe voir les voisins les plus proches et leur explique notre cas. Union Island est toute petite et je désespère de trouver un médecin à cette heure. Peu après, le voisin revient avec un téléphone portable en main : c'est celui du barman de la marina dont le patron est un médecin français retraité qui vit sur une petite île en face. Le barman lui a demandé de l'appeler et en effet je reçois un coup de fil du "Doc" en question. Il me dit que ça ressemble effectivement à une colique néphrétique et nous cherchons ensemble ce que nous avons dans la pharmacie pour soulager Tom : rien ne colle en terme d'anti-douleurs (le docteur me confirme que le Diantalvic est inefficace dans ce cas) ou anti-inflammatoires (on en a qu'une sorte, à la cortisone, qui ne convient pas pour ce type d'affection). Il me dit qu'on ne peut pas faire grand chose, qu'il faut attendre que la douleur s'atténue puis passe, et il me conseille de continuer avec le Spasfon, ce que je fais en administrant au malade trois nouveaux cachets. Même les compresses chaudes (je cherche alors sur Internet tout ce qui peut soulager la douleur) ne lui font aucun effet. Enfin, le "Doc" me signale que je peux le rappeler à n'importe quelle heure de la nuit.

Une demi-heure plus tard, Tom se tord toujours et la douleur, lancinante, continue, atroce, ne cesse à aucun moment. Le Spasfon est inefficace, et l'homéopthie que Tom prend toutes les 30 minutes tarde a agir. Paniquée, j'appelle alors le CHU de Toulouse qui fait des consultations à distance pour les navigateurs plaisanciers. Le médecin sur le quel je tombe est formidable, mais elle est catégorique : on ne traite pas une colique néphrétique à coups de Spasfon. Elle me précise que sur l'échelle de la douleur humaine, la douleur de la colique néphrétique (en fait, un calcul rénal coincé dans l'urètre et que l'urètre essaie d'expulser en se contractant continuellement) est probablement la pire que l'on puisse ressentir (même pire que celle d'un accouchement particulièrement douloureux, c'est dire). Tom souffre les tourments de l'enfer et le médecin du CHU m'explique qu'il faut l'évacuer si la douleur ne passe pas. Elle me propose de rappeler le médecin français pour savoir s'il ne peut pas se déplacer pour nous aider, ce que je fais. Il est chez des amis, mais accepte de venir en bateau à moteur depuis son île voisine. Les minutes que nous passons à l'attendre sont interminables. Tom hurle dans son lit et je scrute la nuit à la recherche de feux de positions qui viendraient vers nous.

Finalement, le Doc arrive, avec sa fille, son "assistante" dans les interventions, qui soit dit en passant ressemble comme deux gouttes d'eau à Norah Jones. Il n'a rien de mieux qu'un deuxième antispasmodique puissant et du Spasfon lyoc, plus facile à assimiler. C'est un vieux routard des interventions locales d'urgence : il m'explique qu'ici il n'y a rien et que depuis 16 ans il se fait SAMU ambulant pour dépanner les gens du coin. Il est aussi très rassurant, avec un ton de voix calme et des expressions imagées remplies d'espoir : "Pour la colique néphrétique, on apprend en Fac de médecine que "Soulagé, le patient s'endort, épuisé". Autrement dit, que la douleur stoppe comme elle est venue." Mais pour Tom, l'heure du Salut traîne à venir. Toutefois, il semble que sous l'effet des nouveaux médicaments et des paroles paternelles du Doc, il se détende et que la douleur diminue un peu. Le Doc et sa fille resteront plus d'une heure pour le surveiller. Ils disent à Tom de boire le maximum d'eau entre les crises. Quand il reprennent le chemin de la mer, Tom semble aller mieux : il arrive à s'endormir.

C'est alors que le service d'évacuation d'urgence du CHU de Toulouse me rappelle sur mon portable. Ils demandent où on en est et sollicitent une conférence à trois avec le médecin de garde. Nous décidons de concert qu'il faut attendre un peu pour voir si l'état de Tom s'améliore. Ils me demandent de les rappeler dans 2-3 heures. Entre-temps, la douleur est toujours là, vicieuse et permanente, mais elle a désormais pris des proportions supportables. Tom parvient à somnoler un peu, et dès qu'il se réveille il boit de l'eau. Cela l'aide à aller aux toilettes pour vidanger. Quand je rappelle le CHU sur le coup des 3 heures du matin, je leur explique que le patient a toujours mal et ils insistent pour que nous options pour un rapatriement sur Trinidad. Or, le Doc nous a mis en garde : "Sous aucun prétexte ici ne vous faites hospitaliser ailleurs qu'en Martinique". La conversation avec le CHU se clôt car mon forfait de téléphone est épuisé. Je change ma carte Sim avec celle du téléphone de Tom car son mobile ne veut plus démarrer. Cela dit, je n'ai pas eu le temps de donner l'autre numéro de téléphone au CHU. Suivront 3 heures où Tom tente tout ce qu'il peut pour supporter les crises de douleurs ultra aigües qui surviennent, un peu plus espacées. C'est totalement insupportable de le voir souffrir de la sorte sans pouvoir rien faire, même si la douleur va décroissant et qu'il parvient à dormir. A 6 heures, je me demande si on ne fait pas une erreur en n'évacuant pas le malade : à bout de nerfs, j'appelle la mère de Tom dont le mari est médecin à la retraite. Après concertation, ils me confirment que le Doc a raison, que les douleurs sont immenses mais qu'elles passent dans 80% des cas, lorsque le caillou est éliminé, et qu'il vaut peut-être mieux éviter le stress d'une évacuation sanitaire. Tom va un peu mieux, mais il est faible. Deux heures de sommeil lui seront bénéfiques.

A 9 heures du matin, nous recevons la visite des gardes-côte locaux : ils ont été alertés par le CHU en France qui s'inquiétait de ne plus avoir de nos nouvelles. Nous négocions finalement de ne pas évacuer le malade sur l'île de Saint Vincent, dont dépend l'île de Union où nous nous trouvons, malgré l'insistance du CHU qui me rappelle sur le portable des coast guards à ce sujet : ils ne rigolent pas avec ça et nous précisent que notre décision relève de notre responsabilité, et qu'à la moindre rechute, ils nous évacuent direct. A dix heures, Tom est debout, il me dit que la douleur est devenue beaucoup plus ténue. Nous recevons à ce moment-là la visite du Doc qui est content de voir que Tom sourit à nouveau. Le pire est passé. La douleur ira s'estompant davantage, et Tom jubile car enfin il ne souffre plus. Nous allons même en ville en milieu d'après-midi, Tom a retrouvé toute sa mobilité et de l'énergie. On mangera un bout à l'ombre d'une terrasse, pour reprendre des force, en buvant une grande bouteille d'eau fraîche, et on fera le plein de bouteilles d'eau minérale.

Sur les conseils du Doc, l'objectif pour les jours à venir est que Tom se repose, recharge ses batteries, puis nous remonterons tranquillement vers la Martinique (à 120 milles de là soit une petite trentaine d'heure de navigation en 3 étapes) pour faire les examens cliniques nécessaires et savoir s'il y a calcul ou non (nous avons eu beau guetter à chaque "vidange", rien n'est venu !). Puis nous redescendrons sur les Tobago qui ne nous ont pas tout raconté et qui, une fois de plus, se dérobent dans leur écrin de corail et d'eau claire...

NB : Merci à tous ceux qui ont soutenu Tom sur place et à distance pendant cette crise !

5 février 2009

Clifton Harbour - Union Island

Poulet des îles en cocotte ("chicken stew") façon Grégal

Inspirée des ragoûts traditionnels carribéens et riche en ingrédients locaux, cette marmite savoureuse est très facile à faire et vous surprendra par la multiplicité de ses arômes !

Ingrédients (pour 4 personnes)

- 4 cuisses de poulet ou 1 poulet entier découpé en morceaux
- 5 oignons
- 5 gousses d'ail
- 3 carottes
- 1 christophine (ou de la courge)
- 2 tomates
- 1 banane plantain (ou normale, à défaut)
- 1 c.à café de sauce Worcestershire
- 1 et 1/2 c.à café de moutarde
- Qq pincées (au goût) de piment de cayenne moulu
- 3/4 de cuillère à café de sel
- 1 c. à soupe de beurre de cacahouètes
- 1 pincée de noix de muscade râpée
- 1 branche de thym
- 1/2 c.à café de poivre du moulin
- 1 bouillon cube de poule
- 1 c. à soupe de farine

Préparation :

1) Dans le fond d'une cocotte, faire revenir le poulet dans un peu d'huile d'olive jusqu'à ce qu'il soit doré. Réserver.

2) Dans le jus de cuisson du poulet, faire revenir les oignons émincés en lamelles et l'ail écrasé, jusqu'à ce qu'ils deviennent translucides.

3) Ajouter aux oignons la moutarde, la sauce Worcestershire, les épices, le sel et le poivre.

4) Rajouter le poulet, les carottes et les christophines coupées en petits morceaux, ajouter la farine et faire sauter 3 minutes à feu vif. Ajouter les tomates en dés, la banane plantain et le beurre de cacahouètes, mélanger.

5) Ajouter le bouillon-cube + 1 tasse 1/2 d'eau. Fermer la cocotte et faire cuire 45 minutes à couvert, ou 30 minutes à la vapeur. Servir avec du riz et des épinards à l'étouffée.

2 février 2009

Sandy Island - Carriacou



Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres : nous sommes le 2 février et cela fait pile 6 mois que nous avons pris le large ! Il nous semble que le temps s'étire comme un long ruban de stratus sous le soleil, et ma foi nous commençons un peu à perdre nos repères...

Notre traversée de Grenade à Carriacou (petite île qui fait aussi partie de Grenade) a été une totale réussite : partis de St David's Harbour, au sud de Grenade, nous avons fait le choix de rejoindre Carriacou, à 35 milles au nord, par la côte Est de Grenade, ce qui, il faut bien l'avouer, est très rarement pratiqué par les plaisanciers du coin ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en longeant la côte Sud on se trouve face aux alizés avec en plus un courant d'environ 2 noeuds qui repousse en arrière, sans parler de l'état de la mer lorsque l'on tire un grand bord au près dans les alizés ! Nous avons dû faire 2 bonnes heures de moteur avec un vent force 5 dans le nez pour dépasser la côte Sud, puis nous avons enfin pu profiter de l'alizé Est pour tracer un grand bord jusqu'au Sud de Carriacou. En tout et pour tout, nous avons mis 7 heures 30 pour rejoindre Tyrrel Bay, ce qui n'est pas mal du tout.

Carriacou est plus tranquille et plus traditionnelle que Grenade. Le touriste s'y fait plus rare. Après une très brève escale à Tyrrel Bay, où tous les bateaux qui arrivent sur Carriacou viennent mouiller l'ancre, nous nous sommes échappés un peu plus au nord vers le minuscule ilôt désert de "Sandy Island", sur la côte Ouest de Carriacou. Quelle merveille cette île ! Un vrai coin de paradis ! Sandy Island est une petite bande de sable blanc issue d'une barrière de corail toute proche, entourée d'une eau turquoise et limpide. Quand nous nous sommes arrêtés, il n'y avait que 4 bateaux au mouillage, car le vent soufflait fort, de 20 à 25 noeuds. Enchantés par l'endroit, nous avons pris le risque de rester pour la nuit, même si le mouillage n'est pas très abrité. Aujourd'hui, nous n'étions plus que 2 bateaux. Le vent ayant forci de 25 à 30 noeuds, tout le monde avait déserté. L'île était à nous ! Nous avons profité comme il se doit du sable blanc et fin comme de la farine, de l'eau translucide et surtout, de la barrière de corail toute proche qui nous a offert une plongée en PMT mémorable ! Nous avons vu de tout : des oursins géants, des coreaux en forme de coussins ou de cerveaux, des poissons de toutes les tailles et de toutes les couleurs, et même une ravissante petite tortue de mer, qui nageait paisiblement, et dont on aurait dit que la carapace avait été ciselée d'inscriptions azthèques.

Alors oui, nous profitons de notre 7e mois entamé de voyage. Pour faire pendant à notre bilan à 3 mois, voici ce que nous pouvons dire :

1) Etat d'esprit de l'équipage : la traversée de l'Atlantique a endurcit l'équipage. Certes, il y a eu des moments pénibles mais tout cela a renforcé d'autant plus les marins en herbe que nous sommes. En ce moment, les Antilles sont comme une parenthèse magique qui nous fait perdre toute notion du temps, alors que nous nous encrons d'autant mieux dans la vie à bord de Grégal. Maintenant, son petit espace ne nous semble plus trop réduit ou trop inconfortable ! La chaleur rend les douches et la vaisselle en plein air d'autant plus agréables. Autant il y a trois mois, nous n'avions pas encore réellement "décroché", autant là, notre petite vie Montpéllieraine nous paraît bien loin (même si l'on adore s'en remémorer les bonnes choses à tout instant). Cela dit, le Capitaine comme le Mousse ne s'imaginent pas vivre éternellement sur l'eau en Caraïbes. Trop d'exemples de SDF de la mer, échoués dans un port d'une île paradisiaque sans espoir de retour ont suffi à ne pas leur donner cette envie-là. Ils gardent donc les pieds sur terre et préparent lentement leur retour, surtout pour ne pas être à court de projets et pour continuer à trouver l'énergie d'apprécier la vie et tout ce qu'elle apporte de beau.

2) Apprentissage du mousse : le mousse se débrouille de mieux en mieux en quarts comme au mouillage, il est à présent une aide sur laquelle le Capitaine peut s'appuyer, mais sa principale faiblesse reste son irrépressible tendance à être tête en l'air. La navigation exige une rigeur de chaque instant qui lui semble impossible à tenir !

3) Compétences du capitaine : le Capitaine n'a pas volé son titre. Il sait nous tirer de toutes les situations avec sang-froid. De plus, les innombrables soucis matériels et mécaniques qui se manifestent sur Grégal tous les jours ont boosté ses talents de mécanicien (même si cela lui cause presque plus de stress que le quotidien au boulot !).

4) Comportement du bateau : Grégal est toujours fair-play. Il nous amène sans broncher vers tous les endroits que nous visons. Pourvu que nous lui fournissions des voiles en état et un gréement qui tient la route, le vieux grigou n'a pas dit son dernier mot et nous sommes fiers de le voir naviguer fièrement dans les alizés à plus de 6 noeuds. Certes, il a tous les jours quelque chose qui se met à clocher ou à casser, ce qui fait enrager le Capitaine, mais à son âge, qu'y peut-il ? Nous espérons de tout coeur le ramener sain et sauf à son port d'attache.

5) Les haltes dans les ports : il n'y en a plus depuis le Cap Vert ! Avec le plein d'eau que nous avions fait à Mindelo, nous avons tenu un mois et demi, dont une traversée de l'Atlantique : pas mal côté autonomie, non ? Ici en Caraïbes, on vit très bien au mouillage : l'éolienne poussée par l'alizé nous fournit le courant, le panneau solaire est stimulé par le soleil brûlant. Pour le reste (eau + gazoil), 5 minutes au ponton d'une marina tous les mois suffit !

6) La pêche : dès que l'on met la ligne, on continue à sortir de beaux spécimens, mais il semblerait que ces temps-ci, on ait un peu trop la flemme de la sortir ! Une honte nous direz-vous, mais nous attendons que Kim et Nico viennent nous sortir de notre torpeur, nom d'une allache!

7) La vie en Caraïbes : et oui même si cela paraît paradisiaque, il faut s'y adapter : se faire au soleil dont les rayons directs brûlent la peau même en plein mois de janvier, se faire à la pluie (les fameux grains) qui tombe toutes les nuits et inonde le bateau si l'on a oublié de fermer les hublots, se faire aux récifs coralliens qui menacent la quille de Grégal à chaque approche d'île inconnue, se faire à l'absence de tout fromage digne de ce nom, se faire à la cuisson des christophines (merci Clairette pour les moults recettes !!!!) et des bananes plantain, se faire au rhum à 70° dans les ti-punchs, se faire au taux de change du dollar carribéen qui vaut 3,54 fois moins que l'euro... Mais le jeu en vaut la chandelle, croyez-nous !

6) Le mot de la fin : vous qui entamez un tour de l'Atlantique à la voile, dépêchez-vous de tirer vers les Antilles ! Vous ne serez pas déçus ! Tous les autres : prenez un billet d'avion au plus vite !